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VŒU. ETUDE THEOLOGIQUE

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b. — Si le doute porte sur le fait de l’obligation d’un vœu vraiment émis, c’est-à-dire sur sa valeur ou la réalité de son exécution, c’est la solution la plus sûre qui prévaut : si l’on n’a que des raisons légères de croire qu’il a peut-être été invalide ou qu’on s’en est déjà acquitté, l’obligation demeure de le remplir ; elle ne cesserait que s’il y a un doute sérieux et positif. « Dans le cas où l’on doute vraiment de l’intention (de s’obliger), et je dirais presque la même chose s’il s’agit de l’usage actuel de sa raison, de l’accès de la passion, la possession joue en faveur du vœu, plutôt qu’en faveur de celui qui a prononcé des paroles de promesse. » Suarez, op. cit., p. 941 ; cf. Billuart, De religione, diss. IV, a. 3.

c. — Le doute peut porter sur la licéité actuelle de son accomplissement, comme nous l’avons vu aux observations sur la matière du vœu. Ici, malgré l’opinion contraire de saint Thomas, de Cajétan et de beaucoup d’anciens moralistes, Suarez donne comme opinion commune que « le vœu oblige de lui-même, mais exige de la prudence avant que l’on vienne à l’exécution ; et, si les doutes subsistent après examen, on devra demander une dispense ou une interprétation officielle ». Op. cil., p. 944.

d. — Si le doute porte enfin sur la manière d’exécuter le vœu, > il faut rechercher d’abord l’intention de la personne, puis les paroles dont elle s’est servie, enfin la nature de la chose promise, que l’on interprétera en conformité avec l’usage et le sens que lui donnent communément les fidèles, par exemple en matière de jeûnes », op. cit., p. 944 et 946. De cette façon, comme dit Billuart, « on aura des chances de retrouver, par de tels recoupements, l’intention claire ou du moins solidement présumée de la personne qui a fait ce vœu ». Op. cit., édit. Lyon, 1853, t. vii, p. 250.

b) Gravité de l’obligation.

Avant que la pratique des vœux ne se fût étendue à toutes ces menues observances qu’on y a finalement annexées, la gravité de leur infraction ne faisait point question ; pour les Pères, le vœu officiel étant le vœu de virginité, les mots de sacrilège, d’apostasie n’étaient pas de trop ; au Moyen Age, on comparait cette infraction au parjure, qui est toujours grave. C’est par une analogie exagérée avec le serment qu’au temps du concile de Trente Cajétan enseignait encore que, « si c’est par cette obligation souveraine du vœu qu’on s’est engagé, fût-ce à un Ave Maria ou à l’aumône d’un verre d’eau, il y aurait faute grave à manquer de parole à Dieu ». In q. lxxxix, a. 7. Grégoire de Valencla a montré l’anachronisme de cette décision. Comment, theol. in // » -//", q. lxxxix, a. 7, punct. 4. Soto, De justilia, I. VII, p. 2, a. la peut-être, au contraire, énervé à l’excès les droits de Dieu ; cf. Suarez, I. III, c. iii, n. 7, p. 927. Il faut et il suffit de dire que la violation du vœu est grave ex génère suo, parce que c’est un manque de fidélité à Dieu, can. 1307 ; qu’elle est même plus grave cœteris paribus quc celle du serment fait à un homme ex reverentia. Mais sa gravité fient, à la fois, à l’importance de la matière et à l’intention de la personne. De ces deux chefs, il résulte qu’il n’y a faute grave que lorsqu’il y a a la fois matière grave et intention de s’obliger tub gravi.

a. - Quand la matière est légère à quelque titre que ce soit, que la pratique promise soit de peu d’importance ou que le précepte ou le conseil n’ait été que légèrement violé, l’infidélité au vœu sera toujours légère, pane que personne ne peut s’engager plus que la matière ou l’infraction ne le comporte. La légèreté dans la négligence est seule admise par le I". Pègues, Comm. littir. >le lu Somme, t.xii, p. 207. Cependant, objectivement parlant, il est certain que le vœu ne transforme pas en obligations uniformément graves les obligations légères auxquelles il viendrait, par exemple si l’on pèche véniellement en matière de tempérance… Car, le fidèle, en s’imposant à ce sujet une loi personnelle, non une loi imprudente, a nécessairement suivi le principe essentiel à toute législation, de proscrire d’une façon légère ce qui n’est que léger. J. Didiot, op. cit., p. 361. Cf. Billuart, op. cit., diss. IV, a. 3, obj. 1. La jurisprudence ecclésiastique est constante dans cette appréciation et les confesseurs devraient bien l’imiter toujours dans leurs directives.

b. — La volonté précise de ne s’obliger que sub levi peut-elle, comme le pense Suarez, op. cit., p. 929, transformer en infraction légère telle infidélité qui, par sa matière, serait grave ? Ici l’on peut avouer qu’un engagement si peu rigoureux ne témoigne pas d’une grande révérence envers Dieu, et il faut se demander si c’est toujours un vœu véritable ; mais il peut s’inspirer du sentiment de sa propre faiblesse, et Dieu peut l’agréer comme tel. Dès lors, quand il est question de vœux purement privés, « l’obligation résultant de ces promesses est exactement celle qu’on a voulu contracter : ni Dieu, ni l’Église, ni personne de sensé, n’en imposeraient de plus considérable ». Mais, dans les vœux publics, comme ceux de la profession religieuse et des ordres sacrés, c’est la nature même du vœu qui autorise l’Église à prescrire à ses sujets cette intention de s’obliger sub gravi : faute de cette intention, « le religieux ne ferait en réalité aucun vœu au for intérieur ; quant au for extérieur, sa profession existerait et serait tenue, non seulement pour valable, mais pour réellement grave, jusqu’à sentence contraire ». J. Didiot, op. cit., p. 358. Cf. S. Alphonse, m, 212.

c. — Dans tous les autres cas, même si l’on n’a pas agité la question de la gravité de son engagement, on est généralement présumé avoir voulu le prendre selon la gravité de la matière. Une matière est grave en fait de vœu quand elle a une notable importance, en soi et par les circonstances, pour le culte divin ou l’utilité du prochain ou le bien spirituel de celui qui fait le vœu. La détermination de cette gravité se mesure d’ailleurs assez aisément d’après les règles morales qui régissent proprement l’acte en question : ce qui est ordonné en d’autres cas sub gravi par la loi divine ou ecclésiastique, comme un jeûne, une messe, une confession, une restitution appréciable, constitue aussi une matière grave pour un vœu. On a abondamment discuté sur la gravité des vœux portant sur une série d’exercices promis per modum unius. Cf. Noldin, Theolog. moralis, t. ii, p. 215 ; Merckelbach, op. cit., p. 731 ; Billuart, op. cit., diss. IV, obj. 2. C’est en fait une application discutable de la théorie du vol.

c) Sujet de l’obligation.

A mesure que l’on avance dans l’étude du vœu, on trouve, comme on vient d’en avoir un exemple, des points de contact avec d’autres actes de religion ou de justice humaine. Pour la question présente, qui fait le pont entre l’émission du vœu et son accomplissement, les rapprochements se font d’eux-mêmes avec certaines solutions du traité des contrats. C’est une raison de plus d’elle bref, parce qu’il suffit de dire que les conseils à donner pour l’exécution du vœu doivent s’inspirer des principes donnés au sujet de la vertu de justice. Il faut pourtant bien se garder de les appliquer inconsidérément, et prendre pour premier principe que le vœu est une loi personnelle qui ne crée, en droit divin, que des obligations personnelles ; ce n’est qu’une loi religieuse positive qui peut faire passer au s autres les obligations d’un VŒU, Prenons un