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VŒUX DE RELIGION. OBJET


rien ? C. xxx. Ces vues judicieuses prétendaient harmoniser les directives des Pères du désert avec celles de saint Basile. Mais elles sont notablement plus sévères que celles de saint Benoît, ou du moins celles de la tradition bénédictine. Cf. De monastica exercitatione, c. vi-xii. L’auteur s’élève d’ailleurs avec force contre les moines paresseux et mendiants, c. viii, et conseille de se défaire du premier coup de tous ses biens. De monast. exercil., c. xliii, P. G., t. lxxix, col. 774.

Théodoret place « le mépris des richesses et la pauvreté volontaire au rang des plus hautes vertus », In I Cor., c. xiii, 3 ; mais « c’est une doctrine de perfection ; et le Christ a enseigné que, sans cette perfection, on peut obtenir la vie éternelle ; seulement il a exhorté à se faire, dans la pauvreté, une vie exempte de tracas ». In II Cor., viii, 13.

Jean Chrysostome regardait la pauvreté volontaire comme une éminente vertu chrétienne. Mais, comme il affecte de joindre toutours au précepte le conseil, rapprochant ainsi la discipline des fidèles de celle des moines, il passe insensiblement de « l’acceptation joyeuse », Hebr., x, 34, de la pauvreté occasionnelle à celle de la pauvreté religieuse. Car « le Christ enseigne la perfection par ces mots : Si tu veux être parfait, vends tout ce que tu as. Et ce qu’il dit, il le montre en ses œuvres et en ses disciples. Aspirons donc à ce bien de la pauvreté ». In Hebr., hom. xviii, n. 3. Puis, passant à la pauvreté effective : « Voyez, dit-il, comme il est plus facile d’y pratiquer la vertu : elle préserve de l’orgueil », ibid., hom. ii, n. 5, et des occasions de péché ; elle favorise la mortification de la chair, ibid., hom. xviii, n. 2 ; elle brave « la proscription et la condamnation, elle pousse à la confiance en Dieu », ibid., « elle gagne une plus grande récompense que la richesse avec de petites choses », hom. ii, n. 5 ; « c’est un port tranquille, la palestre et l’école de la sagesse », In Matth., hom. xc, n. 3 ; « sages philosophes que ceux qui, dans la fournaise de la pauvreté, sont réjouis de la rosée céleste », ibid., hom. iv, n. 12 ; hom. xlvii, n. 4. Qu’on tienne compte enfin de la valeur apologétique de la pauvreté chez les « serviteurs de Dieu », In Matth., hom. xv, n. 9 ; hom. xxxii, n. 4 et 5 ; hom. xc, n. 4 ; hom. xlvii, n. 2 et 3, et l’on aura une somme de la pauvreté théorique et pratique, qui ne se perd point en considérations mystiques mais insiste sur le caractère libérateur de cette vertu. On ne voit pas d’ailleurs que la discipline religieuse de la pauvreté fut plus sévère chez l’évêque de Constantinople que chez l’évêque de Césarée : il faut que les moines gardent par devers eux de quoi faire l’aumône. In Matth., hom. viii, n. 4-5, P" G.. I. lvii, col. 55 sq. ; Contra detrahentes, t. III, c. xiv, t. xlvii, col. 367.

Nous ne serions pas étonnés qu’on nous prouve quelque jour que la désappropriation individuelle ait été imposée au vie siècle seulement et pour peu de temps, ; iux moines de Constantinople et des grands ((titres… par les lois impériales, Code Juslinien, De monachis, t. IV, novelle v, tit. v, peut-être sous une influence latine.

c) Chez les Pères latins.

Même discrétion chez saint Ambroise, De ufpciis, t. I, c. xi, n. 36 : « Saint Paul demande de considérer les besoins des personnes qui donnent, filles donneront, dit-il, avec mesure, parce qu’il conseille des Imparfaits : il n’y a que les imparfaits à ressentir de l’angoisse en se dépouillant de leur argent », ibid., I. I, c. xxx, n. 151 ; mais, en somme, ils pourront ainsi secourir plus de gens et plus longtemps : « I.a mesure à tenir est de pouvoir faire chaque jour le bien quc l’on fait et de ne pas enlever aux nécessiteux le fruit perdu en générosités.

Ibid., t. II, c. xvi, n. 76 et 78. Prudence toute romaine dont on n’a à craindre aucune décision extrême : « Dieu ne veut pas — scilicet ex necessitate præcepti, paraphrase saint Thomas — Dieu ne veut pas qu’on répande d’un seul coup ses ressources, mais qu’on les dispense ; à moins que parfois l’on n’imite Elisée, qui tua ses bœufs et nourrit les pauvres de ce qu’il avait, pour se débarrasser de tout souci domestique ! » De officiis, t. I, c. xxx, P. L., t. xvi, col. 60 sq. Or, on sait qu’Ambroise avait applaudi à la décision de ces nouveaux pauvres : Mélanie et Pinien, et qu’il avait encouragé Paulin et Therasia, les « heureux mendiants », à braver les fureurs des patriciens. Epist. ad Savinum, P. L., t. xvi, col. 1178.

De même, saint Hilaire ne semble encourager que « la chasteté et le jeûne », non la pauvreté, In Psalm., xliv, P. L., t. x, col. 414 ; cependant Sulpice-Sévère nous apprend qu’il approuva la retraite austère de Martin à Ligugé. À saint Jérôme on ne saurait demander une telle modération de langage : « Suivez nu le Christ nul » Epist., cxxv, n. 20, ad Rusticum monachum, P. L., t. xxii, col. 1085, à l’imitation d’Antoine et de Malchus, ces hommes d’une époque héroïque où l’Église n’avait pas, « par les richesses, diminué en vertus ». Vita Malchi, n. 1. Mais, à écouter de sang-froid les invectives qu’il adresse aux « moines qui veulent être plus riches qu’ils n’étaient dans le siècle », Epist., lx, n. 11, et les éloges qu’il donne aux vierges opulentes qui « au lieu de bâtir, comme d’autres, des églises aux chapiteaux dorés, dépensent leurs revenus à vêtir le Christ dans les pauvres… », Epist., cxxx, n. 14, ne semblerait-il pas que, pour cet apôtre de l’ascétisme, « le comble de la vertu soit de distribuer peu à peu ses biens avec une telle confiance qu’on en vienne à mourir sans laisser un denier » ? Epist., cviii, ad Euslochium, de façon à « se libérer des richesses qui ne peuvent aller de pair avec la vertu ». Epist.. lviii, ad Paulinum, P. L., t. xxii, col. 580 sq. Sans doute, Vigilance exagère, Adv. Vigitantium, n. 14, P. L., t. xxiii, col. 350 ; et « la vertu parfaite est de tout vendre et de le distribuer aux pauvres, afin de voler avec le Christ aux choses du ciel, libre et dégagé », Epist., cxxx, n. 14, t. xxii, col. 1118. Mais les exigences de la pauvreté sont pour Jérôme, avant tout négatives. Voir pourtant, Epist., xiv, ad Heliodorum, n. 6, col. 351.

Ce sont peut-être les docteurs mystiques, à la suite de saint Augustin et de saint Grégoire, qui sont les plus exigeants en matière de pauvreté religieuse. Saint Augustin qui, au temps de sa conversion, avait professé que « l’homme parfait est au-dessus des besoins, qu’il use des biens, s’il en a, et sait par ailleurs s’en passer », De beata vita, c. iv, n. 25, P. L., t. xxxii, col. 970, lui qui revendique à l’occasion « pour les saints le droit de conserver quelques ressources », De opère monach., c. v, n. 6, t. xl, col. 553, il impose à ses moines et à ses religieuses l’abandon de leurs biens au profit de la communauté, De opère mon., c. xvi, n. 19, col. 564. Pourquoi ? Parce que, pour eux comme pour tous les chrétiens, les richesses sont source d’avarice, d’orgueil et de préoccupations. Mais aussi parce que « l’espoir d’acquérir ou de garder les biens temporels empoisonne la charité, et que la charité s’accroît quand la cupidité diminue : la peifection, c’est que la cupidité disparaisse tout à fait. De plus, la cupidité est la racine de toute crainte et la charité parfaite l’exclut ». Liber 1. XXXIII Quæslionum, c. xxxvi, n. 1, t. xl, col. 25. Cause et si^nc de la charité, l’esprit de pauvreté doit aller Jusqu’à se dépouiller de ce qu’on a, incorporata dlvellen, velut membra præscindcrc. Epist. ad Paulinum, P. L., t. xxxiii, col. 818.