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VOLONTAIRE — VOLONTARISME


IV. L’involontaire.

Définition.

Dans un sens plus large, l’involontaire est l’acte qui ne procède pas de la volonté ; cf. saint Thomas, De malo, q. iii, a. 8. Dans un sens plus strict, c’est l’acte auquel s’oppose la volonté. Saint Thomas fait observer que cet involontaire, dès qu’il est conscient, doit engendrer dans l’âme un sentiment de tristesse. Loc. cit.

Deux éléments sont requis pour le volontaire, consentement de la volonté, connaissance de l’intelligence. C’est donc sous ce double aspect qu’un acte peut être dit involontaire : ou bien parce que l’acte est imposé à la volonté contrairement à son inclination et à son désir (c’est le cas du fidèle qui serait entraîné malgré lui à l’autel d’une idole) ; ou bien parce que l’acte de la volonté procède d’une ignorance (c’est le cas du chasseur tuant un homme tout en croyant abattre une bête fauve). Noklin, De principiis theologiæ moralis, n. 44.

Divisions.

On pourrait appliquer à l’involontaire les mêmes divisions qu’au volontaire. Il suffit de relever ici les deux principales.

1. Involontaire négatif ou privatif et involontaire positif.

— L’involontaire négatif ou privatif existe quand la volonté n’a formulé aucun acte à l’égard de l’objet ; l’involontaire positif existe quand la volonté fait acte d’aversion ou de non-vouloir. On voit que l’involontaire privatif pourrait être identifié au nonvolontaire. Certains auteurs cependant font, avec saint Thomas, loc. cit., une distinction. Serait involontaire négatif l’acte posé sous l’influence d’une ignorance de l’objet. Si la volonté avait été éclairée, elle n’aurait pas donné son consentement. Serait simplement non volontaire l’acte posé sous l’influence d’une ignorance de l’objet, mais que la volonté, mieux éclairée, accueille avec plaisir. Saint Thomas donne comme exemple de non-volontaire l’adultère commis par suite d’une erreur de personne mais dont, après coup, le coupable se réjouit. Les moralistes disent que l’involontaire est fait ex errore, le nonvolontaire, cum errore.

2. Involontaire parfait et involontaire imparfait.

Le premier existe quand la volonté repousse pleinement et, autant qu’il est en elle, efficacement l’objet qui lui est présenté. Le second suppose dans la volonté une certaine hésitation. Des tentations contre la foi, la charité, la chasteté, qui sont repoussées sans hésitation, sont parfaitement involontaires ; mais imparfaitement involontaires sont celles qu’on rejette avec hésitation et négligence.

S. Thomas, Sum. Iheol., I » -II">, q. vt et les commentateurs de cette partie de la Somme, mais notamment Suarez, qui a fait de son commentaire un traité spécial, Tractatus de imluntario et involuntario, dans Opéra ont/lia, Vis, Paris, t. iv, p. 157-274 ; Salmanticcnses, De prinripu. s moralilatis, c. i, n. 9-21, dans Cursus théologies moralis, Venise, 1764, t. i ; Billuart, De actibns humanis, dissert. Mil.

Parmi les auteurs modernes, Ballerini-Palmieri, Opus Iheologicum morale, Prato, 1889, tract. I, c. ii, n. 17-.">3 ; I.ehmkuhl, Theologia moralis. Fribourg-en-B., 1923, t. i, n. 3-26 ; Marc, Institutions morale* alphonsianæ, Rome, 1891, t. i, n. 271 sq., .’i 1 : i s(|. ; Priimmer, Manimle théologies moralis, Frib.-en-B., 1923, t. i, n. 48-62 ; cꝟ. 63-98 ; Noldin, Dr » rinripiis theologiæ moralis, [rapruck, 1941, t. II, q. i,

i. 2. n. 12-1 1 ; cf. a. 4, n. 47-62 et, en général, tous les

manuels à la question des actes humains, t’nc mention particulière es) fine au manuel de Tanqucrey, Synopsis theologiæ moralis, 10’éd., Paris, 1936, t. ii, n. 116, 12.V 131, 138-184, dont les exposés sont remarquables de précision ei d’actualité.

A. Mk ni i.


VOLONTARISME. — Le mot volontarisme i a été consacré par l’usage pour désigner en pbilOSO phie la prééminence de la volonté sur l’intelligence dans la détermination ou bien ou dans la recherche île la vérité. La thèse volontariste n’est pas unique ment philosophique, eiic ; i lie profondes répercussions en théologie. C’est à ce titre qu’on l’étudié ici : I. Eu Dieu. II. Dans l’âme humaine (col. 3317).

I. Le volontarisme en dieu.

Il s’agit principalement de savoir si la moralité est issue uniquement du commandement divin, si la discrimination du bien et du mal dépend d’un choix arbitraire de Dieu. Accessoirement, on se demande si la volonté divine détermine à son gré la vérité. On retracera d’abord l’histoire des opinions, pour en faire ensuite la critique.

Histoire des opinions.

1. Abélard.

Dans l’histoire de la théologie catholique, il semble qu’Abélard soit à l’origine du volontarisme. Mais son volontarisme est plutôt une réponse à une difficulté qu’une thèse exposée pour elle-même. Il s’agit de la peine positive du feu infligée en enfer aux enfants morts sans baptême. Telle était, on le sait, l’opinion jadis professée par saint Augustin. Voir ici t. ii, col. 367. Abélard accueille cette opinion qu’il puise dans un texte attribué à l’évêque d’Hippone, De fide ad Petrum, régula xxvii, P. L., t. xl, col. 774. Il concède qu’une telle condamnation, si elle émanait d’un juge humain, serait inique. Mais, venant de Dieu, on ne peut la juger telle : « Jamais, dit-il, on ne peut appeler mal ce qui est l’effet de la juste volonté de Dieu. Car nous ne pouvons discerner le bien du mal, que parce que le bien est conforme à la volonté et répond au bon plaisir de Dieu. Ainsi certains actes qui, par eux-mêmes, paraissent très mauvais et, pour autant, répréhensibles, peuvent être accomplis sur l’ordre du Seigneur. » Et Abélard cite des exemples : le pillage des biens égyptiens par les Hébreux, le massacre des coupables s’étant compromis avec les les femmes madianites, etc. Et il conclut : « Il est donc évident que toute discrimination du bien et du mal doit être reportée au bon plaisir de la divine providence, qui dispose à notre insu toutes choses pour le mieux. Rien, en conséquence, ne doit être réputé bien ou mal, sinon ce qui est conforme ou opposé à cette volonté parfaite. » Et la conclusion finale est que, bien que nous ne puissions pas comprendre la peine infligée aux enfants morts sans baptême, il faut confesser que cette peine est juste. In epist. ad Rom., t. II, c. v, P. L., t. clxxviii, col. 869.

2. Duns Scot.

La position de Scot est philosophiquement plus ferme. Son système, en effet, se caractérise par la primauté et l’indépendance de la volonté à l’égard de l’intelligence. Voir t. iv, col. 1880. Par rapport aux choses extérieures à Dieu, rien ne peut faire obstacle à son indépendance et à sa liberté. Des préceptes divins, Scot fera donc deux parts. Les préceptes de la première table qui se rapportent à Dieu considéré dans sa nature sont, comme Dieu lui-même, nécessaires et s’imposent d’une façon immuable. C’est le droit naturel strict. Les préceptes de la seconde table, relatifs à nous-mêmes et au prochain, sont, comme nous, contingents et Dieu, en toute rigueur, pourrait les modifier. Ils constituent le droit naturel large. In /// um Sent., dist. XXXVII, q. i, n. 8. dans Opéra amnia, Lyon 1639, t. vii, p. 898 ; cf. dist. XXXI, n. 12. p. 673. Cf. Landry, La philosophie de Dans Seal, Paris, 1922, p. 264-265. Certains faits rapportés par l’Écriture justifient cette distinction : Dieu a commandé l’homicide (Abraham), a permis le mensonge (Judith), a autorisé le vol (les Hébreux pillant les Egyptiens), a toléré la polygamie inaugurée par l.amcth. Or, un précepte qui s’allirmerall dans ses termes absolument vrai et nécessaire, quelle que soit la façon dont apparaissent Cette vérité et cette nécessité, aurait une priorité réelle sur l’action de la volonté et Dieu lui-même n’y pourrait jamais < ont ie enir sans que sa volonlé accuse un manque de justice et de droiture. Si Dieu a permis le