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grâce de la vocation religieuse ne doit-il pas regarder ailleurs, mais s’appliquer de toutes ses forces à la perfection de son état, sciens, secundum Aposlolum, unum quidem esse corpus Ecclesiæ, multa autem membra, et habere eam donationes secundum gratium qux nobis data est diP/erenter. Ibid., col. 959.

5. Saint Jean Climaque († 602 ?). — Du monachisme oriental vient encore un témoignage sur la vocation religieuse : c’est celui de saint Jean Climaque, dont le manuel ascétique, intitulé V Échelle (en grec xXïji.aÇ) du Paradis, n’eut pas moins de vogue en Orient que les Conférences de Cassien en Occident. Au premier degré de V Échelle, il compare la vocation religieuse à l’appel d’un roi recrutant des soldats. « Lorsque, dit-il, un roi de ce monde, voulant entreprendre une expédition militaire, nous fait appeler auprès de sa personne pour user de nos services, nous n’hésitons pas, nous ne cherchons pas des excuses ; mais, quittant tout, nous accourons de tout cœur à son appel. Prenons-y donc garde. Puisque c’est le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs et le Dieu des dieux qui nous appelle à cette milice : toù BaatXéoiÇ xà>v pacuXécov, yjxX Kuptou twv xupîwv, y.où 0eoù twv 6ewv xocXoGvtoç 7)u.àç eïç ttjv oùpâvi.ov Taô-T)v tocÇiv, n’allons pas, par paresse et lâcheté, mépriser un pareil appel, de peur qu’un jour nous ne nous trouvions sans défense devant le tribunal suprême. » P. G., t. lxxxviii, col. 641. C’est donc l’idée de vocation divine ou d’appel de Dieu qui, pour saint Jean Climaque, domine la vie religieuse.

6. Saint Grégoire le Grand († 604). — Modèle idéal du pasteur, il nous a laissé, sous le titre de Régula pastoralis, un petit traité qui est, du point de vue de l’époque, un vrai manuel de la perfection sacerdotale. Or, dès les premières pages, l’auteur touche la question de l’appel au sacerdoce. Après s’être plaint, comme tant d’autres, que cette dignité sublime soit briguée par des ambitieux, il s’écrie : Quos contra Dominus per Prophetam (Os., xiii, 4) queritur dicens : « Ipsi regnaverunt et non ex me, principes extilerunt et ego ignoravi. » Ex se autem et non ex arbitrio Summi Rectoris régnant, qui nullis julti virtutibus, nequaquam divinitus vocati, sed sua cupidine accensi, culmen regiminis rapiunt potiusquam assequuntur. Quos tamen internus Judex et provehit et nescit, quia quos permiltendo tolérai, pro/ecto per judicium reprobationis ignorât. Reg. pastor., part. I, c. i, P. L., t. lxxvii, col. 13.

Ces lignes mettent en lumière les divers éléments de la vocation. 1. Ces « ravisseurs » du sacerdoce sont réellement prêtres : ils « régnent, ils sont princes, le Juge spirituel les a exaltés ». Ils ont donc reçu la vocation divine extérieure par l’appel canonique et l’imposition des mains. 2. Mais cette vocation n’est, de la part de Dieu, qu’une vocation « permissive, une tolérance ». Ce n’est pas une approbation. Car ils « ne régnent pas par mandat du Roi suprême. Le souverain Juge les frappe au contraire d’une sentence de réprobation ». 3. Or, quels sont ces prêtrestà ? Ce sont ceux qui, dépourvus de toute vertu, nullement appelés de Dieu, mais brûlant d’ambition, s’emparent du gouvernement des âmes au lieu d’y être promus. Ce sont donc ceux qui manquent de l’intention droite. 4. Et parce qu’ils manquent de l’intention droite, ils manquent aussi de la vocation divine intérieure, puisque c’est dénués de toute vertu, nullement appelés de Dieu, mais brûlants d’ambition, qu’ils s’emparent du sacerdoce, c’est-à-dire extorquent la vocation extérieure.

Ce témoignage de saint Grégoire marque un progrès de la pensée théologique sur les textes précédents. Tout d’abord, s’il reconnaît que le sacerdoce, une fois reçu, est toujours valide, il distingue, selon

la manière de l’obtenir, une vocation positivement divine et une vocation purement permissive qui est en même temps une réprobation. Dieu n’est donc pas entièrement solidaire de l’appel par l’Église : il valide l’appel, mais il réprouve l’appelé. En second lieu, ce témoignage suppose une sorte d’équation entre l’intention droite et la vocation intérieure : il révèle un appel de Dieu dans ce qui semblait simple initiative pieuse de l’homme.

7. Saint Isidore de Séville († 636). — La vocation intérieure de Dieu en regard de l’appel extérieur par l’Église apparaît aussi chez saint Isidore de Séville. Dans les Sentences, au chapitre De præpositis Ecclesiæ, il apprécie les diverses attitudes qu’on peut avoir devant l’appel à l’épiscopat. Après avoir blâmé celle des égoïstes qui se récusent par amour du repos, il note celle des saints, et voici ce qu’il en dit : « Les saints ne recherchent pas les soucis des affaires ; ils gémissent, au contraire, quand ils s’y voient condamnés par l’ordre de Dieu, .. S’ils le peuvent, ils s’empressent de les fuir ; mais, craignant la secrète disposition de la Providence, ils acceptent ce qu’ils voudraient éviter. Car ils entrent dans leur cœur, et là, ils demandent ce que veut la volonté cachée de Dieu ; et, sachant qu’ils doivent se soumettre aux ordres suprêmes de Dieu, ils courbent leur tête sous le joug de ses ordonnances. » P. L., t. lxxxiii, col. 705. Si toute la vocation était dans l’appel extérieur de l’Église, il n’y aurait pas lieu d’entrer dans son cœur et là de demander ce que veut la volonté cachée de Dieu. Si donc les saints consultent cette volonté au fond de leur cœur à propos du sacerdoce à recevoir ou à refuser, c’est qu’ils croient à une vocation intérieure et à la possibilité d’en percevoir les signes dans la prière et la réflexion chrétienne. Il est même à remarquer que l’idée d’intention droite n’est pas exprimée ici. Des deux équivalents : intention droite, vocation intérieure, le second s’est substitué au premier.

8. Saint Bède le Vénérable († 735). — Il mérite d’être cité pour sa plénitude. Dans son commentaire de l’évangile de saint Marc, après avoir cité l’appel adressé par Jésus à Matthieu, il donne cette explication : Et surgens secutus est eum… Tanta enim cupiditate sequendi Dominum ductus est ut in nullo prorsus hujus vitæ respectu vel cogilationem sibimet reservarit. Siquidem ipse Dominus, qui hune exterius humana allocutione ut se sequeretur vocavit, intus divina inspiratione ut mox vocantem sequeretur accendit : ipse invisibiliter quomodo sequendum effet docuil. P. L., t. xcii, col. 150. On ne saurait être plus explicite. Là où l’Évangile ne mentionne que l’appel extérieur adressé par Jésus à Matthieu, le commentateur ne se contente pas de supposer la vocation intérieure, il l’affirme formellement. « Le Seigneur, en l’appelant extérieurement par sa parole humaine, alluma intérieurement dans son cœur, par une inspiration divine, le désir de le suivre promptement. » Vocation extérieure par la parole, vocation intérieure par l’inspiration de la grâce sont présentées comme les deux aspects de l’appel divin au sacerdoce. L’intention droite n’est pas mentionnée.

2° La doctrine de la vocation pendant la période scolastique. — 1. Saint Bernard († 1153). — Il fut le zélateur de la vie monastique et de la sainteté sacerdotale. Or, l’un des principes sur lesquels il appuie ce double apostolat est précisément l’idée de vocation. Des conseillers trop humains s’efforcent-ils de détourner un jeune homme du cloître ? Bernard leur crie : « Le Christ dit : « Viens », et vous, vous dites : « Reste ». Qui êtes-vous pour vous opposer à l’appel de Dieu ? » Le clergé se recrute par l’intrigue et la simonie. Bernard crie à ces intrus :