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VOCATION. LA PÉRIODE SCOLASTIQUE


nier, composé presque en même temps que les premiers feuillets de la Somme, douze ans à peine avant la mort du saint, appartient à la période de sa maturité doctrinale. Et comme, chez les dominicains (de même d’ailleurs que chez les franciscains), la règle comportait à la fois les vœux de religion et le sacerdoce pour les religieux de chœur, il s’ensuit que les conclusions de saint’1 homas dans cet opuscule valent également pour la vocation religieuse et pour la vocation sacerdotale. Or, voici les positions de l’auteur relativement à l’inspiration de la grâce dans la vocation intérieure :

a) Outre sa parole extérieure (Écriture sainte ou prédication), Dieu parle à l’âme intérieurement ; cette parole intérieure est même plus importante que l’extérieure, celle-ci tirant son efficacité de celle-là. Si donc la parole extérieure de Dieu mérite obéissance, à plus forte raison sa parole intérieure lorsqu’elle invite à entrer en religion : Si igitur voci Conditoris exterius prolatie statim obediendum esset, mulio mayis interiori locutioni, qua Spiritus Sancfus menlem immutat, resistere nullus débet sed absque dubitalione obedire. Ainsi, lorsque l’homme est poussé par 1’ « instinct » du Saint-Esprit à entrer en religion, il ne doit pas différer pour chercher encore des conseils humains, mais il doit suivre aussitôt l’impulsion de l’Esprit-Saint.

b) La vocation intérieure se voit en acte dans la vie des saints. Et Thomas de citer le passage des Confessions de saint Augustin où est racontée la vocation religieuse de deux soldats provoquée par la Vie de saint Antoine, Que la vocation soit donc intérieure ou qu’elle nous vienne de l’extérieur par l’Écriture sainte ou la prédication, il faut lui obéir sans s’attarder à des conseils superflus. Agir autrement serait résister à l’Esprit-Saint : ce qui suppose que, même dans le cas de l’Écriture sainte ou de la prédication, le Saint-Esprit exerce son action intérieure sur l’âme. Non est ergo laudabile sed magis vituperabile quod post vocationem interiorem vel exteriorem, vel verbo vel Scripturis factam, difjerre et quasi in dubiis consilium quærere… Virlulem igitur Spiritus sancti vel ignorai vel ei resistere nititur qui a Spiritu Sancto motum diuturnilate consilii detinere contenait. Saint Thomas, cela va sans dire, suppose suffisamment constatée, à l’aide du discernement des esprits, cette action du Saint-Esprit dans l’âme : Probate spiritus, si ex Deo sinl, I Joa., iv, 1.

c) Aristote lui-même nous confirme dans cette vérité quand il dit fin quodam capite Ethicorum) que ceux qui sont mus par Dieu n’ont pas besoin de conseil. Qui a Deo moventur consiliari non expedit. Honte donc à ces catholiques qui soumettent les inspirations divines aux conseils de la sagesse humaine, alors que le philosophe païen lui-même les en affranchit. Erubescat igitur qui se dicit catholieum divinitus inspiratos ad humana transmillens consilia, quibus eos philosophus elhnicus asserit non egere. Contra retrahentes, c. viii-ix.

Jusqu’ici nous avions vu les représentants de la Tradition ecclésiastique nous montrer dans la vocation intérieure l’appel de Dieu à la vie religieuse ou la condition de l’appel de l’Église au sacerdoce. Pour la première fois, nous voyons un docteur l’envisager en elle-même et l’analyser méthodiquement afin d’en montrer l’autorité divine et d’en justifier les motions.

3. Saint Bonaventure († 1274). — L’apologie dont saint Thomas fut chargé pour les prêcheurs, saint Bonaventure eut à la faire de son côté pour les mineurs. Il composa, à cet effet, plusieurs opuscules non moins topiques que ceux de saint Thomas ; mais c’est dans son Expositio in regulam fratrum minorum qu’il s’est exprimé le plus nettement sur

la vocation. Rappelons que la vocation, chez les franciscains comme chez les dominicains, a pour objet les vœux de religion et le sacerdoce réunis.

a) « Si quelques-uns, dit le texte de la règle, veulent embrasser ce genre de vie et viennent vers nos frères. » Et le commentateur d’expliquer d’abord d’où vient ce vouloir. Il ne vient ni d’une contrainte divine, ni d’un désir de la chair : il est inspiré par l’auteur de tout don céleste. Religionis enim hujus propositum, ut nullum terrenum expectari possit emolumentum, nulli necessilate imponitur, sed ab illo inspiratur de quo dicil : non potest homo accipere quidquam nisi datum fuerit ei de cselo. Ce n’est pas cependant que ce vouloir, inspiré par la grâce, soit toujours spontané : il peut avoir été provoqué par un conseil extérieur. Non hoc dicitur quasi non lieeat jratribus non venientes exhorlalionibus prævenire, cum et ipse Dominas plures ad discipulatum recipiens, plures vocali vocatione prævenire legatur, ut Andream, Petrum et similes, quidam ipsum prævenerunt se ejus consortio o/ferendo. Venientium igitur ad fratres quidam sunt a jratribus prseventi, quidam vero ipsos sua devotione prteveniunt. Il n’en reste pas moins que, essentiellement, la vocation est l’œuvre de la grâce dans l’âme.

b) Ce n’est pourtant pas que les postulants puissent pour cela exiger leur admission dans l’ordre. On les enverra aux ministres provinciaux, qui les examineront sur leur orthodoxie, leurs aptitudes, leur intention et les soumettront aux épreuves d’usage. Ne seront admis aux vœux et aux ordres sacrés que ceux qui en auront été jugés dignes par les provinciaux. Far conséquent, la vocation intérieure est soumise au contrôle de la hiérarchie, et l’appel intérieur ne vaut que par l’appel extérieur : voilà la clef de l’autorité, ecce clavis auctoritatis (Expositio in Regulam II).

c) Les paroles du Docteur séraphique trouvent une confirmation touchante dans un passage des Méditations sur la vie du Christ, dites de saint Bonaventure et qui sont l’œuvre d’un de ses disciples au siècle suivant. Au chapitre de la Vocation des apôtres, l’auteur, après avoir rappelé les circonstances extérieures de la vocation de chacun, nous invite à considérer la bonté du Christ dans sa manière de les appeler, les attirant extérieurement et intérieurement. Considéra ergo et conspice eum in prædictis vocutionibus et conversalione cum ipsis : quam afjectuose vocal eos, reddens se eis afjabilem et domesticum et obsequiosum, altrahens eos inlus et extra. Meditationes vitæ Christi, xix.

4. Saint Laurent Juslinien († 1455). — Saint Laurent Justinien, premier patriarche de Venise, fut, pendant la première moitié du xve siècle, l’un des plus ardents zélateurs de la sanctification du clergé. Voir Laurent Justinien, t. ix, col. 9. Religieux d’une oraison éminente, pontife passionné pour la réforme de ses prêtres, il composa divers traités tant sur la perfection monastique que sur la sainteté sacerdotale, où il est amené à toucher la question de la vocation.

Dans le De compunctione ei complanctu christianæ perfectionis, après un tableau des mœurs lamentables du clergé, le saint réformateur se demande quelle est la cause de cette décadence. Il répond : « C’est que ces prêtres ne sont pas appelés par le Christ ; s’ils recherchent les prélatures, s’ils les achètent à prix d’argent, c’est qu’ils ne sont pas de ceux à qui le Christ a dit : Suis-moi. »

Nec mirum. Non enim in ovile, intrant per januani, sed aliunde tanquam fures. Quomodo aliunde ? Janua humilis est, ostium Christus est. Non ingrediuntur per Christiini neque vocantur a Christo. Vocatus est a Christo illecni dictum est : Sequere me. Hic sequutus est Christum quoniam vocatus est a Christo. Qui autem non sequuntur