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VOL. NHTION


rapine, mais encore deux grands vices de nos jours, l’escroquerie et la malhonnêteté à ne pas rendre le bien du prochain.

En conséquence, nous proposerions la définition suivante, plus large et moins juridique, donc proprement morale : le vol est l’action de s’approprier le bien d’aulrui par la soustraction volontairement injuste de ce bien.

1. C’est l’action de s’approprier le bien d’aulrui en en privant le légitime propriétaire par une prise de possession.

a) Le voleur, personne privée ou morale, par ses seuls moyens ou en recourant à la coopération d’auxiliaires, par ruse ou par violence, s’empare de biens matériels sur lesquels une autre personne, privée ou morale, jouit, avec ou sans actuelle possession, du droit de propriété, soit de plein domaine, soit de domaine partagé comme usage, usufruit, servitude. Ces biens sont ordinairement corporels, comprenant des immeubles ou des meubles, en particulier de l’argent, des bijoux, des livres, des animaux, des récoltes, d’autres objets ; ils peuvent être des biens incorporels ou droits de créance. Ces biens sont soustraits au propriétaire.

b) En plus de l’enlèvement du bien à son maître, est requise, comme élément essentiel du vol, l’intention qu’a le voleur de s’approprier le bien enlevé, donc de s’en assurer pour toujours la propriété et ainsi d’en user, d’en jouir, d’en disposer en maître au détriment du propriétaire qu’il a dépouillé de ses droits et de la possession de fait. Aussi ne considérera-t-on pas comme vol le fait de s’emparer du bien étranger dans l’intention, non de se l’approprier, mais de le détériorer ou de le détruire, ni surtout dans l’intention de le soustraire pour quelque temps au possesseur afin de lui causer de la peine ou de l’embarras.

L’intention de s’approprier le bien d’autrui est suivie, pour qu’il y ait vol, d’une prise de possession, laquelle se présente sous une triple forme : la soustraction proprement dite ou ablatio, l’action de recevoir l’objet des mains du possesseur ou acceptio, et l’acte de ne pas rendre une chose due ou retentio.

La -forme la plus ordinaire du vol et qui vient tout d’abord à la pensée est Vablatio ou l’enlèvement hors des mains du légitime possesseur, qu’il en soit le maître ou simplement le détenteur à titre de dépositaire, de locataire, d’emprunteur. Il se fait par ruse ou fraude, à l’insu du propriétaire, du moins au moment même du vol ; c’est le vol au sens strict selon saint Thomas que suivent encore de nombreux théologiens comme Lehmkuhl, Noldin, Vermeersch. Il se commet également de façon ouverte sous les yeux du possesseur et du public, et même par violence, exercée non seulement sur les choses par l’effraction, mais sur les personnes détenant le bien. La violence sera morale, employant des menaces qui font céder la volonté du possesseur, ou physique au moyen de la force matérielle qui vient à bout de la résistance et s’empare de l’objet.

La seconde forme, acceptio, se sert de mille ruses pour amener parfois le simple possesseur, mais surtout le propriétaire à mettre lui-même le voleur en possession de la chose convoitée. Le maître s’en dessaisit volontairement, trompé qu’il est par un mensonge et très souvent par les perspectives d’un gain fictif qu’on a fait miroiter à ses yeux, ou terrorisé par la menace de dénonciation ou d’autres maux effroyables tels que le déshonneur. Nous sommes ainsi en présence de Y escroquerie et du chantage, qui extorquent à des âmes naïves ou craintives des sommes parfois très considérables. C’est la forme des grands vols, des brigandages internationaux qui mettent à contribution des pays entiers, des fraudes sur une large échelle

qui enrichissent certains commerces et industries aux dépens d’innombrables acheteurs.

La troisième forme est à la portée des gens malhonnêtes les moins habiles ; la force d’inertie vient au secours de leur intention injuste, souvent aussi l’inattention, l’inexpérience et la faiblesse de leur victime. Pour voler, ils se contentent de conserver, avec la volonté de ne pas rendre, l’objet d’autrui que jusquelà ils détenaient justement comme trouveurs, dépositaires, emprunteurs, débiteurs. C’est le vol par retentio de ceux qui, très volontairement et sans raison valable, ne rendent pas les objets trouvés ou empruntés, ne sont pas fidèles à l’exécution des contrats, ne soldent pas leurs dettes, se refusent à payer le prix convenu, prétendent s’acquitter en mauvaise monnaie, etc. Voir Détention, t. iv, col. 640-641.

2. Pour qu’il y ait péché de vol, à l’appropriation matérielle doit s’ajouter l’élément formel d’injustice volontaire.

Le maître du bien est privé contre son gré de son strict droit de propriété ; il est rationabiliter invilus. Qu’il ait conscience ou non de la soustraction et du dommage matériel qu’elle lui a causé, son intention raisonnable et ferme est de ne pas renoncer à ses droits à moins que des droits supérieurs ne puissent lui être opposés. Il proteste ou du moins est censé protester, non précisément contre la manière extraordinaire et impolie, contre le sans-gêne de l’enlèvement, contre les ruses de l’extorsion, mais bien contre l’appropriation même de sa chose par une personne qui n’y avait aucun droit, donc contre l’injustice.

Le péché formel, cela va sans dire, ne sera commis que si le sujet s’appropriant la chose d’autrui a conscience de l’injustice de son acte et qu’il l’ait opéré librement. Sans quoi le vol, subi par le propriétaire, ne serait, de la part du voleur, qu’un péché matériel, commis de bonne foi et sans culpabilité, du moins tant que la bonne foi ne sera pas troublée et qu’il ne deviendra pas possesseur de mauvaise foi. En termes théologiques, l’animus injustus est nécessaire.

Espèces de vol.

Le commentaire de la définition

nous a fait connaître les trois espèces de vol du chef de la forme que revêt l’appropriation injuste du bien d’autrui. Il n’est pas à propos d’exposer les procédés typiques employés par les voleurs et escrocs de profession, pour en faire une autre catégorie d’espèces de vol ; l’ouvrage de F. Nicolay, Histoire des croyances, superstitions, mœurs, usages et coutumes, t. iii, p. 356-389, en donne un tableau pittoresque. La connaissance des délits variés de vol ou autres méfaits semblables, sanctionnés par le code pénal français, n’est pas non plus indispensable au théologien.

Mais il importe de distinguer les deux espèces morales du vol, le vol simple qui n’a qu’une malice spécifique et le vol qualifié qui en contracte plusieurs.

1. Le vol simple, quelles que soient les circonstances physiques qui l’accompagnent, est celui qui ne rend coupable que d’une seule malice spécifique, celle de l’injustice matérielle ex capite delentionis, donc de l’injustice de se lucrosa ou matériellement profitable à celui qui l’a commise. Pour être plus précis, considérons comme vol simple celui qui n’est affecté que de cette seule malice grave, et faisons abstraction d’une malice secondaire qui ne serait que légère, ainsi que nous l’expliquerons plus bas.

2. Le vol qualifié est celui qui, en raison de circonstances morales changeant l’espèce de péché, contracte en plus de la malice objective une ou plusieurs autres malices spécifiques circonstancielles ; ne faisons que mentionner les malices qui résulteraient de fins ou intentions spéciales.