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VŒUX DR RELIGION. OBJET


Pachomii, . 10-17, P. L., t. xxiii, col. 82-85 ; Régula P., c. 30, dans la traduction de saint Jérôme ; Rufln de même voit l’obéissance chez les moines, Hist. monach., c. 31, P. L., t. xxi, col. 452 ; et les Vitse Patrum latines mettent la « soumission aux Pères au-dessus de tout », citées par Hildebert du Mans, Serm., cxix, P. L., t. clxxi, col. 883. Cf. W. Bousset dans Zeitschrijt fur K. G., 1923, p. 9.

a) En Orient. — Les Pères grecs, nous semble-t-il, n’ont guère vu dans l’obéissance de l'Évangile que l’obéissance à Dieu, qui est donnée comme une liberté de l'âme, non comme une servitude ; ils ont beaucoup moins célébré l’obéissance aux hommes, qui est, pour eux, une nécessité peut-être, mais non un moyen de progrès spirituel. C’est que le monastère lui-même n’est pas tant une institution, une organisation juridique qu’un organisme mystique : par conséquent, l’obéissance, « ce n’est pas une unité formelle et juridique, c’est une union dans la liberté, dans l’amour, dans l’unanimité ». N. Berdiæf dans Cah. de la nouv. journée, 1927, p. 16-17. « L’obéissance, c’est lorsque tous partagent les mêmes travaux et les mêmes peines, pour avoir part aux mêmes joies. » S. JeanChrysost., Adv. oppugn. vit.monast., . III, n. 11, P. G., t. xlvii, col. 360. Aussi, dans ce livre, et dans les vingt homélies où Chrysostome célèbre la vie monastique, il parle « de la virginité, de la pauvreté, des jeûnes et autres pratiques sublimes », mais jamais de l’obéissance. In Matlh., hom. i, n. 5 ; hom. lxix, n. 3-4, etc. L’obéissance existe cependant, mais elle ne se fait sentir que quand reparaît la mauvaise nature. De virgin., c. 10-11, P. G., t. xlviii, col. 540 ; cf. De b. Abraham, n. 1 ; In Ps., xliv, n. 11. Or les fondateurs de cette vie parfaite sont des hommes d’expérience qui en connaissent les difficultés.

Saint Basile a, là-desssus, de brèves mais fortes recommandations appuyées sur l’exemple du Sauveur, Petites règles, c. 12, 65. Mais, sauf la question bien secondaire pour lui de l’emploi du temps, qui est réservée à l’autorité régulière, toute l’ascèse monastique est affaire de libre choix : « Hâte-toi d’imiter les anciens et n’attends pas d'être instruit dans le détail. » Ascetica, P. G., t. xxxi, col. 628. « Cherche un homme qui soit le guide sûr de ta vie, … non pas un de ces vaniteux… » Loc. cit., col. 627. À ce maître de ton choix, « fais-toi une règle » d’obéir, c’est-à-dire « de ne rien faire contre ses avis. Tout ce qui se fait sans lui est une sorte de vol et de sacrilège ». Loc. cit., col. 630. Le conseil d’obéissance ainsi compris peut aller loin sans doute ; mais il n’est pas encore organisé en discipline religieuse.

Pour saint Nil, l’obéissance, c’est la fidélité aux inspirations de Dieu, Epist., t. I, ep. ccxli, c’est l’obéissance aux frères, De volunt. paupert., c. 62 ; l’obéissance religieuse consiste « à faire preuve d’humilité et à rejeter loin de soi la volonté propre », mais en matière spirituelle plutôt que pour la conduite extérieure, « en se laissant persuader par ceux qui ont l’expérience en ces matières », Epist., t. I, ep. cccvn, et non pas nécessairement par les archimandrites, qui ne sont guère que des économes.

On a voulu trouver en saint Nil, il est vrai, la première mention de l’obéissance perinde ac cadaver. La comparaison s’y trouve, en effet, mais l’auteur la regrette, pour ainsi dire, et la corrige aussitôt : « Combien il faut d’expérience et de prudence aux supérieurs qui conduisent leurs sujets au trophée de la céleste vocation ; car, dans ce combat, si les âmes tombent, elles se relèvent difficilement. Il faut que le constructeur soit un homme pacifique… Mais, quand on aura trouvé de tels maîtres, ils demandent des disciples qui renoncent à eux-mêmes et à leurs propres volontés et qui soient plutôt tout semblables à des cadavres, afin que, telle l'âme dans le corps fait ce qu’elle veut sans résistance de sa part, ainsi le maître puisse mettre en œuvre sa science spirituelle dans ses disciples souples et obéissants. » De monast. exercil., c. xli. « Est-ce que ceux qui ont commis leur salut au soin d’autiui ne soumettront pas leurs convenances et leurs propres raisonnements à l’art de celui qui s’y connaît ? » C. xlii. Belle image de cette obéissance unanime dont on parlait plus haut. Sur cette notion chez saint Théodore Studite, cf. Epist., x ; Vita, c. xxxi ; Testamentum ; De preeposito ; Prsecepta fratribus data.

Saint Jean Climaque en revient à l’obéissance des moines pacômiens : « Avant l’entrée en religion, étudions, examinons avec soin notre guide, éprouvons-le, pour ainsi dire, sur toute la ligne ; une fois entrés dans le stade de la piété et de l’obéissance, nous ne jugerons plus du tout notre supérieur… L’obéissance est une abdication éminemment judicieuse du jugement propre. » Scala paradisi, gr. iv. Il semble que l’obéissance ne vise que la vie spirituelle.

Enfin, aucun règlement ecclésiastique grec n’a pensé à protéger le vœu d’obéissance par une promesse de stabilité. Théodore Studite, résumant toute la législation antérieure, reconnaît le danger de renvoyer une moniale, parce qu’elle retournera dans le siècle, perdant « sa stabilité », c’est-à-dire « le lien indissoluble » qui l’unit au Christ, mais il admet deux cas de changement d’obédience, l’un reconnu par saint Basile, l’autre par les saints Pères : ce n’est plus un dissidium mais une dispensatio, quando anima moribus difficilis ad aliam congregationem transire delegerit. Epist., cxcvi. Pour saint Basile, voir Grandes règles, c. 36 ; Constit. monast., c. 21, P. G., t. xxxi, col. 13931402. Pour le décret de Chalcédoine, can. 4, voir Mansi, Concil., t. vii, col. 382. Cf. Cassien, Instil., I. VII, c. ix.

b) En Occident.

L’obéissance est non seulement mieux organisée, mais elle est célébrée comme la force principale du cénobitisme, et comme la première vertu des moines. Prima apud cœnobitas confœderatio est obedire majoribus et quidquid jusserint facere. S. Jérôme, Epist., xxii, ad Eustochium, n. 35, P. L., t. xxii, col. 419. L’obéissance n’est pas une nécessité, c’est une qualité, une dignité, et l’on ne choisit pas son supérieur. Avec saint Jérôme, c’est dans un monde nouveau que nous entrons, le monde romain : « Aucun art ne s’apprend sans maître. Chez les abeilles, il y a des reines ; chez nous, un empereur, un juge par province…, un évêque en chaque Église. Ainsi tu dois vivre dans le monastère sous la discipline d’un seul Père et dans la compagnie de beaucoup de frères : l’un t’apprendra le silence, l’autre la douceur. Révère le supérieur du monastère comme un maître, aime-le comme un père. Crois que tout ce qu’il te prescrit est bien. » Epist., cxxv, ad Rusticum monachum, n. 15, col. 1080. Les exemples d’obéissance que saint Jérôme emprunte au passé monastique, op. cit., n. 13, sont, sans doute, du genre de ces humiliations familières aux premiers Pères d’Egypte, cf. Cassien, De instit. cœnob., t. IV, c. x, xxiii, xxvii, xxix, t. xlix, col. 162, 183, 186, 189. Et les exemples plus récents ne sont pas tout à fait encore l’obéissance monastique. Epist., cxix, n. 5, t. xxii, col. 964. Mais les principes sont nets : le monastère est une armée où chaque moine a sa consigne, loc. cit. ; cf. Tract, de obedientia et Tract, de psalm. CXV, Anectoda Mareds., t. iii, p. 399 et 218.

Saint Augustin donne à l’obéissance une note plus familiale : « Obéissez à votre supérieure comme à une mère, en tout respect, de peur d’offenser Dieu en elle.