Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/829

Cette page n’a pas encore été corrigée

3187

VŒU. ÉCRITURE SAINTE

3188

nitas, se trouvaient encombrés d’ex-voto, lames de métal ou objets de prix, donaria.

IV. Dans l’Ancien Testament.

Si l’intervention de l’homme est importante dans les religions grecque et romaine, c’est l’idée de consécration à Dieu qui domine la notion de vœu dans la Bible et qui porte le législateur à le réglementer en détail.

C’est vrai du vœu de Jacob, Gen., xxviii, 20 sq. : il y a promesse d’un service religieux ; mais la consécration a lieu tout de suite, qui fait de Béthel un lieu sacré et de la pierre « un mémorial » de cette consécration, t. 18 ; l’autel, la « maison de Dieu » et les dîmes promises viendront ensuite. Gen., xxxv, 15. Quant à la consécration des « premiers-nés en Israël », elle est déjà faite, car « ils sont tous à moi », Ex., xiii, 2, en sorte qu’ils ne peuvent plus être objets de vœu. Lev., xxvii, 26.

C’est vrai encore du « vœu d’anathème », lequel ne peut se racheter, Lev., xxvii, 28-29, qu’il s’agisse de peuples ennemis, khêrém ou horma, Num., xxi, 2, Deut., ii, 34 ; iii, 6, de criminels, Ex., xxii, 20, ou de victimes désignées, Jud., xi, 30, « ce sera au Seigneur et je l’offrirai en holocauste », ꝟ. 31, ce qui rappelle les » dévoués » aux dieux infernaux de l’histoire romaine.

Mais l’idée de consécration n’apparaît pas moins dans les vœux privés d’Israël qui portent sur une personne, Lev., xxvii, 1-8, un animal, ꝟ. 0-13, une maison, ꝟ. 14-15, ou un champ, ꝟ. 16-25 : s’il y a une promesse, « si l’homme sépare un vœu, les âmes seront à Jahvé d’après ton estimation », loc. cit., ꝟ. 2, c’est-à-dire que les personnes vouées seront séparées de l’usage ordinaire, elles seront à Dieu, de manière cependant qu’elles pourront être rachetées d’après un tarif fixé par le législateur ; le rachat des personnes était donc sans doute le cas ordinaire, mais ce rachat même supposait l’appartenance à Dieu. « Quant à l’animal qui peut être immolé à Jahvé, si quelqu’un le voue, il sera saint, qodèS », ꝟ. 9 ; de même le champ voué et non racheté sera « une possession consacrée », qui reviendra de droit aux prêtres, ꝟ. 21. Les dîmes, qui sont, elles, vouées d’office, sont aussi consacrées au Seigneur, t. 30. S’il n’y a pas promesse, mais offrande spontanée, destinée au tabernacle. Ex., xxxvi, 3, ou au Temple, II Parai., xxix, 9, oblationes sponlaneæ, Num., xxix, 39, c’est leur destination même qui fait de ces offrandes des choses consacrées et les fait appeler par anticipation des vota, comme la liturgie appelle vota les offrandes des fidèles à la messe.

C’est encore l’idée du « sacré » qui inspire la réglementation des vœux privés. Les victimes offertes par vœu doivent être sans défaut, Lev., xxii, 18-20 ; les victimes qui en auraient peuvent être offertes spontanément, mais non point servir à l’acquittement d’un vœu, t. 23. La plupart des vœux des Juifs se soldaient ainsi par un sacrifice ; et l’on se souvenait d’un temps où tout sacrifice était l’affaire exclusive du chef de famille ; les autres vœux d’ailleurs s’exprimaient probablement chez eux par des prestations matérielles et avaient par le fait même un retentissement social : c’est, croyons-nous, ce caractère social et liturgique du moindre vœu privé, beaucoup plus que la considération juridique du pouvoir du pater familias, qui amena le Code sacerdotal à mettre sous la dépendance du père de famille les vœux de la femme et des enfants mineurs. Num., xxx, 4-16, Millier si quippiam voverit et se consirinxerit juramento, ꝟ. 4 : il n’est pas question du serment dans le texte hébreu ; les Juifs, en effet, ont toujours fait une grande distinction entre le vœu et le serment : le vœu oblige toujours, ma^s non pas le serment, parce que le serment ne change rien à la nature de la chose, qui est appréciée par la Loi, tandis que le vœu en fait une chose réservée à Dieu : on verra plus loin les conséquences étranges que les Juifs en tirèrent. Ici, il y a une distinction entre le vœu positif de donner ou de faire quelque chose, si quippiam voverit, et le vœu négatif de s’abstenir, qui se consirinxerit, d’une chose permise par la Loi. « Le jeûne et l’abstinence alimentaire » étaient pratiquement les seules mortifications dont une femme juive pût « affliger son âme », ꝟ. 14, puisque la continence était hors de question ; en tous cas, les rabbins enseignaient que le mari n’avait droit de regard que sur ces deux espèces de vœux négatifs de sa femme : c’est la doctrine chrétienne sur la continence et la mortification qui a obligé les Pères de l’Église et spécialement saint Augustin, Qusestiones in Heptat., t. IV, q. lvi, P. L., t. xxxiv, col. 744-745, Raban Maur, Nicolas de Lyre et Cajétan, à interpréter plus largement notre texte.

Un autre vœu négatif demandait à être réglé officiellement, c’était le grand vœu de nazirat, Num., vi, non pas qu’il constituât une caste, comme celle des prêtres, ou un état de vie séparé, comme le font nos vœux de religion, mais parce que le régime qu’il imposait, l’interdit religieux qu’il mettait sur tant de choses permises, était une manière de consécration de la personne. Encore que ce fût une loi personnelle qui n’obligeait que ceux qui le voulaient faire, ce vœu, qui ne faisait qu’affirmer le droit primitif de Dieu, pouvait être prononcé par les parents d’un enfant, I Reg., i, 28. « Tous les jours de sa séparation, il sera saint au Seigneur » : la mise en garde contre les contacts impurs, même involontaires, et les sacrifices tarifés qui marquaient la fin du vœu de nazirat, donnent la mesure de cette sainteté tout extérieure et rituelle.

Les autres vœux des Juifs, qui étaient d’ailleurs de même ordre, étaient laissés à la volonté des fidèles. Lev., xxii, 22-23. À entendre les psalmistes répéter si souvent : Vovete et reddite, Ps., lxv, 13 ; cf. ps. lv, lx, lxiv, à lire les Prophètes, Joël, ii, 15 ; Amos, iv, 5 ; Jon., ii 10 ; Is., xix, 21, etc., il semble qu’une bonne part de la religion extérieure des Juifs ait consisté à faire des vœux et à s’en acquitter tant bien que mal… Conscients de ces abus et des occasions de pécher qu’ils entraînaient, les sapientiaux conseillent la discrétion. Eccl., v, 3 ; Prov., xx, 25 ; Sap., xiii, 17. L’Ecclésiastique met en garde contre les vœux pervers, faits dans une intention mauvaise, xxxv, 14.

V. Dans le Nouveau Testament.

Le silence des évangiles à l’égard des vœux courants vient sans doute du peu de valeur religieuse qu’ils avaient conservé au temps de Notre-Seigneur. Quand Jésus en parle, en effet, c’est pour en signaler les abus les plus flagrants. Ainsi, lorsqu’un père ou une mère sollicitait d’un fils un secours quelconque, pour couper court à toute insistance, le fils vouait au Seigneur ce dont son père avait besoin ; consécration fictive, mais irrévocable : il n’en perdait pas l’usage, mais il ne pouvait s’en dessaisir sans sacrilège pour un autre que pour Dieu. Corban, quod est donum, quodcumque ex me, tibi profuerit ! Marc, vii, 11. Jésus ne reproche pas aux Pharisiens de nier le caractère sacré du vœu ni son utilité, mais d’en faire un mauvais usage. Il n’impute point aux docteurs contemporains d’avoir inventé et prôné ce subterfuge, il dit au contraire qu’ils s’autorisaient « d’une tradition ». Cette tradition, c’est que le vœu étant chose sacrée et rituelle obligeait sous peine de sacrilège et devait l’emporter sur une obligation plus généralement prescrite dans la Loi ; or la Loi disait bien en général d’honorer ses parents, elle ne prescrivait pas de leur céder telle ou telle chose. Cf. Origène et S. Jérôme, In Matth., xv, 6. Ce n’est là qu’un exemple des abus auxquels le