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VŒUX DE RELIGION. CONSECRATION


les chrétiens, « les continents, instruits dès l’enfance dans la discipline du Christ, demeurent purs jusqu’à la vieillesse », Justin, / Apolog., xv, « dans l’espoir d’être plus unis à Dieu », Athénagore, Legatio pro christianis, c. 33, on peut bien penser qu’il y a à l’origine une promesse perpétuelle, Justin, / Apol., xxix. D’ailleurs, au siècle suivant, Clément d’Alexandrie enseigne ouvertement que « le propos, r) TcpoŒaiç, de celui qui s’est lui-même mutilé doit demeurer de façon à ne pas déchoir ». Slrom., 1. lit, c. xii. Le texte grec de Clément semble permettre à celui qui « tombe et transgresse sa règle de perfection » la ressource du mariage ; mais cette indulgence ne contredit pas l’idée d’une promesse antérieure. Celle-ci avait, pour Origène, la valeur d’une professio religionis. In Num., hom. ii, n. 11, P. G., t.xii, col. 591. Elle était publique : « Nous vouons à Dieu de le servir en toute chasteté, nous prononçons de nos lèvres et nous jurons de châtier notre chair. » In Levit., hom. iii, n. 4, P. G., t.xii, col. 428. C’est l’analogue du vœu de naziréat, Méthode, Convivium, passim., P. G., t. xviii, col. 38, 82, 102, 134. Cf. Ps.-Clément, Epist. ad virgines, P. G., t. i, col. 380-382.

Bien plus, il était officiellement reconnu par l’Église, ou plutôt par certaines Églises bien organisées, attentives à protéger ceux qui « veulent demeurer êv àyvsta ». Epist. ad Polycarpum, c. v, P. G., t. v, col. 724. Non seulement l’Église s’en glorifie, mais elle reconnaît cette promesse et en sanctionne la violation par la pénitence publique. Cyprien, De habitu virg., c. iv, P. L., t. iv, col. 455-456 ; Epist., lxii (iv, Hartel), c. ii, ibid., col. 366 et 370. L’Église romaine a des bénédictions liturgiques pour les veuves et les vierges et des règlements officiels de vie pour tous les continents. Traditio apostolica d’Hippolyte, cf. Hippolyte, Fragment, in Jeremiam, P. G., t. x, col. 627. On ne comprendrait pas de pareilles promotions, toutes semblables aux ordinations des lecteurs et des diacres, sauf qu’il n’y a ici « ni sacrifice, ni ministère », si l’Église n’avait exigé et reconnu la promesse de virginité ou de viduité. Qu’après cela, on soit dans l’ignorance des rites primitifs de la consécration, de la velatio par exemple, et du genre de vie religieuse imposé par les différentes Églises, cela importe peu à la réalité du vœu de chasteté.

On a fait aussi une difficulté de la solution indulgente de saint Cyprien et de son concile de Carthage au sujet de vierges infidèles : I ntercedendum est cito talibus ut separentur dam adhuc separari possunt innocentes. .. Si virgines incorruplæ inventas fuerint, accepta communicatione, ad ecclesiam admittantur… Si autem perseverare nolunt vel non possunt, melius est ut nubant. Epist., lxii (iv, Hartel), c. n et iv, loc. cit. Cette décision nous semble plus large qu’on ne l’attendrait de cet âge héroïque ; on en a conclu que « la preuve n’existe pas d’un vœu public de virginité pour les ascètes et pour les vierges avant le commencement du ive siècle. De même que l’exercice de la virginité est volontaire, son abandon, en cas de nécessité, est libre. S’il existe des peines pour la violation du « propos » de virginité, le mariage contracté n’en est pas moins légitime et valide, et ceci dit tout ». H. Leclercq, Dict. d’arch. chrét. et de liturg., art. Cénobitisme, t. ii, col. 3082. En réalité, cette solution de Cyprien soulève de multiples questions sur la matière, la forme et le destinataire de la promesse de virginité au me siècle, et sur le pouvoir dispensateur dans l’Église d’Afrique. Il est démontré que l’objet principal du vœu de virginité était alors, aux yeux des chrétiens comme des païens, la sauvegarde de l’intégrité corporelle : op. cit., c. iii, col. 367-370, l’objet principal restant sauf, le vœu demeure et la vierge sera réintégrée dans l’Église, à condition de ne pas retomber, c. iv. Par contre, sur la force, la perpétuité et la valeur religieuse d’une telle promesse, jamais aucun docteur de l’Église ne se montrera plus formel que l’évêque de Cartage : Ex fi.de se Christo dicaverunt, et… ita fortes et stabiles præmium virginitatis exspectent. .. qui se semel caslraverunt propler regnum cœlorum, c. iv et v. Si donc il reconnaît, en cas de nécessité, la validité d’un mariage subséquent, c’est que l’évêque se reconnaît le droit de dispenser du vœu de chasteté perpétuelle ; on pourrait dire que cette discipline propre à l’Église d’Afrique, maintenue même au temps de saint Augustin, De bono viduitatis, n. 13-14, P. L., t. xl, col. 438-439, s’inspirait de la conception particulière de saint Cyprien touchant les droits de l’Église en matière de sacrements, d’ordinations et de dispensations spirituelles. iMais l’indulgence des évoques d’Afrique, de saint Augustin surtout, pourrait aussi tenir au fait qu’en ce pays et en d’autres, à cette époque, le bénéficiaire, pourrait-on dire, du vœu de continence était l’Église ; c’était donc à l’Église de préciser le degré d’ « émulation », comme dit saint Augustin, loc. cit., qu’elle devait apporter à conserver au Christ des vierges chastes.

Au reste, le cas classique de la vierge voilée infidèle à son vœu a été résolu dans le sens de la nullité du mariage aussi bien par saint Cyprien, loc. cit., que par saint Jérôme. Adv. Jovin., t. I, c. xiii, P. L., t. xxiii, col. 229 ; saint Basile, Epist., cic, c. 18, P. G., t. xxxii, col. 720 ; saint J. Chrysostome, De virgin., P. G., t. xlvii, col. 312 ; le concile de Carthage de 401 ; Innocent I er, Epist. ad Victricium, c. 12. Sur le cas de la vierge non voilée, ibid., c. 13, qu’on peut assimiler à un vœu simple de virginité, on en a appelé à Tertullien. Ami du clergé, 1911, p. 13-16. Cf. P. Braida, Dissertatio in S. Nicetam, P. L., t. lii, col. 1087. La vierge non voilée pouvait contracter mariage, nous disent les papes Innocent et Sirice ; mais saint Césaire demanda au pape Symmaque la suppression de cette tolérance. Les sanctions canoniques n’impliquaient-elles pas, au jugement de ces Églises, la violation d’un vœu également canonique ?

Son nom d’ailleurs le disait ; on l’appelait, non seulement propositum, qui met l’accent sur sa liberté, mais professio, qui en marque le caractère public, voire même paclum et conventio, ce qui exprime, mieux même que le mot votum de cette époque, l’idée d’une promesse acceptée. On pensera à ces « fils du pacte », ascètes répandus dans les villages chrétiens de Mossoul, dont parle Aphraate, Demonstratio vi, dans Palrol. orient, t. iv.

2. Dans le cénobitisme égyptien.

Après une floraison si apparente des vœux, on pourrait croire qu’ils auraient donné des fruits abondants dans les monastères d’Egypte munis d’une série d’observances. Il n’en fut rien, et ce fut justement la multitude, la variété et la difficulté de ces pratiques de pénitence qui interdit d’en faire des vœux spéciaux. Il y avait néanmoins un engagement général, très caractéristique de cette seconde période : c’était « la renonciation au monde, à-Ko-oL^ix », qui n’eut d’abord qu’un aspect négatif, celui de ne plus reprendre la vie séculière. Il impliquait sans doute la promesse de garder la continence, et d’y adjoindre progressivement une forte dose de jeûnes et de mortifications. Mais, en prenant l’habit des anachorètes, on vouait avant tout ce votum monasticum sans formule précise.

C’est avec saint Macaire, Régula, c. 23, et saint Pacôme, Vita, c. 3, Acta sanct., mai, t. iii, p. 303, « quand on se fut acheminé doucement vers la pratique en commun de l’ascèse, vers l’institution cénobitique », c’est alors que l’institution même imposa à tous ses obligations et que le « renoncement » devint pratiquement le vœu de garder tels usages de