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    1. VOCATION##


VOCATION. LA CULTURE DES VOCATIONS

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Une telle intimation de l’appel divin correspond au deuxième mode d’élection dans les Exercices de saint Ignace. Elle serait suffisante en soi, car un pareil désir ou vouloir, sans cause mentale antécédente, est nécessairement l’œuvre directe de Dieu dans l’âme : ni notre propre esprit, ni les anges, ni les démons, ne peuvent susciter en nous une prière ou un vouloir sans passer par le mécanisme de nos facultés et sans utiliser images et impressions antécédentes. Mais comme bien peu de sujets pourraient opérer un pareil discernement, comme d’ailleurs, passé le moment de son apparition, ce qui fut alors une évidence n’est plus qu’un souvenir, on devra, dans la pratique, contrôler cette espèce d’illumination ou d’inspiration par une élection rationnelle.

2. Dans la plupart des cas, la vocation se dessine dans l’âme comme le choix des carrières humaines, sauf que les motifs en sont d’ordre surnaturel : amour de Dieu, sanctification personnelle, salut des âmes, extension du règne de Dieu, triomphe de l’Église, etc. Ce peut n’être, au début, qu’une lueur d’idée, une velléité superficielle, surgie dans une prière, dans une communion, à la suite d’une lecture, à la réflexion sur un sermon entendu, etc. : « si je me faisais prêtre, religieux ?… je devrais me faire prêtre, religieux ; … fais-toi prêtre… » Quelquefois l’idée s’implante, tenace, obsédante, devient une préoccupation continuelle. D’autres fois, elle s’oublie vite, mais revient par intermittences. Tôt ou tard, elle finit par demander une audience en règle et alors le phénomène se complique. D’un côté, on voit que ce serait bien, que ce serait beau, que ce serait doux : voix de la grâce. De l’autre, on sent que ce serait dur, qu’il faudrait renoncer à un avenir séduisant, s’astreindre à une discipline au-dessus de la nature : voix de toutes les concupiscences. Et voilà le conflit installé dans l’âme. Il peut durer longtemps.

C’est surtout pendant ce conflit que le père spirituel doit être attentif à son devoir. Prière, conseils, encouragements : tout pour éclairer, soutenir, guider ; mais toujours avec discrétion, tact, réserve. Préparer les voies au Saint-Esprit, ne pas se substituer à lui. Ne pas devancer le jour des décisions officielles ; et quand ce jour sera venu, attendre que le candidat se décide lui-même en toute liberté, ne pas décider pour lui.

3. Bien des fois, le sujet n’a senti l’appel, ou n’en parle au prêtre, que dans la retraite d’élection. La direction alors se trouve prise de court. On remédiera à l’inconvénient, dans la mesure du possible, par un examen plus approfondi du cas. Mais il sera prudent, en général, de ne faire qu’une élection provisoire, renvoyant la décision définitive à la retraite suivante. D’ici là, le père spirituel refera à loisir ce qu’il n’a pu qu’ébaucher en deux ou trois jours.

4. Quel est le rôle de l’attrait dans cette psychologie de la vocation ? D’abord distinguons bien l’attrait naturel et l’attrait surnaturel.

L’attrait naturel, tout semblable à celui que l’on pourrait avoir pour une carrière humaine, serait, par exemple chez un tempérament d’orateur ou de lettré, le plaisir entrevu de bien manier la parole, de faire vibrer une foule ou d’étudier les chefs-d’œuvre de l’éloquence ; chez un tempérament d’esthète, la jouissance des belles cérémonies religieuses au sein de leur cadre architectural et de leur décor hiératique. Un tel attrait n’est pas à dédaigner ; mais il est en marge de la vocation. Il n’y a pas lieu de s’y arrêter beaucoup.

L’attrait surnaturel a un bien autre objet : il tend au divin en tant que divin et pas seulement en tant qu’artistique ; ce qui attire dans la prédication, c’est la vérité céleste et non l’éloquence du prédicateur ; ce qui délecte dans une cérémonie religieuse, c’est le culte rendu à Dieu et non la beauté du décor. Cet attrait consistera par exemple dans la joie espérée d’oflrir le saint sacrifice, , de réconcilier les pécheurs avec Dieu, de consoler les détresses morales, d’ouvrir lé ciel aux âmes au moment de quitter cette vie. Un tel attrait a pour origine la grâce et pour siège la volonté. Quand il est constant, c’est-à-dire habituel, il constitue l’un des meilleurs signes de vocation. Et s’il se rencontre avec certaines répugnances naturelles, comme serait celle de quitter le monde, d’avoir à vivre de la charité des fidèles, il aidera puissamment à surmonter ces obstacles.

Cet attrait n’est pas indispensable, du moins en tant que senti, c’est-à-dire en tant qu’attraction consciente. Il y a des âmes qui estiment et veulent très réellement tout cela sans en éprouver l’attirance délectable. L’attrait est suppléé chez elles par la foi pure et une volonté de sacrifice. Leur mérite n’en est d’ordinaire que plus grand. Cependant, c’est un fait d’expérience : Dieu, dont la sagesse dispose toutes choses avec force et suavité, refuse rarement tout attrait aux élus de son choix, soit qu’il les appelle aux fonctions sacerdotales, soit qu’il les invite à la profession religieuse.

5. Notons enfin que la vocation, si vraie soit-elle. n’est pas nécessairement invincible à la tentation. Aussi ne faut-il pas l’y exposer témérairement. Il convient de l’éprouver certes, mais pas en l’exposant au péché. Voilà un jeune homme qui déclare à ses parents vouloir se faire prêtre ou religieux. Opposition des parents. Puis, sous prétexte d’éprouver la vocation de leur fils en lui faisant connaître le monde, ils le jettent dans les réunions licencieuses, dans les spectacles scandaleux, dans les lectures immorales, dans les compagnies tentatrices. Que dire de pareilles pratiques ? Cela même qu’en a dit le Christ lorsque le démon lui suggérait de se jeter en bas du temple sous prétexte que les anges ne permettraient pas qu’il se heurtât à une pierre : « Il est écrit : Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu. > Matth., iv, 7. Tenter Dieu, c’est exiger de lui des miracles injustifiés. Or, ne serait-ce pas exiger de lui un tel miracle que d’exposer une vocation aux plus mauvaises influences et de prétendre qu’il la préserve de toute faiblesse ? Aussi bien de tels parents sont-ils profondément déçus quand le miracle arrive. Mais, en vérité, leur désir n’était pas d’éprouver la vocation.

Comment décider la vocation.

De quelque

manière que la vocation se soit manifestée dans l’âme, que ce soit par une évolution lente ou par une apparition brusque, il y a toujours avantage à ne la reconnaître définitivement qu’après un mûr examen et dans une retraite d’élection. On a vu plus haut comment saint Ignac », dans ses Exercices, conduit cette opération délicate : par quelle série d’actes préparatoires il y achemine le dirigé, quel rôle à la fois tutélaire et réservé il assigne au directeur. Il y a d’ailleurs d’autres méthodes que celle de saint Ignace. Et toutes celles qui ont été inspirées par l’Esprit de Dieu peuvent faire trouver la volonté de Dieu. Mais on conviendra sans doute de ceci : lorsqu’une âme, affranchie de ses mauvaises tendances par la pénitence, unie à Dieu par la prière, disposée au sacrifice par les exemples de Jésus, les yeux fixés sur sa fin dernière et cherchant en toute sincérité la pure volonté de son Créateur, toutes choses qui sont la trame d’une retraite ; lorsqu’une telle âme, librement et généreusement, a dit oui à ce qui lui a semblé être l’appel divin, elle ne saurait avoir une meilleure garantie d’avoir trouvé sa vocation. C’est en pleine lumière de foi et en pleine force de grâce qu’elle a