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VŒU. ÉTUDE THÉOLOGIQUE

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et donc il faut faire pénitence pour le péché et pour cette transgression. Cependant, vous devez dire que cette pénitence ne doit pas être donnée pour des péchés mortels distincts, mais se rapporte seulement à un unique péché simplement aggravé par cette circonstance de la transgression du vœu. » Somme des cas de conscience sur la pénitence et le mariage. C’était sagement ramener la portée de ces promesses générales, faites au baptême ou renouvelées par la suite, à une simple confirmation des obligations communes à tous les chrétiens ; c’était aussi laisser pendante la question de savoir s’il y a ou non dans la promesse nécessaire exigée du baptisé un vœu véritable.

Pourtant, Pierre Lombard († 1160) avait assimilé, nous l’avons dit, ces vœux d’obligation universelle aux « vœux communs » de saint Augustin : et celui-ci avait vu dans le vœu commun, c’est-à-dire à la portée de tous, celui de ne pas voler, par exemple, une véritable promesse faite à Dieu ; le Maître des Sentences ne dit rien de précis, mais il y voit une catégorie de vœux véritables, réduite, il est vrai, à ces vœux du baptême. Que faire entre deux tendances si diverses au premier abord, entre deux terminologies si distinctes tout au moins, celle des théologiens et celle des juristes ?

Saint Thomas, comme tous ses prédécesseurs sententiaires, adopte la terminologie du Maître : il rattache, dans son Commentaire des Sentences, In 7V" m Sent., dist. XXXVIII, a. 2, qu. 1, cette question des vœux du baptême à la distinction pseudoaugustinienne du volum commune et du votum singulare. Mais, pour la solution du problème, il se dirige dans le sens des juristes et de leurs vota necessitatis. Il lui suffit, pour opérer ce redressement, de faire subir à son donné théologique un traitement philosophique sévère : appliquant au binôme désormais traditionnel : vœu commun, vœu singulier, les ressources de la logique, il discerne que c’est là une simple division d’analogues ; quant à la distinction des juristes entre, les vota necessitatis et les vota voluntatis, il montre que les termes de volontaire et de nécessaire ne s’excluent pas absolument ; il insinue pourtant qu’un vœu totalement nécessaire serait contradictoire.

Voici, en effet, comment il pose le problème général des vœux universels : « Comme le vœu est une obligation qu’on s’impose volontairement, le vœu qui n’a rien de nécessaire per prius dicitur » ; c’est le vœu dans la pleine acception du mot, « car il a, d’une façon complète, la raison de vœu : c’est le vœu singulier » ou spécial. Mais, précise saint Thomas, i le vœu commun » ou général, « qui porte sur les choses auxquelles tous sont tenus, est un vœu de seconde catégorie, qui n’a que d’une façon incomplète la raison de vœu ». In /V" m Sent., dist. XXXVIII, a. 2, qu. 3.

Quelle sera donc la valeur de ces vœux à portée générale, dont le type est le vœu des baptisés ? « On fait vœu, dit-on, au baptême, de renoncer au démon et à ses pompes et de garder la foi. Or, tout vœu que l’on transgresse constitue un péché spécial. Voilà donc le baptisé condamné à pécher doublement à chaque péché ! Réponse : La transgression du vœu commun ne fait pas un péché spécial, mais ajoute au péché une circonstance aggravante, specialem deformitalem. le baptisé, en effet, pèche plus que le non-baptisé en un même genre de péché, llebr., ix, 29, il n’est donc pas inutile d’émettre ce vœu puisqu’il ajoute une certaine force obligatoire, comme la loi écrite ajoute quelque chose À l’obligation de la loi naturelle. > Ihiil.. sol..’{. Il va sans dire que l’homme est obligé de garder la foi chrétienne ; mais le catéchumène, par son baptême et les vœux qu’il y formule, se met devant les yeux ces obligations communes, les endosse formellement et devant témoins. « Parce que le parrain, au nom de l’enfant, émet ce vœu commun, il ne lui fait pas tort, puisque l’enfant serait obligé à tout cela par ailleurs… Il y a une obligation plus grande ; mais ce n’est pas une difficulté, parce que la grandeur du bienfait accordé l’emporte sur ce surcroît d’obligation : ainsi l’on ne fait pas tort à un mineur en acceptant pour lui un bénéfice (avec ses charges) pour lequel celui-ci plus tard devra des remerciements. » Op. cit., sol. 3 et 4. « Il reste, dira Cajétan, qu’il n’y a point de vœu dans le baptême ; il y a simplement un vœu entendu largement dans cette volonté d’une vie nouvelle », et le baptisé ne fait pas un péché spécial contre la vertu de religion quand il pèche contre la loi chrétienne. Loc. cit. Rien de plus juste, mais c’est bien ainsi que son maître entendait le vœu commun, vœu de seconde zone, simplement analogue à la promesse spontanée d’une vertu ou d’un précepte particulier. « Je m’engage » veut dire, au baptême : je reconnais l’obligation qui m’incombait déjà et qui me lie à toute la loi chrétienne. À propos d’un cas analogue de vœu à portée générale, « pour le vœu de Jacob, dit encore saint Thomas, ce fut plutôt une certaine reconnaissance d’une obligation, que la cause de cette obligation. Aussi bien ne peut-elle être appelée proprement un vœu, mais c’est un vœu dans le sens large ». In IV am Sent., loc. cit., ad l"™. L’analogie est réelle entre le vœu cause d’obligation nouvelle et le vœu reconnaissance d’obligation préexistante, mais suffisamment lointaine pour rassurer les canonistes et les moralistes.

En définitive, les vœux du baptême sont des engagements volontaires pris au nom du baptisé, et le principe général vaut ici encore, que les obligations universelles du chrétien « peuvent être matière de vœu fn quantum illud voluntarie fit, non autem in quantum est necessitatis ». IIa-IIæ, q. lxxxviii, a. 2, corp. Sous ce rapport, le nom de vota necessitatis donné à ces engagements peut paraître moins heureux ; et il faut conclure plus précisément que " conformément à cette distinction, il tombe sous le vœu des baptisés de renoncer aux pompes du démon et de garder la foi du Christ, parce que la promesse est bel et bien volontaire, encore qu’elle se rapporte à des choses nécessaires au salut ». Loc. cit., ad l um. Plût à Dieu que le renouvellement des promesses du baptême en des circonstances solennelles de la vie, fût, pour toute âme éclairée, un véritable vœu au sens large, une prise de conscience plus nette de l’obligation où nous sommes de vivre notre baptême.

2. Vœux qui tournent à un mal en soi. —

Il n’est plus question ici de la part de volonté que l’homme apporte à émettre son vœu, en telle ou telle matière, mais de la valeur morale de l’objet ainsi voulu et promis, de sa valeur devant Dieu. Deux cas d’espèces peuvent seuls faire difficulté : car, normalement un acte est objectivement bon ou mauvais et le reste depuis l’émission du vœu jusqu’au moment de l’accomplir ; cependant tel acte réputé bon peut s’avérer mauvais au moment de l’accomplissement, ou plus mauvais que bon dans les circonstances et conséquences qui l’accompagnent. Voyons le premier cas. « Il est des choses qui sont bonnes en toute occurrence : les œuvres de vertu et autres biens de conseil ou de précepte qui, absolument et sans réserves possibles, peuvent tomber sous le vœu. Il en est d’autres qui, en toute hypothèse, sont et resteront mauvaises, comme ce qui de soi est péché : et de tels objets ne peuvent aucunement fournir matière