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VŒUX DE KKLHIIO.V OBLIGATION CRÉÉE

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raissent comme nécessaires d’abord à l’exercice de la charité intérieure, la seule chose qui importe après tout dans une vie humaine. G. Lemaître, op. cit., p. 58-61.

En somme, c’est à un triple point de vue que les trois vœux viennent mettre le sceau à l’état religieux. D’abord, en tant qu’exercice de perfection de l’amour de Dieu, « cet état requiert que l’on se débarrasse de ce qui pourrait empêcher l’affectivité, afjectus, l’amour de l’âme, de tendre totalement à Dieu, en quoi consiste la perfection de la charité ». A. 7. Si on laissait la charité parfaite à sa ferveur, elle se disperserait peut-être sur des objets inférieurs ; mais elle trouve son compte dans les trois vœux de religion, qui la délivrent des affections de second ordre qui l’entravent et risquent de la brider plus ou moins complètement. Ces entraves de trois sortes, ce n’est pas autre chose que la triple concupiscence dont parlait saint Jean, I Joa., ii, 16, entendues au sens « de l’amour des délectations des sens, de la cupidité des biens extérieurs, et du déséquilibre de la volonté humaine ». Loc. cit. Cette ordination intime de la charité vers Dieu n’est sans doute procurée que d’une façon médiate par des obligations aussi externes que les trois vœux de religion : mais c’est déjà un grand point qu’ils détachent l’âme de toutes ces séductions qui risqueraient de la captiver.

Les deux autres points de vue nous sont plus familiers, parce que plus modestes ; et l’utilisation des trois vœux à leur service est facile à prouver : ils dégagent la vie des préoccupations du monde : soucis de la famille, des richesses et de sa propre conduite, point de vue négatif encore ; et enfin, point de vue positif de religion, ils président à la donation totale au service de Dieu et du prochain des biens de notre corps, des biens extérieurs à nous, enfin de ce bien de l’âme, la volonté.

b) Le tout des vertus chrétiennes. — « La perfection de la vie chrétienne, dira-t-on, consiste bien plus dans les vertus intérieures que dans des actes extérieurs… On comprendrait donc mieux que les vœux de religion portent sur de tels actes intérieurs de contemplation, d’amour de Dieu et du prochain, etc., plutôt que sur la pauvreté, etc. » Il n’est pas inouï d’entendre suggérer des vœux d’oraison mentale, d’abandon à la volonté de Dieu, etc. Mais, le vœu est un moyen pour tout cela, dit saint Thomas : « ordonné premièrement comme à sa fin à la perfection de la charité, dont relèvent tous les actes intérieurs des vertus, il facilite ces actes d’humilité, de patience », d’abandon, d’esprit intérieur. Dans ces vertus-là, les vœux de religion « trouvent leurs fins, non leur objet ». Ad l um. À bien y regarder, ne sont-ils pas la source permanente de tous les dévouements, de toutes les saintetés ?

c) Le tout des observances religieuses.

Qu’on les prenne toutes les unes après les autres, elles sont ordonnées aux trois vœux, non plus comme des fins, mais comme des moyens : « pensons aux macérations qui conservent le vœu de continence, ou bien au travail manuel qui se réfère à la pauvreté ; quant aux observances plus actives : l’étude, la visite des malades, ce sont des expressions particulières du vœu d’obéissance ». Ad 2um. Il y a, dans cette systématisation, une part de convention : en fait, les règles religieuses n’ont pas été rédigées en vue d’assurer la garde des vœux de religion, et en droit les obligations des vœux ne s’étendent point à toutes leurs prescriptions ; mais toutes s’y rapportent.

d) Le tout des activités humaines.

Distinguons actions et passions : les premières réglées par l’obéissance, les secondes par les vœux de pauvreté et de chasteté, qui ont donc bien leur rôle particulier dans « l’achèvement de l’état religieux ».

Cette dernière remarque nous fait toucher du doigt ce qu’il y a de systématique dans toutes les théories qui veulent ramener à l’unité d’un seul vœu la trinité des vœux de religion. Saint Thomas, dont la profession dominicaine inspirait les préférences, a voulu montrer que « le vœu d’obéissance est le principal des trois vœux », q. clxxxvi, a. 8, parce qu’il offre à Dieu ce qu’il y a de meilleur en nous, et qu’il englobe les deux autres d’une certaine façon ; au vrai, parce qu’il donne sa dernière note caractéristique à l’institution religieuse. D’autres théologiens, à l’imitation des anciens Pères, ont fait la même synthèse en faveur de la chasteté parfaite : Beati mundo corde… On l’a fait aussi très heureusement en fonction de la pauvreté. Cf. O. Lottin, op. cit., p. 28-29. Cf. S. François de Sales, Entreliens spirituels, c. viii : De la désappropriation et dépouillement de toutes choses.


VI. L’obligation créée par les vœux.

Comme l’institution même du vœu religieux, son domaine et son degré d’obligation sont l’œuvre de l’Église, qui peut même modifier ses décisions sur certains points. De même qu’elle détermine la bénédiction qu’elle entend donner aux choses saintes, aux autels, aux images, aux vases sacrés, et qu’elle spécifie les règles de respect à tenir à leur égard, qu’elle peut enfin modifier les conditions de leur consécration, par exemple pour les calices, can. 1305, § 2, elle se réserve de préciser la portée de cette bénédiction qu’elle donne aux vœux de religion. Certaines règles sont sans doute immuables, parce qu’elles tiennent à l’idée même du vœu en général : caractère personnel de l’obligation, gravité générale de l’infraction d’une promesse faite à Dieu ; on a dû donner la plupart de ces règles à l’art. Vœu, col. 3182. Là même, on a dit que l’émission des vœux de religion est soumise à des conditions particulièrement strictes pour le degré de connaissance du contenu du vœu, et pour le genre de crainte, « grave et injuste », qui rend nul un vœu solennel ou même simple ; cependant on a dû distinguer entre l’invalidité au for interne, et la validité au for externe, et c’est là une distinction importante pour les vœux de religion qui ont un caractère social et officiel plus que tous les autres. Quant à l’interprétation morale de chacun des trois vœux, on a cru plus commode de la donner ici à la suite de chacun des conseils de chasteté, de pauvreté et d’obéissance ; nous n’y reviendrons pas. Mais il faut montrer maintenant en une seule fois comment plusieurs de ces précisions tiennent à la distinction capitale entre vœu et vertu, laquelle vient logiquement ici, et se ramène, elle aussi, à la distinction du for interne et du for externe. C’est sur ce dernier terrain que les décisions de l’Église et les règles religieuses sont maîtresses et juges des opportunités. Si plus d’une règle ancienne est tombée en désuétude, c’est justement parce qu’elle prétendait régenter la vertu ; ce qui concerne notre comportement intérieur proprement dit n’a pas à figurer dans un règlement pour le for externe. C’est à cette doctrine de saint Thomas qu’on en revient de plus en plus dans les Congrégations romaines. Si l’on veut, par exemple, avoir l’explication de la déclaration du 15 mai 1891 supprimant de certaines constitutions la mention des actes internes contre la chasteté, qu’on relise la curieuse phrase du Docteur angélique : de voto continenlise, per quam (virtutem) excluduntur aclus omnino perjectioni religionis conlrarii, q. clxxxvi, a. 5, ad 4 m.

A cette question de l’obligation propre au vœu de religion, il consacre les deux articles 9 et 10 de la présente question clxxxvi : dans les deux, il se place précisément au point de vue négatif du péché contre le vœu ; mais il est facile de compléter son enseignement actuel par tout ce qu’il a dit à la q. lxxxviii,