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    1. TRINITE##


TRINITE. EN ORIENT

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La controverse dure peu ; mais elle mérite d’être signalée.

En Occident, le problème de la grâce suffit à retenir les esprits. D’ailleurs le moment ne tarde pas à venir où toutes les discussions théologiques sont rendues impossibles. L’établissement des royaumes barbares, avec les désordres prolongés et les ruines dont les invasions sont la cause, empêche les évêques de s’intéresser à autre chose qu’à leur besogne courante. Avant de chercher à approfondir les mystères, il faut changer les mœurs et convertir les incroyants. Sans doute, puisque les Barbares sont en grande majorité ariens, la lutte contre l’arianisme se poursuit assez longtemps ; et ici ou là, en Afrique surtout, l’orthodoxie trinitaire trouve encore quelques interprètes aussi éloquents et renseignés que saint Fulgence de Ruspe. Mais presque toujours on se contente de faire écho aux théories développées par saint Augustin, sans apporter d’éléments nouveaux. C’est au plus s’il y a lieu de souligner les efforts de Boèce pour donner une définition technique de la personne et de mettre en relief l’importance du symbole dit de saint Athanase, qui, vers la fin de l’âge patristique, résume, en des formules d’une singulière précision, toutes les conquêtes théologiques du passé.

I. EN ORIENT. —'

Saint Cyrille d’Alexandrie. —

A saint Cyrille d’Alexandrie appartiennent deux ouvrages importants sur la Trinité : le Thésaurus de sancta et consubstantiali Trinitate qui est la mise en œuvre des résultats acquis par les discussions du rve siècle et le De sancta et consubstantiali Trinitate en sept dialogues qui insistent sur l’aspect positif des discussions. Ces deux écrits constituent en quelque sorte le testament de la pensée patristique sur la Trinité. Leur importance tient surtout à la doctrine qu’ils exposent sur la procession du Saint-Esprit. Saint Cyrille ne dit nulle part que l’Esprit procède du Fils ; mais il n’hésite pas à déclarer qu’il est l’Esprit propre du Fils ; que le Fils possède comme chose propre le Saint-Esprit qui est de lui et substantiellement en lui ; que l’Esprit est de la substance du Père et du Fils ; qu’il est essentiellement de l’un et de l’autre, c’est-à-dire du Père par le Fils. Cf. De adorât, in spiritu et verit., i, P. G., t. lxviii, col. 133 sq. ; Thésaurus, 34, t. lxxv, col. 573 sq. ; De sancta Trinit., dial. vi, ibid., col. 1001 sq. Il compare les relations du Fils et de l’Esprit à celles de la fleur et du parfum : « Jésus-Christ ne dit pas que l’Esprit-Saint deviendra sage par une sorte de participation (extérieure) venue de lui, ni qu’il transmettra aux saints les discours du Fils à la manière d’un serviteur. Mais c’est comme si une fleur du meilleur parfum disait de l’odeur qui s’échappe d’elle et dont elle pénètre les sens de ceux qui l’entourent : elle recevra de moi. Cette fleur désignerait (évidemment ) une propriété naturelle et non pas quelque chose qui serait séparé et participé (du dehors). C’est ainsi qu’il faut comprendre (les rapports) du Fils et du Saint-Esprit. Car, étant l’esprit de sagesse et de farce. il est toute sagesse et toute forée, Conservant en lui l’opération de celui qui l’envoie et manifestant dans sa propre nature celle de celui de qui il est. » De sancta Trinitate, dial. vi, P. G., t. lxxv. col. 1012. Dos passages tels que celui-là montrent bien le sens dans lequel s’oriente la pensée de Cyrille. Mais le fait est que ni l’évéqne d’Alexandrie) ni ceux qui après lui s’occupent de la Trinité, n’affirment d’une manière expresse que l’Esprit Saint procède du Père et du Fils. Ils restent fidèles à la formule, déjà traditionnrll’en Orient, de la procession du l’ère pnr le 1

Les problèmes du vi’siècle, l.e trithéisme. —

Vers le milieu du vr siècle, les problèmes soulevé l par le dogme trinitaire l’Orientèrent dans uni autre direction.

Léonce de Byzance, cf. t. ix, col. 404, avait entrepris de définir avec précision les termes ÛTc6<TTaci.ç et « pômç, pour essayer d’éclairer la question toujours controversée de l’union des natures dans l’unité de la personne du Christ. Il avait fait appel, pour cela, aux données de la philosophie aristotélicienne, qui, pendant des siècles, avait été regardée comme la source de toutes les hérésies. Il avait de la sorte appris à distinguer deux espèces de natures, l’une abstraite, commune à tous les individus de même espèce ; l’autre concrète, réalisée dans chaque individu, autrement dit dans chaque hypostase : entre ces natures concrètes, individuelles et les hypostases, il n’y avait, pouvait-on croire, plus guère de distinction, et les monophysites s’apprêtaient à triompher devant une telle conclusion, bien différente d’ailleurs de celle que tirait Léonce lui-même.

Si l’on appliquait cette théorie à la Trinité, on voit sans peine le résultat auquel on arrivait. Puisqu’il y a en Dieu trois hypostases, chacune d’elles réclame une nature concrète ; par suite il y a en Dieu trois natures et l’on aboutit au trithéisme, en dépit de toutes les protestations.

Ces idées étaient devenues courantes dans les écoles d’Édesse, de Constantinople et d’Alexandrie. A Constantinople, elles étaient représentées surtout par un certain Jean Askunagès, par un prêtre d’Antioche appelé Photin, par un moine cappadocien du nom de Théodore et par quelques autres. Tous ces doctrinaires avaient des appuis à la cour impériale et même dans l’épiscopat. Ils eurent de plus la chance de trouver un théoricien dans la personne de Jean Philopon, grammairien d’Alexandrie et philosophe à ses heures. Voir l’art. Jean Philopon, t. viii, col. 831 sq. Philopon, dans un ouvrage intitule L’arbitre (ô SiairrjTTjç), remarque que toute nature existante est forcément individuelle et que, dès lors, elle ne peut être réalisée que dans et par une hypostase, car hypostase et individu se confondent. Philopon conclut de là : 1° que l’humanité de Jésus-Christ, puisqu’elle existe, est individuelle ; 2° qu’elle n’est cependant pas une nature, sans quoi elle serait, une personne, et elle n’est pas une personne puisqu’elle n’a jamais existé en dehors de l’union ; 3° enfin que, puisqu’il y a en Dieu trois personnes, il y a aussi trois natures divines. Sans doute, Philopon refuse d’être appelé trithéiste ; maison ne voit pas le moyen qu’il y a d’échapper à cette qualification.

Vers la même époque, ou un peu plus tard, le patriarche monophysite d’Alexandrie, Damien (578-605), émit, en partant au contraire d’un réalisme exagéré une tout autre erreur. Autre, disait-il, est le Père, autre le Fils, autre le Saint-Esprit ; mais chacune de ces trois personnes n’est pas Dieu par nature et par soi ; elle ne l’est que par participation de la nature divine existante en chacune d’elles inséparablement. Chacune d’elles est une hypostase ; ce qui leur est commun est 0e6ç, ouata xal cpùoiç. C’était aboutir à une quaternité, si l’on ajoutait aux trois personnes le Dieu en soi, ou au contraire à un sabellianisme renouvelé, si on les considérait comme de pures formes en qui I)i( a i manifestait. De fait, les partisans de Damien furent accusés tantôt d’être des sabelliens, tantôt d’être des lelradites » : c’est ce dernier nom qui leur resta. Timothél . De rcrepl. Iwrrt.. P. G., t. Lxxxvi, col. 60,

Saint Jean Damascène. —

Ni le trithéisme de Jean Philopon, ni le tétradisnie de Damien ne rencontrèrent un grand succès : ils tu tardèrent pas à disparaître. Saint Jean Damasccne, qui résume la tradition patristique grecque, n’a déjà plus à s’en occuper. L’enseignement qu’il donne ei i conforme à celui de ses grands prédécesseurs. Selon lui. il y a en Dieu trois personnes parfaites, complètes en soi et subslstantes ( qui ne sont pas des parties d’une substance unique.