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VŒUX DE RELIGION. OBJET


C’est à elle de corriger les négligences », Epist., cxxi, n. 15, P. L., t. xxxiii, col. 364. C’est pour sauvegarder le bien de l’obéissance, « racine et mère de toutes les vertus », qu’il recommande de ne pas changer de supérieur, n. 4, anticipation du vœu de stabilité de saint Benoît. Quant à l’étendue et à la nature des obédiences données, les arguments invoqués donnent l’impression que le præposilus de saint Jérôme, et surtout le pater monasterii de saint Augustin, sont presque uniquement des maîtres de l’art spirituel, où leur interprétation se montre d’ailleurs fort personnelle. Cf. les textes cités par la Régula monach. S. Hieronymi, P. L., t. xxx, col. 323. Dans le cours ordinaire de la vie, ils avaient la charge d’assurer la mise en train « d’un genre de vie qu’on ne connaît pas encore », c’est donc un peu le rôle d’un maître des novices, et à veiller au règlement des controverses touchant une règle assez peu circonstanciée.

La vraie note de l’obéissance chez les moines d’Occident, ce n’est ni Cassien, ni Fulgence de Ruspe qui nous la donnent, c’est saint Césaire ; c’est l’école de Lérins, en particulier les Sermons de Fauste de Riez, qui font de l’obéissance la principale vertu monastique, Serm., ii, n. 3 ; qui associent indissolublement la trilogie : obéissance, humilité, charité, n. 5 ; qui étendent son domaine aux actes de piété, à tous les supérieurs et à tous les âges de la vie : Nihil obedientise preeponat, sive junior, sive senior est. Nullus senior tam indoctus illi appareat ut putet quod non deceat obedientia quæ Deum decuil. Serm., vii, P. L., t. lviii, col. 874, 875, 886. (Cf. Sulpice-Sévère : Hsec cœnobitarum prima virlus est, parère alieno imperio. Dialog., i, c. x, P. L., t. xx, col. 190.) L’obéissance est nécessaire à la solidité d’une maison religieuse : « Les vents ont soufflé sur la maison qui ne se trouve pas fondée sur l’obéissance, et elle est devenue une ruine immense. » Loc. cit., col. 885.

.Mais elle n’est pas encore imposée, semble-t-il, à chaque religieux par un vœu spécial, ni par la stabilité dans un monastère : « Ne pas obéir et vouloir s’éloigner [du monastère], c’est faire doublement le jeu du démon. » Loc. cit., col. 884. Il fallait mentionner ce stade transitoire de l’obéissance religieuse. On en trouverait de nombreux témoignages dans la littérature monastique de cette époque. Cf. Bcrgmann, Éludes de la lilt. homilétique de la Gaule méridionale aux Ie et r/e siècles, Leipzig, 1898 ; dom Morin, Saint Césaire d’Arles. Ainsi les sermons attribués à saint Eucher donnent à l’obéissance le fondement de l’humilité et de la componction, Exhortatio ad monachos, n. 3, P. L., t. l, col. 860 ; ils fustigent les transfuges, col. 861 ; ils insistent sur « la stabilité et la persévérance », Serm., iv, col. 842 ; mais nulle part ils ne font appel à une promesse antérieure de stabilité. Une autre échappatoire à l’obéissance, c’était la permission donnée aux anciens d’habiter dans des cellules solitaires et de se faire leur régime de mortifications. Eucher, Laits eremi, t. L, col. 701-712. Même remarque pour les monastères irlandais, où les retraites au « désert » étaient fréquentes, ainsi que les migrations lointaines. La règle de s ; iint Colomban, peut-être en réaction contre ics tendances, commence et finit par des consignes d’obéissance jusqu’à la mort. C. i et x. En 506, le concile d’Agde, can. xxxviii, Mansi, t. viii, col. 331, se fait l’écho de s ; iint Césaire qui ne recevait personne au monastère « qu’à la condition qu’il y persévérât Jusqu’à la mort ». Reg. ad mon., c. i ; Reg. ad Virg., c i ; Règle de S. Aurélien, c. i. Voilà enfin les recommandations changées en promesses plus ou moins solennelles. Mais il semble bien que saint

Benoît ait, le premier, résolu de lier par un vœu formel le moine à son monastère : c’est la persévérance, mais dans un même milieu, in monasterio, prol. ; au point qu’ « il ne soit plus permis de sortir du monastère », c’est-à-dire « de secouer le joug » de l’obéissance en cherchant un autre supérieur, c. lviii ; c’est donc une « promesse de persévérance dans la stabilité », loc. cit., et de la « stabilité dans l’assemblée des frères », c. iv, c’est-à-dire dans la vie commune : c’est la meilleure explication des deux conditions de l’obéissance monastique : sfabilitas et conversatio morum, c. lviii, la stabilité s’opposant à la « gyrovagie », et la vie commune s’opposant à l’anachorétisme qui se met, lui aussi, en marge de l’obéissance. Exégèse un peu semblable de Bernard du Cassin, citée par dom P. Delatte, Comm. sur la règle de saint Benoit, p : 445. Sur la doctrine de saint Anselme touchant la stabilité, voir la dissertation d’Adam de Saint-Victor, P. L., t. clviii, col. 10951099, et Epist., t. II, ep. xxiii, col. 1174. Cf. O. Lottin, Considérations sur la vie religieuse et la vie bénédictine, p. 64-69.

Avec saint Benoît, comme l’observe G. de Vendôme, l’obéissance devient le principal devoir du moine. L’esprit d’obéissance est à base de mortification

— - c’est « le labeur de l’obéissance », prol. — et d’humilité ; « les meilleurs dans l’obéissance » seront finalement « les plus humbles ». C. n. Aussi l’humilité a-t-elle pour premiers degrés, avec la crainte de Dieu, et l’abnégation personnelle, l’obéissance jusqu’à la mort et jusqu’à l’héroïsme, c. vu ; « le premier degré de l’humilité, c’est l’obéissance immédiate, non trépide, non lepide, non tarde aul cum murmure vel responso nolentis ». C. v. L’obéissance monastique doit être permanente et universelle : il n’y a guère de chapitres de la règle bénédictine où l’abbé n’ait son mot à dire. On a vu plus haut que le bien de l’obéissance doit être protégé par la stabilité et la vie commune.

Sur tous ces points, la tradition monastique occidentale est unanime et immuable, depuis Alcuin, Epist., cxxxvii, ccxxiii, clxxxiv, jusqu’à saint Anselme, Epist., t. III, ep. xlix, l ; t. IV, ep. cix, exi, P. L., t. clix, col. 80 et 260. Geoffroy de Vendôme, Epist., t. IV, ep. xxxi et xxxv ; Sermo xi, précise que, « sans la permission de son supérieur, le religieux ne peut faire même des choses bonnes ». P. L., t. clvii, col. 170, 172, 174-176, 279, 706. Hildebert du Mans décrit le domaine de l’obéissance : « Ils montent par la colline de l’obéissance à la montagne de la perfection : voie facile, voie plus courte, voie indispensable. Le vivre, le vêtement, les démarches, l’appétit, la voix, la prière, l’exhortation, la lecture, tout est soumis au jugement d’autrui », Sermo l ; encore faut-il qu’ils obéissent de bon cœur, Sermo cxviii, P. L., t. clxxi, col. 589 et 882. Sur la soumission du jugement, S. Anselme, P. L., t. clix, col. 80 et 161.

Les motifs invoqués par les auteurs spirituels varient avec l’ampleur et la considération grandissantes accordées au conseil évangélique. Les Pères d’Orient font valoir l’inexpérience du novice et la docilité requise pour apprendre l’art spirituel : l’obéissance est affaire de prudence personnelle, Inlc.rroga patron tuum et diect libi, Dcut., xxxii, 7 ; « Les matelots obéis sent au pilote », S. Nil. De monast. exerc, c. xlii, P. G.. t. lxxix, col. 773, ce qui peut ne’appliquer qu’à la direction spirituelle. Les Pères latins, on l’a vii, font appel à des raisons de bon ordre conventuel, qui visent ainsi, et avant tout, dirait-on, la discipline extérieure. Avec la mystique de l’obéissance, vertu principale du religieux, ils niellent en avant des motifs d’ascèse et des applications mystiques de