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VŒU. ETUDE THEOLOGIÔUE

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obligeons à faire pour lui. « Mais, alors que la promesse faite d’homme à homme exige des paroles ou autres signes extérieurs, on peut à Dieu faire une promesse par un simple acte intérieur de pensée. On formule pourtant quelquefois extérieurement des paroles ; c’est alors pour s’exciter soi-même, comme dans le cas de la prière, ou pour prendre à témoin d’autres hommes, en sorte que l’on soit détourné de rompre son vœu, non seulement par la crainte de Dieu, mais aussi par respect des hommes. » Ainsi « les deux éléments qu’on ajoute parfois » à la substance du vœu n’en sont qu’ « une certaine confirmation : à savoir la formule vocale, . Ps., lxv, 14, et le témoignage des autres », cf. Sent., t. IV, dist. XXXVIII : testificatio quædam promissionis spontaneæ. — « On peut d’ailleurs entendre ce témoignage du témoignage intérieur » de celui qui énonce à Dieu sa promesse : dans ce sens, « la testificatio se rapporte proprement à la définition du vœu », promesse formelle faite à Dieu.

Une promesse spontanée. — « La promesse elle-même procède du propos de faire (ce qu’on va promettre) : et ce propos exige préalablement une certaine délibération, étant acte de volonté délibérée. » Ces étapes, a-t-on remarqué, « sont requises en tout acte humain, en tout acte de religion. Pourquoi saint Thomas en signale-t-il plus spécialement l’exigence dans le cas du vœu ? C’est qu’il importe à un engagement comme celui-ci d’être le fait d’une raison prudente et d’une volonté bien décidée ». J. Mennessier, La religion, dans la Somme théol., édit. de la Revue des Jeunes, p. 373. N’est-ce pas aussi pour accueillir les mots propositum et deliberatio, traditionnels depuis des siècles dans le sens de « promesse spontanée », et pour ménager une place à la conception grecque d’oblation volontaire ? Car tous ces éléments sont de l’essence du vœu : « Ainsi, pour le vœu trois choses sont requises de toute nécessité : d’abord la délibération, puis le propos volontaire, enfin la promesse qui en est l’élément définitif. » On va voir la place de chacun d’eux dans les réponses aux objections.

Observations.

1. La délibération. —

La place de la délibération était fort grande dans la définition des sommistes : Conceptio boni propositi, animi deliberatione firmata, parce qu’ils donnaient au mot deliberatio le sens de décision ferme. Saint Thomas, qui le prend en son sens premier, fait observer que « la conception d’un bon propos n’est rendue ferme, du fait de la délibération mentale, que par la promesse qui fait suite à celle-ci ». Ad l um Si convaincu que l’on soit de l’excellence de l’œuvre à faire, l’on ne s’y oblige qu’en la promettant. La délibération nous fait voir tous ses avantages et opportunités et déjà, psychologiquement, notre volonté peut se trouver très fermement arrêtée dans son dessein de l’accomplir ; mais moralement elle n’est liée que par la promesse.

2. Le bon propos. —

Le nom même de vœu paraît venir de volonté » : on dit que quelqu’un agit selon ses vœux quand il fait ce qu’il veut. Or, l’acte de volonté, c’est le propos, tandis que la promesse est l’acte de raison < pratique qui énonce ce que l’on veut faire ». Réponse : C’est bien la volonté qui pousse la raison à promettre quelque chose parmi celles qui sont soumises à sa volonté. Voilà pourquoi le nom de vœu vient de « vouloir » : la volonté est le premier moteur du vœu. Ad 2um. « C’est parce que nous avons » le désir, « l’intention et le libre propos de nous obliger que nous prenons ce moyen qu’est la promesse. Celle-ci n’est donnée qu’en vertu de cette volonté que nous avons de nous lier. La volonté est donc bien la source de l’obligation que nous nous imposons..1. Menessier, op. cit., p. 374. De plus, la matière du vœu est à choisir circa ea <jua-voluntati subduntur. « Envisagé à ce point de vue. le vœu apparaît dans toute sa grandeur. Le domaine de l’homme commence en lui-même. Tout le reste n’est qu’une extension, pour ainsi dire, de cette maîtrise qu’il a de sa propre action. Or, c’est là ce dont le vœu, en promettant quelque action, va témoigner. C’est l’hommage à Dieu de ce qu’il y a de plus radical dans le domaine que nous exerçons… Voilà la valeur d’hommage du vœu : c’est l’offrande à Dieu de cette possession qu’il nous a donnée de nous même, de cette possibilité de faire ceci ou cela, d’user comme nous voulons des biens qu’il nous a remis. » op. cit., p. 472.

3. La promesse. —

Parmi tous les gestes d’offrande, c’est le vœu qui, par la promesse, exprime de la façon la plus efficace le don essentiel que la volonté fait d’elle-même à Dieu dans l’acte de « dévotion. Voici, en effet, toute la distance qui sépare le bon propos de la promesse : celui qui a le propos de bien faire garde du moins la maîtrise de se mettre à l’ouvrage quand il voudra, puisqu’il n’a pas encore offert sa liberté à Dieu, de qui seul elle dépend. Au fond, « celui qui se borne à former un bon propos ne fait rien encore. Mais, quand il promet, alors il commence à s’offrir pour agir, bien qu’il n’accomplisse pas encore ce qu’il promet : c’est comme celui qui met la main à la charrue : bien qu’il ne laboure point encore, il prête tout de même déjà la main au labour ». Ad 3um. Se exhibet ad faciendum : jam aliquid facit. Ce n’est pas rien que de promettre quelque chose à Dieu : Dieu voit les choses comme elles sont, et il voit une âme qui se met vraiment à l’œuvTe en la lui promettant ; lorsqu’on l’accomplira, il n’y aura que tradition ou livraison d’une chose déjà offerte et donnée en principe. Cf. S. Augustin, Enarr. in Psalmos, ps. lxxxiii. n. 4, P. L., t. xxxvi, col. Î058 ; InPs., lxxvi, col. 2<18.

4. Les manifestations extérieures. —

Bien qu’elles ne soient pas essentielles au vœu, parce que Dieu comprend le langage du cœur, ces manifestations sont un adjuvant pour l’âme, tout comme elles le sont pour la prière. Elles consistent, dit saint Thomas dans « la formule vocale et dans l’assistance des témoins ». Corp. < Purement intérieur, le vœu n’aura pas toujours les qualités de prudence, de réflexion, de netteté, qu’il aura bien plus souvent quand il devra se préciser dans quelque formule très nette ; et quand les circonstances extérieures, telles que les cérémonies sacrées, concourront à lui donner un caractère de gravité qu’il n’aurait pas au même degré s’il s’accomplissait au dedans de l’âme seulement. Extérieur, mais sans publicité, il n’aurait pas les garanties qu’il trouve dans les conseils et dans l’examen officiel d’un supérieur ; les garanties de fidélité qu’il trouve dans le contrôle d’une autorité ayant charge et qualité pour en exiger l’exécution ; les garanties de paix qu’il trouve dans l’interprétation désintéressée et sans scrupules d’un pouvoir doctrinal ou administratif légalement constitué. » J. Didiot, Vertu de religion, p. 324. L’expression et la publication de la promesse, qui est d’une importance secondaire, accidentelle, extrinsèque, « est cependant requise pour donner au vœu son caractère pleinement social, et parfois même nécessaire à son entière validité au point de vue canonique. Le Code canonique, can. 1308, distingue à ce sujet le vœu privé du vœu public qui est accepté au nom de l’Église par un supérieur ecclésiastique, comme la profession religieuse et le vœu de chasteté des sous-diacres. Can. 488, S 1. Ce que nous appelons vœu public, les premiers scolastiques le dénommaient vœu solennel, et uniformément l’opposaient au vœu