Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/821

Cette page n’a pas encore été corrigée
3171
3172
VOCATION. PRECISIONS RECENTES


du Saint-Esprit C’était substituer universellement l’inspiration mystique à la délibération chrétienne.

Sous l’influence enfin des idées rigoristes, on considérait comme voué à une réprobation à peu près inévitable et quasi fatale soit le lâche qui s’était dérobé à sa vocation, soit l’intrus qui s’était ingéré dans le sacerdoce ou la vie religieuse sans vocation. La raison alléguée était qu’en dehors de la situation préparée à chacun par Dieu on était en butte aux tentations les plus redoutables sans pouvoir espérer les grâces nécessaires pour les surmonter.

De ces tendances, plus ou moins sensibles chez plusieurs théologiens et auteurs spirituels de l’époque, on peut voir l’assemblage systématique dans Massillon. Il en a fait l’âme de ses trois discours sur la vocation à l’étal ecclésiastique.


IV. Précisions et directions récentes du magistère sur la vocation.

La décision cardinalice de 1912. —

Au xix c siècle, c’est la doctrine sulpicienne, caractérisée par un usage modéré de l’attrait, qui semble avoir été prédominante, au moins dans la pratique.

Mais, en 1909, parut un livre du chanoine Lahitton, qui était une vive attaque contre la doctrine de la vocation sacerdotale issue, disait-il, des idées prédestinatiennes, quiétistes et rigoristes. Une controverse s’en étant suivie, l’ouvrage, d’ailleurs remanié, fut soumis au Saint-Siège. Pie X nomma une commission de cardinaux pour l’examiner. Et le 26 juin 1912 il approuvait la décision de ladite commission louant le livre en ce qu’il établissait les trois points suivants : 1. On n’a jamais droit à l’ordination avant d’avoir été librement élu par l’évêque, antecedenler ad liberam eleclionem episcopi. — 2. La condition nécessaire à cette élection par l’évêque, condition qu’on appelle la vocation sacerdotale, quæ vocatio sacerdotalis appellatur, ne consiste pas nécessairement et ordinairement en une certaine aspiration intérieure du sujet ou en des invites de l’Esprit-Saint à recevoir le sacerdoce, in interna quadam adspiratione subjecti seu invitamentis Spiritus Sancti ad sacerdolium ineundum. — 3. Pour être régulièrement appelé par l’évêque, il suffit d’avoir l’intention droite avec l’idonéité, c’est-à-dire avec des qualités naturelles et surnaturelles qui permettent d’espérer un prêtre fidèle à ses devoirs, nihil plus in ordinando requiri quam reclam intentionem semel cum idoneilate. Acta ap. Sed., 15 juillet 1912, p. 485.

Le 1 effet le 3e point de cette décision n’étonnèrent personne. Mais le 2e dérouta certains esprits. Comme le livre avait très fortement combattu les illusions possibles de l’attrait et attaqué la vocation intérieure en tant que révélatrice de la prédestination au sacerdoce, on crut que l’attrait était condamné et que la vocation intérieure était niée. L’attrait, pensait-on, devait être écarté comme une source d’illuminisme. Et la vocation intérieure n’était qu’un mot — quæ vocatio appellatur — dont un abus de langage avait revêtu l’idonéité et l’intention droite. Il ne restait de réel, en fait de vocation divine, que l’appel de l’évêque.

Une série de documents pontificaux, émanés de Benoît XV et de Pie XI, permettent aujourd’hui de mieux comprendre la décision cardinalice de 1912. Nous allons les analyser brièvement.

Les documents de Benoît XV et de Pie XL

1. En 1919 (30 novembre), Benoît XV, dans sa lettre apostolique Maximum illud sur la propagation de la foi, recommande très spécialement aux évêques la formation des élèves du sanctuaire qui révèlent en eux des « semences d’apostolat ». Vosque rem facturi estis vestro religionis amore in primis dignam si, et in clero et in seminario diœcesano, apostolatus semina

quæ quis forte sibi inesse oslenderil, studio joveatis. Acta ap. Sedis, l r déc. 1919, p. 452. Que sont ces semences d’apostolat ? Sans doute un commencement d’idonéité et d’intention droite. Mais le document pontifical va plus loin : il voit déjà dans ces « semences » un appel de Dieu aux missions lointaines. Il ajoute, en effet : Dum alumni sacrorum, quos Dominus advocet, ad apostolicas expediliones rite instituentur, omnibus eos in omnibus disciplinis erudiri oporlebit. Ibid., p. 448.

La vocation intérieure n’est donc peut-être pas un titre purement nominal donné par l’usage à l’intention droite, mais un premier appel de Dieu à l’enfant, appel bien antérieur à celui de l’évêque.

2. Pie XI est plus explicite. Dans sa lettre apostolique O/Jiciorum omnium du 1 er août 1922, sur les séminaires, après avoir rappelé la parole de Jésus : Rogale ergo Dominum messis ut miltat operarios in messem suam, il y rattache le canon 1353 du Code sur la recherche et la culture des vocations. « Que les prêtres, surtout les curés, dit-il, aient soin des enfants qui présenteraient des signes de vocation ecclésiastique ; qu’ils les préservent de la contagion du monde, les forment à la piété, les initient à l’étude des lettres et favorisent en eux le germe de la vocation divine, divinœque in eis vocationis germen foveant. » Acta ap. Sed., 7 août 1922, p. 451. Par contre, il veut qu’on écarte des séminaires les enfants ou les adolescents dont la volonté ne présenterait aucune inclination pour le sacerdoce. In eis (seminariis) locus esse non débet pueris vel adolescentulis qui nullam ad sacerdotium præ feront propensionem voluntatis. (Ibid.)

Ce « germe de vocation » est sans doute la même chose que les « semences d’apostolat » chez les élèves du sanctuaire que le Seigneur appelle déjà aux expéditions apostoliques. Mais cette « propension de la volonté » vers le sacerdoce, n’est-ce pas l’attrait au sens le plus pur du mot : attrait qui ne saurait guère être suppléé, chez des enfants si jeunes, par un acte de froide raison, et sans lequel il n’y aurait en eux rien d’un vrai désir du sacerdoce ?

3. Plus significatif encore le texte suivant, extrait de l’encyclique de Pie XI Rerum Ecclesiæ sur les missions, en date du 28 février 1926. À propos de la nécessité de créer un clergé indigène le pape disait : « Nul n’ignore que, si parmi les adolescents il n’y en a pas moins d’appelés aujourd’hui qu’autrefois à la vie sacerdotale ou religieuse, cependant un bien moindre nombre obéissent à l’impulsion du souffle divin : Si haud minor in præsenti rerum conditione adulescentium numerus quam antea vocatur, lamen divini afflatus permotioni numerum parère longe minorem. Et le pape ajoutait : « Nous voulons et nous ordonnons que parmi les indigènes de réelle espérance aucun ne soit écarté du sacerdoce et de l’apostolat s’il est inspiré et appelé de Dieu : nullus bonæ spei quem a sacerdolio et aposlolatu, utique a Deo instinctum vocatumque arceatis. » Acta ap. Sed., 1° mars 1926, p. 76.

Ainsi il y eut toujours un grand nombre d’adolescents « appelés à la vie sacerdotale ou religieuse. Et cet appel est une motion du souffle divin : malheureusement tous n’y obéissent pas… Mais il ne faut refuser l’accès du sacerdoce et de l’apostolat à aucun de ces inspirés et appelés de Dieu ». Il s’agit évidemment là d’une profonde réalité et non d’une vaine fiction théologique. Or, ce n’est pas l’appel épiscopal ou vocation extérieure, qui est encore si lointaine et ne viendra peut-être jamais. Qu’est-ce donc si ce n’est la vocation intérieure, telle que nous l’avons vue tant de fois décrite avant la décision cardinalice de 1912 ?