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    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. EN OCCIDENT

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mais qui possèdent chacune toute la substance divine. Il ne faut donc pas dire que la substance divine est de trois hypostases, mais en trois hypostases. Ces hypostases sont réellement distinctes, si bien que la comparaison classique du feu qui produit la lumière est inexacte : la lumière, simple propriété du feu, n’a pas de subsistence propre. De fide orthod., i, 8, P. G., t. xciv, col. 816.

Les personnes en Dieu sont des modes de subsister de la substance divine : le Damascène reprend l’expression Tpàrcoi rîjç ÛTiâpÇecùç, que les Cappadociens avaient introduite dans le vocabulaire théologique, et il explique que ces modes expriment les relations entre elles des personnes qu’ils constituent. Ibid., i, 10, col. 837. Ces modes sont 7taTpôxr ( ç, o£6tt)ç et bmàpeuaiç ; ou bien àyevvYjoîa, YÉvvïjctç et èy.Tt6pzuoiç. Inutile d’ailleurs de chercher à en savoir davantage. Nous savons que le Saint-Esprit n’est pas le Fils, parce que le Fils est engendré, tandis que le Saint-Esprit procède : en quoi consistent au juste la génération et la procession ; il est impossible de le dire.

Si réelle que soit en Dieu la distinction des personnes et si complètes aussi que soient ces personnes, elles n’ont cependant qu’une seule et même substance. Il y a, explique Jean, une grande différence entre la considération d’une chose dans sa réalité et la considération de cette même chose dans son analyse rationnelle. Or, parmi les créatures, les hypostases sont réellement séparées et nous apparaissent telles lorsque nous considérons les réalités en elles-mêmes. On peut les compter. Quant à leur unité de nature spécifique, elle est le terme d’un concept rationnel. Mais, lorsqu’il s’agit de la Trinité, c’est tout le contraire. L’unité, voilà la réalité considérée en elle-même. La distinction ne s’opère que par la pensée : « En tout, le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont un, sauf l’innascibilité, la filiation et la procession ; mais ces caractéristiques ne se distinguent de la nature que par la raison. Nous confessons un Dieu unique, mais nous distinguons les propriétés individuelles de paternité, de filiation et de procession. Nous concevons une différence en tant que le principe s’oppose au terme et en tant que la personnalité parfaite correspond à un certain état d’être. » De fide orthod., i, 8, col. 828.

Ce texte n’est pas sans soulever des difficultés et l’on s’est demandé parfois s’il ne rendait pas un son sabellien. Il semble pourtant que l’on doive interpréter, dans le sens de la distinction réelle des personnes, la pensée du Damascène. Ce théologien en effet a soin de nous prévenir que les choses ne sont pas à interpréter de la même manière lorsqu’il s’agit de Dieu et des créatures. Les créatures sont des hypostases réelles, séparées de toutes les autres hypostases, bien que, par un effort de la pensée, il reste possible d’atteindre la nature abstraite. En Dieu au contraire, chaque hypostase est la substance divine toute nue. La visée qui tombe sur une hypostase divine atteint du même coup la nature divine. Aucune abstraction possible, aucune distinction, même logique, entre l’hypostase et la nature. Une hypostase divine doit être conçue immédiatement comme Dieu tout entier, comme le Dieu unique, subsistant par la subsistence même de cette hypostase. Cf. Th. de Régnon, Éludes de théologie positive…, 1. 1, p. 385 sq.

De l’unité de substance découle naturellement l’unité d’attributs et d’opération. Toutes les trois personnes divines ont la même bonté, la même puissance, la même volonté, la même opération, la même justice : il n’y a qu’une seule ousie et non pas trois qui seraient semblables l’une à l’autre. Seul, sans doute, le Père est àyéwirjToç, tandis que le Fils est yevvir^ç ; mais les trois personnes sont également éternelles et incréées.

La circumincession, Kzpvyj&çtTpi.c, , est également une conséquence de l’unité de substance : « Ces hypostases, écrit le Damascène, sont l’une dans l’autre, non pour se confondre, mais pour se contenir mutuellement, suivant cette parole du Seigneur : « Je suis dans le Père « et le Père est en moi…. Nous ne disons pas trois Dieux, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Au contraire, nous disons un seul Dieu, la Sainte Trinité, le Fils et l’Esprit se rapportant à un seul principe, sans composition ni confusion, contrairement à l’hérésie de Sabellius. Car ces personnes sont unies, comme nous l’avons dit, non pour se confondre, mais pour se contenir l’une l’autre ; et il existe entre elles une circumincession sans aucun mélange ni confusion, en vertu de laquelle elles ne sont ni séparées ni divisées en substance, contrairement à l’hérésie d’Arius. En effet, pour tout dire en un mot, la divinité est indivise dans les individus, de même que, dans trois soleils contenus l’un dans l’autre, il y aurait une seule lumière par compénétration intime. » De fide orthod., i, 8, col. 829.

Somme toute, la doctrine trinitaire de saint Jean Damascène se contente de reproduire, en le synthétisant, l’enseignement des Pères antérieurs. Il ne faut pas y chercher de vues originales. Les formules employées sont seulement plus précises, plus définitives. On sent une pensée sûre d’elle-même qui, n’ayant plus à combattre contre des hérétiques actuels, peut se dégager des contingences de la controverse et exprimer dans la paix la foi traditionnelle.

II. en occident. —

Tandis que les Orientaux s’agitent et se divisent en face des problèmes soulevés par les controverses nestorienne et monophysite, l’Église d’Occident doit s’organiser en face des Barbares qui ont achevé la ruine de l’empire romain : c’est assez dire que la fin de l’âge patristique ne se prête guère en Italie, en Gaule, en Espagne, en Afrique, à des recherchez nouvelles sur le dogme trinitaire.

Les Africains. —

En Afrique cependant, les ariens qui sont devenus les maîtres du pays se montrent particulièrement agressifs. Pendant plus d’un siècle, ils persécutent les catholiques. Ceux-ci essaient de se défendre de leur mieux. Saint Fulgence de Ruspe écrit plusieurs ouvrages contre les ariens ; Vigile de Thapse compose de nombreux livres sur la Trinité ; bien qu’il soit difficile de démêler ce qu’il y a d’authentique et d’apocryphe dans les écrits qui portent son nom, P. L., t. lxii, on peut connaître à peu près sa doctrine. De Céréalis de Castellum, nous possédons un court traité contre l’arien Maximin. P. L., t. lviii, col. 769-771. Toute cette littérature africaine n’a rien d’original. Elle se contente de reproduire ou de commenter les formules de saint Augustin. Céréalis accumule les textes scripturaires qui démontrent la doctrine catholique. Les traités mis sous le nom de Vigile de Thapse répondent aux difficultés ariennes.

Le nom le plus brillant, le plus connu est celui de saint Fulgence de Ruspe. On doit à saint Fulgence un livre Contre les ariens, renfermant dix objections avec dix réponses appropriées ; trois livres à Thrasamond, roi des Vandales, un Convnonitorium sur l’Esprit-Saint ; un De Trinitate adressé au notaire Félix ; d’autres ouvrages encore qui relèvent de la controverse. P. L., t. lxv. Dans tous ces livres, saint Fulgence s’applique surtout à prouver que le Fils est Dieu comme le Père, qu’il a été engendre et non créé, qu’il est consubstantiel au Père, tout-puissant, éternel, immense, égal à lui en toutes choses ; que le Saint-Esprit lui aussi est Dieu, comme le Père et le Fils, qu’il possède avec eux et comme eux la toute-puissance, l’éternité, l’immensité. Ad Thras., u ; De Trinitate ad Felicem, 2, P. L., t. lxv, col. 296, 497.

Il enseigne que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, De Trin., 2, col. 499 ; et il explique les missions