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VOL — VOLONTAIRE


enlevé est véritablement due en justice à celui qui s’en est emparé et celui-ci a des raisons graves de le soustraire d’une manière clandestine. À ces deux conditions, l’acte devient légitime et il peut être permis ou au moins toléré.

2. Conditions pour la légitimité de la compensation occulte. — Ces deux conditions méritent d’être précisées et expliquées ; toutes deux sont nécessaires, la première pour que l’acte de se compenser ne soit pas une injustice, la seconde afin que son caractère d’enlèvement clandestin ne fasse pas manquer aux convenances, à la charité et à la justice légale ou justice commune comme l’appelle saint Thomas, qui touche à cette question dans sa réponse ad 3um de l’article 5.

a) Sous peine d’être un vol, la compensation ne doit d’aucune façon violer la justice commulative ni même exposer à la violer. Le soustracteur du bien d’autrui prétend sans doute être créancier et il se croit dans son droit en reprenant soit l’objet qu’il dit sien par exemple en vertu d’un titre d’héritier ou de légataire, soit surtout la valeur d’une dette qu’on refuse de lui payer et dont il a créance en vertu d’un titre de contrat de travail ou d’une injustice commise à son détriment. Toutefois, avant de recourir à la compensation pour rentrer dans sa créance, il doit veiller à ne léser en rien les droits stricts du débiteur ou d’une tierce personne ; autrement sa prétendue compensation n’est qu’une injustice.

Or, les théologiens marquent qu’en matière de compensation occulte on peut commettre une injustice et ainsi rendre illégitime la compensation de quatre façons. Premièrement, parce que cette prétendue dette n’était pas due en stricte justice commutative, mais n’était qu’une dette improprement dite de convenance, de charité, de gratitude ; de ce chef serait injuste, par exemple, la compensation prise sous prétexte qu’un patron n’a pas accordé les étrennes habituelles. Deuxièmement, si la dett|, réelle et due en vertu de la justice commutative n’était pas encore exigible, mais n’arrivait à échéance que plus tard, par exemple qu’après la majorité du bénéficiaire d’un contrat de promesse. Troisièmement, quand l’obligation de payer ou la dette n’est que probable, à plus forte raison si elle est positivement douteuse ; ce cas se présente assez souvent et la tentation peut être forte de se contenter, en matière de compensation, de raisons peu sérieuses, comme celle, par exemple, d’un salaire insuffisant. Enfin, il est évident que la compensation est injuste si la valeur enlevée dépasse le montant de la dette réelle ; l’injustice se mesurera alors à l’excédent de la compensation sur la dette. Il faut encore ajouter le cas où la compensation risquerait de violer le droit d’une tierce personne, que ce droit vise un objet matériel ou un objet idéal comme la réputation. Il ne saurait être permis de recourir à la compensation avec la prévision que le fait de la soustraction aura pour effet de diriger les soupçons sur une personne déterminée et de lui faire tort dans ses biens ou dans son honneur.

Ce n’est qu’en observant exactement ces conditions que la compensation pourra être tolérée, et qu’on sera autorisé à considérer le débiteur privé de son bien comme irralionabiliter invitus. Mais encore faut-il, pour que la compensation soit parfaitement légitime, qu’intervienne la seconde condition.

b) Celle-ci consiste dans la justification du recours anormal qu’est la soustraction clandestine du bien d’autrui. En effet, une compensation de dette ne peut se faire que si elle est prévue et autorisée par la loi. En dehors de ce cas, le recouvrement d’une dette se servira des moyens réguliers tels que des réclamations, au besoin réitérées, près du débiteur, ou même

l’envoi d’une sommation et la menace d’un procès ; il ne doit pas en être autrement dans une société policée.

Or, laissant de côté ces moyens normaux ou ne croyant pas à leur efficacité, surtout après les avoir inutilement essayés, le créancier se fait justice à soimême, non pas par une violence sur la personne du débiteur, mais clandestinement d’une façon assez habile pour que le dépouillé ne s’en doute pas ou du moins ignore qui lui a enlevé son bien. En agissant ainsi, le créancier viole, sinon la justice commutative, du moins les convenances et la justice légale : « il usurpe le jugement au sujet de sa chose parce qu’il n’a pas observé l’ordre légal. » S. Thomas, op. cit., a. 5. Pour justifier cette façon clandestine et incorrecte, il lui faut des raisons graves en plus de l’impossibilité de recouvrer sa créance, comme la nécessité de rentrer en possession de son bien, la quasi-certitude de ne pas attirer les soupçons sur une autre personne. À ces conditions, la compensation occulte pourra être légitime.

3. Conclusion d’ordre pastoral.

Confesseurs et pasteurs doivent être particulièrement prudents quand ils sont consultés au sujet d’une, compensation occulte. Les principes expliqués plus haut sont d’un maniement délicat et, pour éviter le danger de conseiller ou d’autoriser des actions injustes, le pasteur réglera sa manière d’agir d’après la distinction ante factum et post factum.

Ante factum, il déconseillera généralement la compensation occulte, à moins que les circonstances du cas ne soient très nettes et que les conditions ne soient certainement remplies, donc justice évidente du créancier, obstination injuste du débiteur, dommage pour le créancier à rester passif.

Post factum, il examinera prudemment le cas de conscience. Si la justice a été observée et que des raisons graves justifiaient ce moyen irrégulier, il pourra approuver. Si la première condition a été remplie mais non la seconde, il montrera qu’il y a eu péché mais tolérera le fait accompli et n’obligera pas à restitution ; mais si la justice a été violée, il ne manquera pas de faire la monition convenable et d’obliger à la restitution en cas de dommage grave.

S. Thomas, Summa theologica, II’-II" 5, q. lxvi ; S. Alphonse, Theologia moralis, 1. III ; tous les manuels de théologie morale.

P. Chrétien.


VOLONTAIRE.
Un des caractères essentiels de l’acte humain est d’être volontaire. Une étude sur le « volontaire » est donc un complément indispensable des études sur l’acte humain, t. i, col. 339 et sur la moralité de l’acte humain, t. x, col. 2459 sq. —
I. Notions générales.
II. Divisions (col. 3304).
III. Volontaire direct et volontaire indirect (col. 3305).
IV. L’involontaire (col. 3309).

I. Notions générales.

Nature du volontaire. —

1. Définition. —

Le volontaire est un acte procédant de la volonté, éclairée par la connaissance préalable du bien recherché, cujus principium est intra, sed cum addilione scientiee. S. Thomas, Sum. theol., I^II 26, q. vi, a. 1. Le nom seul indique que cet acte procède de l’appétit rationnel. Ibid., a. 2, ad l um. Par cet acte, la volonté, appétit rationnel, tend vers un bien qu’elle cherche efficacement à se procurer.

2. Ce que n’est pas le volontaire.

Vouloir efficace, absolu, complet, le volontaire se distingue donc de la simple velléité ou vouloir inefficace. S. Thomas, ibid., q. xiii, a. 5, ad l um ; III a, q. xxi, a. 4 ; Scot, In II™ Sent., dist. VI, q. i.

Ce vouloir, d’inspiration rationnelle, se distingue de l’instinct des animaux, S. Thomas, I » - !  ! *, q. vi,