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VŒUX DE RELIGION. ELEMENTS

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ad 1um, etc. C’étaient d’ailleurs des vœux complémentaires. Q. clxxxviii, a. 1, ad 3um. De tous on peut dire ce qu’on a dit des trois vœux de la vie religieuse :

« C’est en somme la mise en détail d’un seul

et même engagement fondamental, une devotio totale au service de Dieu. » O. Lottin, Considérations sur la vie religieuse, p. 30. L’ensemble est un holocauste, dit saint Thomas, h. I.

Voilà le genre de perfection externe que les vœux de religion sont propres à promouvoir : c’est ce que le code de Droit canonique appelle prudemment perfectio status religiosi :

« Que tous les religieux, supérieurs

aussi bien que subordonnés, gardent intégralement les vœux qu’ils ont émis… pour tendre ainsi à la perfection de leur état. » Can. 593.

4. Climat des vœux.

L’état religieux, qui avait dû sa naissance à la séparation du monde, ne devait pas oublier le climat de ses origines ; mais, comme la séparation ne pouvait plus être totale, la religion se devait de défendre son autonomie par des lignes de résistance contre les attraits du monde. Elle l’a fait au moyen des vœux, qui sont par excellence

« des exercices spécialement destinés à supprimer les

obstacles à la parfaite charité ; une fois ceux-ci écartés, à plus forte raison coupent-ils les occasions de péché qui entraîneraient la perte totale de la charité. Ainsi, par ricochet — ex consequenti — l’état religieux est le lieu le plus convenable pour la pénitence ». Ad 4um. De même encore les vœux essentiels de religion — s’ils ont un à-côté pénitentiel — sont principalement destinés à donner au religieux la solitude du cœur, le détachement des choses du monde, » la tranquillité à l’égard des sollicitudes du dehors ». A. 7. Ce climat étant indispensable, nous avons là une pierre de touche, un critérium des vœux à établir : ceux que l’Église retiendra auront pour but de défendre la vie religieuse « contre les sollicitudes de la fortune, de la famille, de l’activité propre », loc. cit., et de faire de l’état religieux une suppléance du désert.

5. Idéal des vœux'.

Donation totale de sa vie, état de séparation du monde, autant de fins prochaines que les vœux sont chargés d’assurer. Est-il aussi sûr qu’ils procureront la fin dernière de l’état religieux ? « Car c’est en cela que consiste la perfection de l’homme, en son adhésion totale à Dieu par la charité ; et à ce point de vue, la religion — et les vœux de religion — comporte cet état de perfection. » C’est tout à la louange de saint Thomas d’avoir maintenu la distance entre ces deux termes à comparer : la perfection intime et l’état de perfection, d’avoir laissé subsister le hiatus entre la religion et la charité. D’une part, en effet, c’est par l’intermédiaire d’actes de service que les vœux de religion, reduplicative ut sic, orientent l’âme vers Dieu. Parlons, si l’on veut, « d’union de religion comme d’une disposition prochaine et de moyen par excellence », A. Lemonnyer, La vie humaine, ses formes, ses états. p. 515. Mais n’allons pas plus loin : cette union à Dieu par les vœux de religion ne constitue pas la perfection elle-même, qui appartient à la charité. Il n’y a pas là de subtilité théologique : l’expérience suffit à rappeler qu’une âme religieuse peut « s’attacher à sa bonne observance », et s’arrêter à ses vœux et actes de religion sans pousser jusqu’à l’union de charité.

La présente théorie, d’autre part, si elle est plus prudente que les autres en ses réalisations, est tout aussi ambitieuse : les vœux de religion sont des moyens de procurer la perfection, parce que « du même élan qui porte l’âme à telle promesse et à telle activité, elle atteint Dieu même ; la volonté ne la posant que pour honorer Dieu, elle ne s’arrête pas à son acte, mais passe par lui jusqu’à Dieu ». Suarez, De virtute et statu religionis, tr. I, t. I, c. iii, n. 6.

« Les vœux de religion s’affirment comme des moyens

hors de pair, comme les moyens spécifiques à prendre, lorsqu’il s’agit pour une âme de se disposer à la parfaite charité et à ses œuvres… Ils assurent, dans toute la mesure réalisable ici-bas, l’entière disponibilité du cœur et de l’esprit pour la parfaite charité. » A. Lemonnyer, op. cit., p. 569.

6. Pédagogie des vœux.

La théorie est, par le fait même, éminemment pédagogique : à l’inverse des théories anciennes qui n’admettaient, pour ainsi dire, que des parfaits à des vœux héroïques, ses vœux de religion s’adressent à tous ceux qui veulent par l’exercice systématique, professionnel, de la vertu de religion s’acheminer sûrement à la perfection de la charité. Cf. A. Lemonnyer, op. cit., p. 516. Dès là que « la religion désigne l’état de perfection comme le but entendu et poursuivi, ex intenlione finis, il n’est point requis que toute personne qui est en religion soit parfaite, mais qu’elle tende à la perfection », h. l., ad 3um. On ne saurait mieux laisser entendre que les vœux de religion sont une marche en avant, avec ses départs, ses étapes et ses dépassements.


III. Éléments des vœux.

Après avoir étudié les trois fins conjuguées des vœux, il faut voir où l’esprit religieux, où la vie contemplative, où l’aspiration de la charité vont trouver les éléments de l’état de perfection. C’est, en gros, dans l’ensemble des préceptes et des conseils évangéliques. Mais, parmi ces moyens de perfection, quelle sera la matière appropriée des vœux ? Si les préceptes de l’Évangile suffisent à assurer la vie parfaite, à quoi bon chercher ailleurs des obligations nouvelles ? Si pourtant les conseils sont de quelque utilité, est-il possible de faire entre eux un choix officiel de trois vœux précis ? Ne faudrait-il pas, au contraire, que les gens voués à la perfection poursuivissent indistinctement l’observance de tous ces préceptes, de tous ces conseils de perfection ?

Ils ne manquent pas, en effet, les textes inspirés qui marquent pareille universalité et quelques docteurs de l’Église ou fondateurs d’ordres, dans un mouvement d’éloquence ou de ferveur religieuse, ont pu dire que tous les conseils évangéliques s’adressent indistinctement à toutes les âmes en quête de perfection. Par ailleurs, les Pères, et l’Écriture elle-même, nous mettent devant des situations concrètes, où bien des conseils ne s’imposent plus, même aux parfaits. La discussion de cette importante question préalable a été résumée à l’art. Perfection chrétienne, t. xii, col. 1235-1244, du moins pour ce qui concerne l’ensemble des chrétiens. Mais la difficulté se présente plus instante pour ceux qui font profession de vie parfaite : il faudrait se demander si, eux du moins, ils ne sont pas tenus d’accomplir tout le bien qui se présente à eux et si, pour les religieux, il ne faudrait pas abandonner la distinction d’un bien obligatoire et d’un bien facultatif, s’ils ne devraient pas prendre pour eux toutes les recommandations de l’Évangile… Dès lors, à quoi bon ces consignes particulières « de continence, de pauvreté, d’abstinence et d’autres choses semblables, dont les règles religieuses ont fait un choix déterminé » ? Q. clxxxvi. a. 2. « On se demande avec hésitation », dira encore le concile de Vienne en 1312, « si les frères mineurs sont tenus par la profession de leur règle à tous les préceptes et conseils de l’Évangile ou bien aux seuls conseils proposés dans la règle sub verbis obligatortiis. C’est en ce dernier sens que nous décidons. » Bulle Exivi de paradiso du 5 mai 1312.

Saint Thomas avait répondu dans le même sens à la question c.i.xxxvi, a. 2 : Utrum quilibet religiosus