Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/814

Cette page n’a pas encore été corrigée

315’VOCATION. LA TRADITION

3158

ture de ces écrits divins : Et operam dederunt ingredi hanc vocationem, sicut ait David propheta : Lex Domini vivificat animas. On peut quitter le monde, touché par les châtiments de Dieu : certaines âmes rebelles ont ainsi été amenées par la tribulation au repentir, et par le repentir à la vocation : Quamobrem infert Deus misericors super eos irrumnas ut excitentur conscientiæ eorum eosque pœniteat et ingrediantur hanc vocationem. Mais, de quelque manière que se fasse cet appel, c’est l’Esprit-Saint qui appelle en faisant sentir l’onction de sa grâce. Porro ante omnia Spirilus Sanctus eos vocat et omnia illis facilia reddit, ut illis dulcescat ingressus ad psenitentiam. Epist., i, P. G., t. xl, col. 999 sq.

On voit l’intérêt de ce document. Il n’est pas seulement dans la variété des formes que peut revêtir la vocation intérieure. Il est surtout en ce que cette vocation est bien distincte, puisque antérieure, de la vocation extérieure ou admission par les supérieurs ecclésiastiques ou monastiques ; en ce que c’est une grâce intérieure distincte de la parole évangélique qui lui sert de véhicule occasionnel ; en ce que c’est une grâce spéciale de l’Esprit-Saint, appelant l’âme et lui facilitant tout pour lui adoucir l’entrée à la pénitence. On ne saurait caractériser d’une manière plus nette l’origine immédiatement divine de la vocation intérieure et son dynamisme suave. Nous voyons s’y réaliser d’une manière lumineuse le mot mystérieux de Jésus : « Tous ne comprennent pas cette doctrine, mais ceux-là seulement auxquels il a été donné. » Matth., xix, 11.

2. Saint Éphrem († 373). — Vers la même époque ou à peu près, florissait, à Édesse en Syrie, l’illustre diacre saint Éphrem. C’est chez lui que nous trouvons le premier témoignage de la Tradition sur la vocation sacerdotale. Dans un discours sur les grandeurs du sacerdoce, Éphrem passe en revue les prêtres de la Loi de nature et de la Loi mosaïque, à commencer par Abel. Puis, considérant l’indignité trop fréquente des prêtres de la Loi de grâce, il s’écrie : Ego vero obslupesco, fratres dilecli, ad ea quæ soliti sunt quidam insipicnlium audere, qui impudenter ac lemere sese conantur ingerere ad munus sacerdotis assumendum, licet non adsciti a ghatia Christi. De sacerdotio, sub fine. Nous citons d’après la traduction latine de Vossius, Anvers, 1619.

Dans ce passage, Éphrem s’indigne contre les ambitieux qui s’elïorcent de s’élever au sacerdoce sans y être appelés par la grâce du Christ. Qu’entend-il par cette grâce du Christ ? La vocation extérieure par l’ordination ou la vocation intérieure par l’intention droite ? Manifestement la vocation intérieure par l’Intention droite. Car si ces impudents, ces téméraires, étaient conduits par l’intention droite, ils ne seraient ni impudents, ni téméraires. Éphrem voit donc dans l’intention droite autre chose que l’acte psychologique de l’homme ; il y voit l’inspiration sousjacente de la grâce, adsciti a gratia Christi, et donc l’appel du Saint-Esprit, bref la vocation intérieure.

.’i Saint Jérôme († 420). — Le même raisonnement peut s’appliquer à un passage de saint Jérôme dans son commentaire de l’épître aux Calâtes. P. L., t. xxvi. col..’507. Expliquant le début de l’épître : Paulus Apostolus non ab hominibus, neque per hominnn. sut per Jrsum Christum, l’exégète distingue quatre espèces d’apôtres, selon qu’Os viennent de Dieu tout seul, ou de Dieu par l’homme, ou de l’homme seul, ou ni de Dieu ni fie l’homme. Caractérisant ensuite la troisième catégorie : ceux qui viennent de l’homme seul, il ajoute : Ut nunc videmiu plurlmos non Dei judicio sed redempto faoore vulgi m tacerdolium tubrogari. Que manque-t-il à ces prêtres poui exercei le tacerdoci’le i.i paît de Dieu, parle

jugement de Dieu, c’est-à-dire par vraie vocation divine ? Ce n’est pas l’imposition des mains ou la vocation extérieure : ils l’ont reçue. Ce qui leur manque, c’est d’avoir sollicité ou accepté le sacerdoce avec une intention droite, au lieu de le capter par l’intrigue et la vénalité. Mais s’il en est ainsi, c’est donc que pour Jérôme, comme tout à l’heure pour Éphrem, l’intention droite, ou vouloir surnaturel, a valeur d’appel divin. Aspirer au sacerdoce sous la motion de la grâce, c’est y être appelé intérieurement par Dieu, auteur de la grâce.

4. Cassien († 435). — On sait comment celui-ci, après s’être initié à la vie monastique dans un couvent de Terre sainte, passa dix ans parmi les solitaires d’Egypte, en pèlerin, allant de solitude en solitude, pour entendre et noter les enseignements des plus illustres maîtres spirituels. Il vint ensuite se fixer à Marseille et fonda l’abbaye de Saint-Victor, ("est là qu’il rédigea, sur ses notes d’Egypte, ses fameuses Conférences. On peut donc considérer son œuvre comme l’écho critique du monachisme égyptien.

Or, Cassien a, lui aussi, sa théorie sur la vocation intérieure, sauf qu’il s’agit de la vie religieuse, non du sacerdoce. Au début de sa Conférence sur le triple renoncement, Cassien distingue trois formes de la vocation intérieure, très vocationum sunt ordines. Dans le premier cas, Dieu agit sur l’âme sans intermédiaire ; dans le secood cas, il agit par la parole des saints ; dans le troisième cas, il agit par les accidents de la vie. Mais, quel que soit le mode, l’action est de Dieu : elle est son appel intérieur à l’âme. « La vocation nous vient directement de Dieu, dit-il, chaque fois qu’il nous met au cœur certaines inspirations qui nous réveillent de notre assoupissement, raniment en nous le désir du salut et, par la touche d’une componction salutaire, nous excitent à suivre Dieu : quoties inspiralio quædam immissa in cor nostrum nos ad desiderium œlernæ vitæ ac salulis excitât. La vocation nous vient par l’homme, lorsque ce sont les exemples ou les enseignements des saints qui allument en nous le désir de notre salut ; quum exemplis quorumdam sanctorum vel monilis instigali, ad desiderium salutis accendimur. La vocation nous vient par les accidents de la vie, lorsque les tentations, les périls de la mort, la perte de nos biens ou des personnes aimées nous transpercent l’âme et nous ramènent malgré nous à Dieu, que nous avions refusé de suivre dans la prospérité : quum ad Deum, quern sequi in rerum pros]>eritate contempsimus, saltem inviti properare compcllimur. P. 1.., t. xlix, col. 560. Au reste, pour Cassien comme pour saint Antoine, quel que soit le mode de la vocation, il recouvre toujours une motion intérieure de la grâce : Mani-Icstissime perdocemur, dit-il plus loin ; et initium voluntatis borur nobis, Domino inspirante, concedi, quum aut per se, aul per exhortationem cujuslibet hominis, aul per necessilatem, nos ad salulis allrahit viam, et perfectioncm virtutum ab eodem similiter condonari. Ibid., col. 581. Et, par conséquent, c’est Dieu qui appelle l’âme à la vie religieuse, ce ne sont pas seulement les supérieurs monastiques, quoique leur approbation soit nécessaire pour authentiquer l’appel de Dieu.

Mais à la doctrine de saint Antoine Cassien ajoute cette vue personnelle que l’état religieux est assimilable aux charismes qui, selon saint Paul, constl tuent les organes du Corps mystique. Les uns ont reçu le don de prophétie, les autres celui de la doctrine ; ceux-ci le don de secourir les Indigents, ceux-là de consoler les allliges. Et nul ne peut échanger son charisme pour un autre : il y faudrait l’intervention de Dieu. Ce que chacun doil faire, c’est de bien utiliser le don qu’il a reçu. Ainsi celui qui a reçu la