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VŒUX DE RELIGION. CONSECRATION
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tel monastère. La tentation fut pour quelques moines de vouer tel et tel point de cette règle. Pacôme s’y montrait peu favorable. Schenoudi d’Atripé n’eut qu’un succès limité quand il voulut imposer à ses moines insubordonnés une promesse solennelle et écrite, ce qui était pousser d’un coup à l’extrême l’obligation du vœu. « Convention. Je jure devant Dieu dans son saint lieu : Je ne veux souiller mon corps en aucune manière ; je ne veux pas voler… » Vœu d’obéissance, a-t-on dit ; plutôt vœu de continence et promesse bilatérale, Siaôifjxr), d’observer de concert les commandements de Dieu. Cf. Leipoldt, Schenuia von Atripé, Leipzig, 1903, p. 100, 195-196. La violence du caractère de Schenoudi n’est pas la seule raison de son insuccès : dans son milieu, l’acquiescement volontaire à des directives, non écrites mais vivantes, avait plus de saveur que l’obéissance jurée à Dieu, fût-elle attestée dans les archives.

En somme, la pratique des vœux ne semble pas avoir été commune, non seulement en Egypte, mais dans tout le monde chrétien aux premières décades de l’institution cénobitique. Pallade ne la signale que pour la blâmer. Histoire lausiaque, prol., p. 12, 1. 10-14, édit. Butler, Cambridge, 1898 ; mais il parle pour les anachorètes. Une réprobation toute pareille, et qui surprend davantage parce qu’elle s’adresse à des cénobites, se lit dans Pomerius : t Nous devons faire abstinence et jeûner, mais sans nous soumettre à la nécessité de jeûner, de peur que nous fassions désormais sans dévotion une chose qui doit se faire de plein gré. » De vila contemplativa, t. III, c. xxiv, P. L., t. lix, col. 470.

Ainsi Cassien restait dans la ligne des anciens Pères, et peut-être même avec quelque regret, quand il répétait avec l’abbé Pynuphe : Melius est cnim, secundum Scripturam, non vovere quempiam quam vovere et non reddere. De cœnob. instit., t. IV, c. xxxiii, P. L., t. xlix, col. 194.

3. Dans le cénobitisme grec.

L’admission dans le monastère, après des épreuves préalables assurant la maturité de la délibération et la fermeté du propos, devenait définitive par un engagement qui avait la valeur d’un vœu solennel. « Quiconque viole sa profession doit être regardé comme ayant péché contre Dieu, comme sacrilège, dérobant à Dieu ce qu’il lui a consacré. »

De toutes façons, la profession est un acte définitif et irrévocable. S. Basile, Grandes règles, xiv ; cf. Constitutiones monast., c. xxii, P. G., t. xxxi, col. 949 et 1401 ; S. Jean Chrysostome, Adhorl., ii, ad Theodorum lapsum, P. G., t. xlvii, col. 309. « Au sacrilège [de l’apostasie], les frères ne doivent jamais ouvrir la porte », dit saint Basile, loc. cit. Cette perpétuité du vœu entraîne, sinon encore la stabilité dans le monastère, du moins la fixité dans l’état monastique, écartant ainsi les principaux inconvénients de l’instabilité. S. Nil. Epist., xxxii. « Cette profession religieuse, a-t-on écrit, porte sur la chasteté, la pauvreté, l’obéissance. » En réalité, autant qu’on peut le voir, le vœu monastique ne portait expressément que sur la virginité, à l’ancienne manière, et secondairement sur la vie monastique in génère, qui comportait toujours et partout une doe : i peu près semblable de pauvreté, de prière, de mortifications, d’obéissance. Tout cela était voué, semble t il. sur le même plan, ou plutôt ucundttm régulant, où 1rs jeûnes, par exemple, étalent bien plus en vedette que l’obéissance. On vouait un genre de vie. non pas une règle lise ou les constitutions de tel ou tel chef <le monastère : quand une réforme ou le relâchement survenait, le moine basilien avait la ressource d’assurer la garde de son vœu sous une : >ulie obédience, s. Nil, Epist., i.xxi. Plus précisément encore le vœu basilien se faisait en deux temps : on « convenait » d’une observance avec un monastère, on promettait devant « des témoins » de l’observer, Petites règles, c. 15, P. L., t. xv, col. 498-499, et puis « cette pactorum conjessio était offerte à Dieu comme un don consacré », loc. cit. : c’était là le véritable vœu, comme on l’a dit ci-dessus, art. Vœu, col. 3200 : l’oblation à Dieu d’une promesse aux hommes. Cf. L. Clarke, S. Basil, p. 107-109.

4. Dans le cénobitisme occidental.

C’est encore le mirage de trois vœux distincts qui fait hésiter ici les meilleurs esprits : « Dans les anciennes règles latines, écrit dom Butler, Le monachisme bénédictin, p. 130, aucune trace de ces vœux : pour saint Augustin, les références données par’Pourrat, Spiritualité chrétienne, t. i, p. 264, ne prouvent point surtout que les trois vœux de religion fussent établis. » On cherche sur une fausse piste. Nous n’avons d’ailleurs qu’à jalonner la vraie : ce qu’on trouve, en Occident comme ailleurs, c’est un vœu unique à valences multiples : Homo Dei nomine consecratus et Deo volus, in quantum, etc. S. Augustin, De civil. Dei, t. X, c. vi, P. L., t. xli, col. 283. De ce « renoncement à Satan, à son siècle, à sa pompe et à ses œuvres », saint Jérôme parle comme d’un vœu général de religion. Epist., cxxx, ad Demelriadem, c. 7, englobant avec le sacrum virginilatis propositum, c. 19, des éléments de pauvreté, c. 14, et d’obéissance, c. 19, P. L., t. xxii, col. 1113.

De là, ces expressions significatives de propositum sanctitalis, Sirice, Epist., i, ad Himerium ; Mansi, Concil., t. iii, col. 657 ; propositum monachi, ou professio, S. Léon, Epist., ii, ad Rusticum ; Vila Fulgentii, P. L., t. xlv, col. 117 ; religionis professio, Salvien, Ad Ecclesiam, t. II, c. iii, n. 12 ; concile d’Arles (452) ; de Tours (461) ; Mansi, t. vii, col. 881 et 946. « Dans saint Césaire, dit-on encore, pas de vœux formels, mais une résolution personnelle de persévérer : avec ou sans vœu, l’acte de se donner à la vie monastique fut de tout temps regardé comme obligatoire. » B. Butler, loc. cit. Mais, sauf le mot, c’était cela le « vœu de religion », cf. Régula ad monachos, c. 1 ; Malnory, Saint Césaire d’Arles, p. 249-250, et même le vœu perpétuel et solennel. Quant au vœu bénédictin, il est bien connu par le texte de la règle, c. 58 : encore que saint Benoît ne connaisse pas le mot de vœu, il parle d’une promesse, à l’abbé, comme faisait saint Basile, mais prononcée coram omnibus, « en présence de Dieu et de ses saints ». Loc. cit. Et de cette promesse, qui est un vœu, on fera une petitio, c’est-à-dire « une formule écrite et signée contenant tout à la fois une demande d’admission, une promesse solennelle de fidélité, et l’acte juridique qui témoigne à jamais des engagements contractés … D. Dclatte, op. cit., p. 139. Cette pétition était donc, en rigueur de termes, une convention « au nom des saints (du lieu) et de l’abbé du moment.. ; c’était, en ordre inverse, les deux actes de la profession basilieunc. Actuellement d’ailleurs, c’est la lecture de la charte coram Dca qui constitue la profession bénédictine. Elle porte toujours sur - la stabilité, l’obéissance et la conversio morum ». Loc. cil. « Si saint Benoit ne fait point émettre aux siens les vœux explicites de chasteté ei (le pauvreté, c’est qu’ils se trouvent renfermés dans la promesse de garder les mœurs et le mode de vie du monastère, convenio morum. » l). Delatte, p. 278. si ou lit selon le texte critique, édit. Butler, p. 1 10, conversatw morum, avec le sens de vie eu commun, comme on l’a admis plus haut, il faudrait dire que le moine bénédictin ne voue que l’obéissance avec ses deux modalités cénobitlques. La réduction à l’unité sera beaucoup plus nette encore aux vur et ix’siècles, quand tout un groupe de monastères supprimera soit l’obéis