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VŒU. PÈRES LATINS

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loc. cit., exigée par le législateur, sous forme de serment devant témoins. Toutes choses ajoutées à l’évolution interne de l’eu/ ?) grec, qui normalement aurait dû amener tout autre chose qu’une promesse : une donation totale analogue à celle de nos vœux solennels. La forme de notre droit canon occidental, les basiliens ne l’avaient point et ne l’ont pas encore ; mais leur profession est un vœu au sens théologique, puisque l’offrande à Dieu englobe cette promesse ; au lieu d’être promissio melioris boni, on a oblatio melioris boni promissi ; c’est une visée différente, qui atteint in obliquo cette promesse que nous voyons in recto. Voir ci-après l’art. Vœux de religion. Il y aurait d’ailleurs toute une étude à faire pour montrer comment I’sù/tj des premiers Pères grecs, avec la sincérité de son offrande gracieuse, s’est harmonisée, sans se confondre tout à fait, avec les notions plus fermes de la promesse aux hommes et de la consécration à Dieu. Cf. S. Jean Damascène, Sacra parallela, qui range parmi les pactes les vœux stricts de Num., xxx, 3 ; Deut., xxiii, 21 ; Eccl., v, 5, mais maintien ! parmi les eù/oû les vola des ps. xlix, 14 ; cxv, 14 ; c’est qu’il reste une nuance entre « eùy ; aî et promissio », De fide orthod., t. IV, c. xv.

4. Leur influence.

Il ne faudrait pas croire d’ailleurs que cette note de don gracieux fût inconnue aux docteurs latins qui avaient eu quelque contact avec les Grecs : un auteur, qui a toujours le scrupule <lu mot propre, Victorinus Afer (voir plus haut), dit, tout comme saint Grégoire de Nysse, que « celui qui fait un vœu, jam ad référendum yratiam optât, ut Dcus impleat omne desiderium ». Dans les exhortations de saint Hilaire, de saint Ambroise, de saint Augustin, voire de saint Jérôme, les mots proposilum, volunlas, ou même promissio, ont-ils bien le sens de vœu, de ferme promesse, que la théologie latine leur a prêté ? Le contexte milite plutôt pour celui de bon plaisir, de bon propos, de promesses bienveillantes, analogues aux promesses de Dieu au peuple d’Israël, qui ne sont point des engagements. Cf. S. Jérôme, Adv. Jovin., t. II, c. xi ; Epist., lviii, n. 5 ; Ambrosiaster, In Rom., xv, 31, P. L., t. xviii, col. 177. On dira tout à l’heure comment, grâce à saint Augustin, l’harmonie s’est faite entre la conception biblique et l’idée grecque, pour établir notre doctrine catholique.

VII. Les Pères latins.

Avec ceux-ci, on entre, pour ainsi dire, dans un monde nouveau, celui de la stricte discipline religieuse.

Avant saint Augustin.

Pour les Pères africains, l’assimilation entre les deux s’est faite d’un coup, sans résistance : saint Cyprien moule les vœux de la Bible dans l’ancien jus sacrum. Quod quis Deo voverit cita reddendum, Testimonia, t. III, c. 30, P. L., t. iv, col. 752 ; De habilu virgin., c. 19, col. 471 ; Epist., iv, édit. Martel, p. 173. Saint Augustin nous étonne sous ce rapport : « Avant d’être voti reus, tu étais libre de rester médiocre ; mais tu as fait un vœu, et c’est la moindre des choses d’y rester fidèle.’Epist., cxxvii, ad Armentarium, P. L., t. xxxiii, col. 487. Pareillement saint Ambroise et l’auteur de la lettre De lapsu vîrginis, P. L.. t. xvi, col. 388. Mais l’seudo1 { ii fin a des réminiscences timides d’Origène : Commençons, voilà notre part ; Dieu suppléera à ce qui nous manque, supplebit quod suum est », In Psalm., i.xxv, n. 12. P. L., t. xxi. col. 958 ; mais il n’est pas sur qu’il n’.ait pas forcé la pensée alrxandrinc dans le sens de l’obligation. De même, sain ! Ililaire, qui a fait sa théologie en exil, emploie d’ordinaire le mot votum au srns des Grecs, cf. P. L., t. IX. col. 184, 204, 206, 760 ; il parle aussi du vœu -sacrifice par allusion peut-être au « grand vœu d’Origène, ou bien aux devoti de l’armée romaine : Les martyrs se sont voués à Dieu et se sont présentés en holocaustes. » In Psalm., lxv, n. 26, t. ix, col. 435. Pourtant les vœux ordinaires des chrétiens n’ont rien à prendre au paganisme ni à l’hérésie : ces vœux-là sont « des genres de superstitions, qui veulent recommander la perversité de la doctrine par la louable apparence d’un effort inutile pour un profit misérable. Otiosum propositum que les abstinences des philosophes ! Ce qu’il faut vouer à Dieu, c’est le mépris du corps, la garde de la chasteté, le support des jeûnes ». Quelle différence voit-il avec les vœux des philosophes ? C’est que les nôtres sont « entourés des garanties dignes de Dieu, et conformes aux prescriptions soigneuses de l’Église, méritant ainsi l’aide de l’Esprit-Saint ». In Psalm., lxiv, n. 1 et 3, t. ix, col. 414. L’Église des Gaules contrôlait donc les vœux privés ? On trouve, en Afrique, et on connaît, à Rome et en Italie, des sanctuaires élevés ou dédiés ex voto avec le consentement des évêques. P. Monceaux, Histoire littér. de l’Afrique chrétienne, t. iv, p. 300 sq. ; Liber pontif., passim. Mais qui surveillait les jeûnes de dévotion ? et ces pielatis officia, qui n’étaient point encore des commandemants de l’Église, et semblent avoir d’abord été voués par bien des fidèles qui n’étaient pas tous des religieux ? Cf. S. Léon, Sermones de jejunio VU et X mensis, de Quadragesima, serm. iv. « La tradition et la coutume établie et connue », dit le pape du ve siècle, mais sans doute de façons assez diverses suivant les Églises. Voir aussi Prosper d’Aquitaine, In Psalm., cxv, 18, P. L., t. li, col. 332. Saint Jérôme est plutôt réservé pour conseiller les vœux aux chrétiens ordinaires : Moli festinare ad proferendum verbum in conspectu Dei. Dans ce mot de l’Ecclésiaste, v, 1, la plupart des interprètes voient une recommandation de ne rien promettre devant Dieu à la légère, et de ne pas faire de vœux sans tenir compte de ses forces. Il vaut mieux laisser la chose longtemps en suspens, d’autant qu’il y a pour tout chrétien un précepte urgent, celui de mettre sa foi en pratique d’un bout à l’autre. » In Eccl., v, 1-2, P. L., t. xxiii, col. 1052.

D’un mot, le vœu, pour des esprits habitués au droit romain, apparaissait comme une promesse faite à Dieu, en des formes juridiques un peu sèches, où les obligations venaient au premier plan et, tout de suite après, les sanctions divines et ecclésiastiques. « Si un contrat entre hommes de bonne foi ne peut, selon la coutume, être rompu pour aucun motif, combien plus cette promesse — pollicilalio — qu’on a contractée avec Dieu ne peut-elle être violée impunément I Innocent I 8r, décrétale III ad Victricium. Cependant le même pape ne voit aucune différence appréciable entre sa doctrine et celle des Grecs, du moins avec celle de saint Basile, puisque, dans le même document, il a une réminiscence de saint Basile, qu’il a trouvée peut-être dans la lettre toute récente de saint Augustin à Armentarius : il dit en effet que « les vierges qui n’ont pas reçu encore le voile », mais qui ont fait un vœu privé, leur promesse, sponsio, est entre les mains du Seigneur », loc. cit.

Saint Augustin.

La dissonnance entre Grecs et latins a sans doute été plus aperçue par saint Augustin quand il prit enfin connaissance du livre de ( iré goire de N’vsse sur l’oraison dominicale (son propre commentaire des Psaumes lxv et lxxv ne fait que développer les deux exemples apportés par le philoso phe cappadocien). Que va-t-il faire ? Il le corrige, en précisant que le bon office du Vœu » ne met pas l’homme sur le même pied que Dieu ; complétant heureusement cette Idée, chère à Chrysostome, que le Vœu fait de Dieu notre débiteur. Augustin rappelle que nous ne faisons que lui rendre ce qu’il nous a

« Dieu redemande à l’homme ion Image dépo