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VŒUX DE RELIGION. OBJET

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Toutes ces pauvretés sont belles : celle, tout apostolique aussi, de saint Gaétan de Thiène, celle des trappistes comme celle des capucins ; elles ont toutes à l’origine une raison historique qui leur a donné leur caractère propre : plus austères quand elles visent à rappeler à un monde jouisseur l’idéal de l’Évangile, plus mitigées quand elles prétendent seulement à éliminer de la vie religieuse l’élément sollicitude qui est dans la propriété le vrai et continuel danger, comme l’avait noté Bède le Vénérable, In Luc, c. xii, 34.

2. Raisons théologiques.

Quand on lit attentivement le long article, IIa-IIæ, q. clxxxvi, a. 3, que saint Thomas a consacré à la pauvreté religieuse, on y trouve, avec un écho bien net des discussions menées alors autour des ordres mendiants, un soin particulier de ne jamais dépasser la mesure. « Je ferai remarquer, avec saint Thomas, que la pauvreté n’est point la perfection, mais un instrument de la perfection, cf. q. clxxxviii, a. 1, ad l um, et que la plus belle pauvreté n’est pas la plus grande, mais bien celle qui est le mieux adaptée à la perfection, à l’ensemble de la vie religieuse et à la fin spéciale de la famille religieuse à laquelle on appartient… Et il peut se faire que la sollicitude, qui est le danger de la propriété, se glisse plus facilement dans les ordres où l’on a de façon plus radicale renoncé à toute propriété conventuelle, mobilière ou immobilière. » Dom P. Delatte, Notes de vie spirituelle, p. 378. Examinons donc, en cet exposé de saint Thomas tout en nuances, l’essence de la pauvreté religieuse, et ses différents aspects suivant les familles religieuses.

a) L’essence de l’engagement.

C’est la désapproppiation de fait. Là où la pauvreté apparaît le plus indispensable, ce n’est plus, comme pour la continence, sous son aspect primitif d’élan de charité, mais sous son aspect dérivé de séparation du monde. Or, les richesses sont des choses du monde ; et c’est leur possession de fait, plus encore que leur désir, qui attache le cœur et réclame nos soins ; donc « la première chose à faire, c’est d’accepter la pauvreté volontaire, et de vivre sans rien en propre ».

b) Divers aspects de l’engagement.

a. L’entrée en religion. — « Elle vous oblige à tout laisser là, ce qui est une gêne et une angoisse… Angoisse pour les faibles ; mais ils n’y sont pas tenus. » Ad l um.

b. Le régime de pauvreté qu’on fait au religieux serait, d’après la Sagesse de l’Ancien Testament, un danger spirituel. Rép. : C’en est un pour les pauvres du siècle ; mais, pour le religieux, ce régime est volontaire ; quant au péril temporel, il n’est pas à craindre « pour qui a abandonné ses biens afin de suivre le Christ ; il peut se fier à la divine Providence », ad 2um.

c. La mesure du détachement n’est pas pour le religieux une question de juste milieu : il doit être total, puisque c’est la vertu qui l’exige. Aussi bien, il s’y est décidé « selon la droite raison ». Ad 3 ura. Quant à l’austérité de la désapproprialion à lui imposer, c’est à la « droite raison » de créer des régimes de pauvreté différents, adaptés par l’Église aux lins spéciales des ordres religieux.

d. Les formes diverses. - —

La sagesse antique avait déclaré que « la richesse doit utiliser ses ressources à procurer le bonheur. de la vie contemplative, mais mii tout de la vie active. Aristote, Morale à Xicom., I. I, c, ; I. X, c. vii-viii. Il y a, dans l’ad 4° m des notations fort délicates du Docteur angélique : elles vont, sur ce plan précis de l’organisation utilitaire de la vie religieuse, a distinguer la pauvreté des contemplatifs de i elle des ordres actifs. » La pauvreté convient, en effet, pour ce qu’il y a de plus essentiel dans la vie apostolique, IIP, q. XL, a. 3, ad l" m ; mais, pour la plupart des formes de l’action, elle est, au contraire, un moyen peu adapté dans les ordres religieux actifs : seul l’essentiel de la pauvreté volontaire peut être gardé, parce que l’usage des ressources employées par chacun des membres pour les œuvres dont il est chargé reste soumis, d’une manière ou d’une autre, à l’autorisation des supérieurs. » D. Lallement, La pauvreté évangélique, dans Cahiers thomistes, 1929, p. 94. C’est à chaque religieux de savoir comment, dans son ordre, on entend le vœu de pauvreté.

e. Le complément nécessaire.

C’est la charité à conserver, ce qui demandera, non seulement la pauvreté effective, mais l’esprit de pauvreté, même pour les religieux qui ont des ressources à leur disposition. Ad 4um, fin.

f. Les adoucissements.

Les Pères grecs, on l’a vu, avaient parlé avec éloge « des pénitents qui se servaient de l’aumône comme d’un remède », Chrysostome, In Hebr., hom. ix, et saint Grégoire, In Ezech., hom. xx, y avait vu un sacrifice, donc une religion. « Aussi bien faut-il penser qu’à cette donation totale il y a des diminutifs qui s’en rapprochent comme le particulier du général. »

g. Les dispositions canoniques.

C’est par un rapprochement avec le vœu de chasteté qu’on a précisé, au xiiie siècle, que le vœu simple de pauvreté enlève au religieux l’usage de ses biens et que le vœu solennel lui enlève tout droit de propriété, rendant invalide tout exercice de ce droit. Can. 579583. Ne sont pas objets du vœu les choses qui ne sont pas appréciables en argent, comme la réputation, des reliques, etc. Mais les manuscrits composés par un religieux depuis ses vœux ne peuvent être aliénés s’ils représentent quelque valeur monnayable. On viole le vœu de pauvreté en disposant des biens en son propre nom, en retenant des choses à l’insu de son supérieur, en en usant au delà du temps fixé, en faisant des cadeaux, des prêts, des donations. Cependant la permission du supérieur peut assez souvent être présumée.

On commet un péché grave quand il s’agit d’une valeur qui, en cas de vol, constituerait une matière grave ; il faut toutefois une plus forte somme quand c’est un profès simple qui dispose de choses qui sont sa propriété. Un religieux restitue par son travail, son économie, ou bien il demande ou est prêt à demander condonation.

L’obéissance.

Ce dernier conseil est, à vrai dire, celui qu’on a le plus de peine à trouver dans l’Évangile, sous une forme tant soit peu appropriée à la vie religieuse. Ce qu’on y trouve d’aussi pressant qu’un conseil précis, c’est l’exemple du Christ obéissant à son Père, IP-II B, q. ci.xxxvi, a. 5, sed contra, et son exhortation générale à le suivre ; « le conseil d’obéissance est inclus dans cette imitation », a. 8, ad l um. C’est aussi — mais il y en avait tant d’autres — une réalisation insigne du précepte : Si quis non odit animam suam. De perject. vit. spir. En fait, ce sont les institutions monastiques, disons cénobitiques, qui ont monnayé ce conseil sous la forme de soumission à un supérieur religieux. Cf. S. Ambroise, De pœnil., t. II, n. 96, P. L., t. xvi, col. 520 ; Epiât., ii, n. 26, col. 886 ; S. Benoît, Régula, iv, in.

1. Développement historique.

Peu d’exemples avant le cénobitisme. Saint Antoine affecte de lui donner le caractère d’une assistance mutuelle entre disciples vieux et jeunes, Viln Antonii, c. 16, 22. Dans les cercles érciniliqucs de Scété, c’est cette direction continue de l’ancien qui fut érigée en règle de vie parfaite. Cf. P. Hescb, Les maîtres égyptiens, .., p. 203. Ce n’est qu’avec saint Pacôine que le supérieur reçoit un droit absolu et permanent a l’obéifl sance, Vila Pachomii, c. 19, 37, 78, 80 ; Monila