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donné que l’état religieux est une technique expéri-I mentale qui n’a d’autre ambition que de nous acheminer vers la perfection intérieure en nous aidant à consacrer à Dieu toute notre vie, c’est dans cette zone de nos activités extérieures, de toutes nos activités disponibles, dans cette modeste région des moyens pratiques de perfectionnement spirituel, que les vœux de religion trouveront leur moyen d’expression approprié, et non dans l’ordre de la charité intérieure ou dans celui des actes héroïques de charité. La déclaration du Docteur angélique est trop nette pour avoir besoin de commentaires : « Il est bien vrai que la perfection même de la charité est la fin de l’état religieux ; mais l’état religieux est un régime déterminé de vie, quædam disciplina, et un exercice pour parvenir à cette perfection. Ce but est recherché par les uns et les autres au moyen d’exercices divers, tout comme le médecin pour guérir peut user de différents remèdes. Or, il est bien évident que celui qui travaille pour une fin, c’est peut-être convenable, mais ce n’est pas nécessaire — non ex necessitate convenit — qu’il ait obtenu déjà cette fin », ni qu’il en ait tiré tous les fruits : « ce qui est requis c’est qu’il tende à cette fin par une voie particulière. Concluons donc » que : pour l’essence de la perfection, « celui qui assume l’état religieux n’est pas tenu de posséder la charité parfaite, mais d’y tendre et de s’employer à l’avoir ». C’est là la fin des vœux de religion, non leur matière : elle est bien plus modeste.

Pour les conséquences de la charité, « pour la même raison, le religieux n’est pas tenu d’accomplir en fait ces œuvres insignes qui en sont la suite », les fruits de l’amour de Dieu, dont parlait saint Basile. « II est tenu cependant d’avoir l’intention de les accomplir : il manque à ce devoir celui qui les méprise. Ainsi donc il ne pèche point s’il ne les accomplit pas, mais bien s’il les méprise. » Là encore, c’est une fin idéale des vœux, mais ils ne doivent pas, en général, porter sur des actions héroïques qui conviennent à des saints. C’est la sagesse de saint Thomas d’avoir maintenu l’état religieux et ses vœux dans l’ordre des moyens qui « alimentent l’amour de Dieu » (S. Basile). Et encore tous les moyens ne sont-ils pas de mise, car, parmi les moyens eux-mêmes, le choix est nécessaire ; « et, même en cela, pour la même raison » que l’état religieux est une discipline précise, « un religieux donné, quilibet religiosus, n’est pas tenu à tous les exercices par où l’on peut parvenir à la perfection, mais à ceux-là qui, précisément, lui ont été spécifiés, laxata, selon la règle qu’il a embrassée en sa profession ». A. 2. Les règles religieuses prescrivent les préceptes, ou plutôt les présupposent comme moyens nécessaires ; leur domaine propre, ce sont les conseils, moyens accessoires, entre lesquels elles indiquent leur choix. À elles toutes, elles ont, semble-t-iï, épuisé la matière ; mais chacune d’elles a eu ses préférences.

Nous sommes ici aux antipodes du précepte général de la charité, dont l’étendue même faisait la souplesse : les règles religieuses doivent « taxer » les obligations secondaires, parce qu’elles sont immédiatement exigibles. Parmi les « bons usages qu’il ne faut pas corrompre », S. Basile, Ascetica, Disc, inaug., P. G., t. xxxi, col. 630, la règle monastique « discrète et claire », S. Grégoire, Dial., t. II, c. xxxvi, détermine certains conseils destinés à devenir nos trois vœux de religion. On a dit les discussions désastreuses auxquelles donna lieu la règle de saint François, justement parce qu’il n’avait pas paru choisir.


IV. Objet précis des vœux de religion. —

Avant de faire l’objet d’une détermination officielle par l’Église, comme le reconnaît ouvertement saint Thomas, les conseils évangéliques ont été laissés « à la responsabilité de chacun », I a -II*, q. ovin, a. 1 ; et puis, mis à l’essai et « proposés in optione ejus cui dantur, observance toute relative ; finalement, ils ont été érigés en observance pure et simple par les institutions religieuses ». lbid., a. 4. Les promoteurs obéissent à leurs inspirations spirituelles et les sociétés réagissent parfois à des nécessités d’organisation. C’est l’Église qui en décide la nécessité pour « l’achèvement de l’état religieux », et c’est la théologie qui montre le bien-fondé de cette exigence : Utrum conlinentia, paupertas et obedienlia requirantur ad perfeclionem religionis. IIMI*, q. ci.xxxvi, a. 3, 4 et 5.

Le développement historique semble, en gros, s’opérer en trois étapes assez nettes : l’ascétisme primitif, qui met en vedette le conseil de continence ; la vie érémitique, qui impose en plus le conseil de pauvreté ; la vie cénobitique, qui ne se comprend pas sans l’obéissance.

La continence.

1. La tradition.

Dès l’âge, apostolique, on trouve la virginité volontaire. I Cor., vu, 25-40 ; Act., xxi, 9. Elle a pour panégyristes presque tous les anciens écrivains chrétiens. Cf. Mgr Wilpert, Die gottgeweihten Junyjrauen, 1892 ; H. Koch, Virgines Christi, dans Texte und Unters., t. xxxi, fasc. 2, p. 59-112 ; F. Martinez, L’ascétisme chrétien pendant les trois premiers siècles, 1913.

a) C’est un état de vie,

Ou bien au sein même de la communauté chrétienne, sans signe distinctif, mais comme une classe parfaitement connue des autorités : en Syrie, cf. Ps. -Clément, EpisL, ii, ad l’irgines, P. G., t. i, col. 380 sq. ; en Afrique, Tertullien, De virginibus velandis ; S. Cyprien, De habita virginum, jusqu’au milieu du ive siècle, concile de Carthage, de 348, can. 3. Ou bien en parthénons séparés, dans les grandes villes de l’Orient chrétien. Cf. S. Athanase, De virginitate, c. xi, P. G., t. xxviii, col. 260 ; déjà Méthode d’Olympe († 311), Banquet des dix vierges, P. G., t. xviii, col. 38 sq.

b) C’est un état de perfection.

Il constitue un « ordre de sainteté », Origène, In Malth., hom. xi, P. G., t.xii, col. 591, un « abrégé de la perfection », Méthode, op. cit., d’après Matth., xix, 12 ; Apoc, xiv, 3-4 ; Cantic, vi, 7-8. Ce sont « les vierges de l’Église, /los ille ccclesinstici germinis ». Cyprien, op. cit., n. 3 ; « les vierges sages » de Matth., xxiv, 12. Luc, xii, 35 ; cf. Augustin, De conlinentia, c. vii, n. 17, P. L., t. xl, col. 346. « Si la virginité est le point central de la vie ascétique, tous les autres éléments de la perfection s’y réfèrent, et lui doivent, d’une certaine façon, leur existence. » F. Martinez, op. cit., p. 197 ; cf. Athanase, op. cit., c. ii, iii, vu. col. 252 sq. Encore que la pauvreté ne soit pas effective, c. vi-xiii, elle doit pouvoir aller jusqu’à l’héroïsme, Augustin. De virgin., c. xli, li, P. L., t. xl, col. 420-424.

c) Ce sera un état religieux.

Grégoire de N’ysse, De virginitate, conseille aux continents la modération des besoins, c.xii, l’obéissance, c. xxii, l’imitation des modèles, c. xxiv, pour fuir les excès, c. vu. Ambroise, EpisL, xli, P. L., t. xvi, col. 1115 ; Optât, De schism. donat., t. II, c. xix, t. xi, col. 973, Jérôme, EpisL ad Sabianum, c. v, t. xxii, col. 1198, Augustin, op. cit., c. xlvi, recommandent la vie commune. Cf. S. Bonaventure, De perfeclione evang., t. III, c. m. Saint Thomas, q. clxxxvi, a. 8, qui a lu monasterio où Augustin avait écrit martyrio, refuse à la virginité comme au martyre la stabilité exigée d’un état religieux. C’est un vœu essentiel, et ceux qui l’ont oublié, la Régula communis de saint Fructueux, et les ordres militaires, op. cit., a.’4, ad 3° iii, ont eu des déboires. Mais ce n’est pas un vœu suffi-