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VŒl’X DE RELIGION. OBLIGATION’CRÉÉE

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vœu, mais « par négligence ou passion », ad l um, | comme le font les laïcs dans l’accomplissement deleurs devoirs d’état.

Gravité de l’obligation du vœu.

Les anciens Pères n’avaient point présentes à l’esprit ces limitations postérieures du domaine des vœux ; ils en pressentaient pourtant la nécessité quand ils vantaient la sécurité de l’état religieux, qu’ils comparaient à « un port tranquille loin de la tempête de la vie séculière », saint Grégoire, Epist. ad Leandrum ; In Job, prolog. Mais voici que les docteurs plus récents, relisant saint Augustin, Epist., lxviii, mettent une sourdine, ou du moins une contre-partie, à leurs éloges. Hien certainement, dit saint Anselme, « il a grand tort le clerc qui pense qu’il est mieux pour lui de vivre pieusement sous l’habit clérical que de s’imposer la charge insupportable de la vie monastique… ; qu’il sache bien qu’il est plus difficile de garder la sainteté par libre volonté au milieu des séculiers que de la garder sous une discipline dans les cloîtres des moines ». Epist., t. II, ep.xii, P. L., t. clviii, col. 346. Seulement, ajoute-t-il, « une fois le vœu fait, il doit, de toute nécessité, garder son bon propos de se comporter saintement, s’il veut échapper à la damnation de l’apostat et aux mesures de contrainte que l’Église exercera, s’il est récalcitrant ». Cur Deus homo, t. II, c. i, t. clvii, col. 403. En ce dilemme se résume toute la direction spirituelle du Moyen Age ; on faisait circuler dans les monastères des florilèges où figuraient les lettres élogieuses de saint Cyprien à ses vierges consacrées à côté de celle du Pseudo-Ambroise à la vierge tombée… Chaque directeur insistait sur l’un ou l’autre point suivant son tempérament et les besoins de l’heure, les uns préférant, « une fois rappelé en peu de mots le jugement des déserteurs cum timoré et pavore débita, tourner leurs auditeurs vers les joyeuses promesses du Sauveur », S. Bède, Ilom. XV/I in natali B. Denedicti Biscopi ; d’autres ramenant sans cesse les menaces de l’Écriture contre les vœux violés et les faux serments. Rupert, In Eccl., v, 3-4, P. L., t. clxviii, col. 1243. Une chose était trop certaine : c’est que la négligence des vœux de religion causait un scandale énorme dans la société chrétienne des xiie et xine siècles. Après Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, c. iii, P. L., t. clxxvi, col. 521, Pierre Lombard distinguait ainsi le vœu des laïcs du vœu de religion : « le vœu privé, lorsqu’il est violé, est un péché mortel ; mais le vœu solennel violé est un péché et un scandale. » Sent., t. IV, dist. XXXVIII, P. L., t. cxcii, col. 932. Tout cela était juste, mais demandait une mise au point. On pourrait en dire autant des attaques, comme des apologies, dont les vœux de religion sont l’objet de nos jours. Cf. Hugon Les vœux de religion, Lethielleux, 1920 ; P. Janvier, Conférences de Notre-Dame, 1923, p. 119-124 ; Mgr d’Hulst, Confér., 1893, p. 250 sq.

1. « Le péché commis par un religieux, enseigne saint Thomas, q. clxxxvi, a. 10, peut être plus grave que le péché de même espèce commis par les séculiers, pour trois raisons :

a) S’il va contre le vœu de religion ; ainsi la fornication, ou le vol, de la part d’un religieux, n’est pas seulement une faute contre le précepte de la loi divine : c’est un péché contre la vertu de religion.

b) S’il pèche par mépris de la perfection intérieure à laquelle il doit tendre, ou bien de la règle qui en est la voie, « parce que, ce faisant, il se montre plus ingrat envers Dieu et ses bienfaits, lui qui est élevé « à l’état de perfection ».

c) Le péché du religieux peut être plus grand à cause du scandale, parce que plus de gens ont les veux sur lui. »

2. La contre-partie, c’est que le religieux qui pêche, mais qui évite à la fois le mépris — s’il a agi par faiblesse ou ignorance — le scandale — s’il a fauté dans le secret — et qui ne va pas contre le vœu, mais contre une vertu chrétienne ou un point secondaire de sa règle. « ce religieux pèche plus légèrement que le séculier in eodem génère peccati : son péché véniel est absorbé par la multitude des bonnes œuvres qu’il fait ; et d’un péché mortel, il se relève plus facilement, d’abord par la bonne intention qu’il garde d’aller à Dieu ; malgré cette interruption d’un moment, elle reprendra facilement son premier état ; et puis par le soutien de ses confrères… Le mépris caractérisé n’est pas l’explication normale des péchés du religieux ; mais ceux qui en arrivent là deviennent les pires de tous et tout à fait incorrigibles. Ad 3um.

Ajoutons, en terminant ces réflexions sur les conditions subjectives qui sont faites aux vœux ote religion, que les risques de chute ne doivent pas faire oublier les chances de réussite dont les entourent la vie religieuse et les grâces d’état qu’elle leur assure. En somme, les vœux de religion, plus encore que les vœux privés, sont un beau risque à courir : Si le danger ne vous guette que par votre défaillance possible en cette affaire, celle-ci n’en perd poinl pour autant ses avantages : s’il y a danger pour qui tombe de sa monture, n’empêche qu’il est bien utile d’aller à cheval. Ou bien alors il faudrait laisser là tout ce qu’on veut faire de bien et qui d’aventure peut nous exposer à quelque risque : « Celui qui regarde « d’où vient le vent ne moissonnera jamais. » Eccl.. xi, 4, I I a - 1 f æ, q. lxxxviii, a. 4, ad 2° m. » Pour certaines âmes qui, par tempérament, ne seront que sublimes ou misérables, l’état de perfection est une question de vie ou de mort éternelle, et c’est par les vœux qu’elles entrent dans cet état : elles leur doivent leur salut. » Janvier, Confér., 1923, p. 124.

A ceux qui s’engagent sur cette voie, l’Église assure-un honneur religieux : " L’honneur n’est dû, sans doute, proprement et véritablement, qu’à la vertu : mais parce que les vœux, qui sont des biens extérieurs, servent d’instruments à certains actes de vertu, en conséquence, leur dignité même demande qu’un certain honneur leur soit rendu, et surtout de la part de la foule qui ne reconnaît guère que la dignité extérieure. Il ne convient donc pas que les religieux renoncent à l’honneur qui s’adresse à Dieu et aux êtres saints dans leurs personnes au titre de la vertu qu’ils professent ; qu’ils renoncent seulement à l’honneur donné à leur excellence extérieure. » Q. clxxxvi, a. 7, ad 4 uro.

Pour le but que nous nous proposions, nous avons pris pour guide, tout au long de cette étude, la Somme théologique de saint Thomas, II*-II", q. clxxxvi, avec les commentaires de Cajétan, de Billuart et du R. P. Lemonnyer, La vie humaine, ses formes, ses états, édition de la Somme de la Revue des Jeunes, 1925. Les anciens et nouveaux commentaires des bénédictins sur la Règle de saint Benoît, édit. Butler, nous ont fourni les principales références aux textes des Pères et des écrivains monastiques. Il nous restait à les grouper en fonction des trois vœux selon les indications de Mgr Wilpert. Virgines Christi, dans Texte und Unters., t. xxxi, fasc. 2 ; E. Martine L, L’ascétisme chrétien pendant les trois premiers siècles, Beauchesne, 1913 ; H. Hesch, Les maîtres égyptiens, Beauchesne, 1924 ; M. von Dmitrewski, Die christliche jreiunllige Arniut nom Ursprung der Kirche bis zum XII. Jalirhunderl, Berlin, 1913. Pour la doctrine de saint Bonaventure, nous avons utilisé l’opuscule du P. Jean de Dieu, Les écrits spirituels de saint Bonaventure, traduction faite sur l’édition critique de Quaracchi. Voir encore O. Lottin, Considérations sur l’état religieux et la vie bénédictine, 1941 ; G. Lemaître, Sacerdoce, perfection et vœux, 1932 ;.1. Rivière, Saint Basile, 1923 ; H. Leclercq, art. Cénobitisme du