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elle pourrait être un titre suffisant pour les assujettir, les instruire et les civiliser, mais seulement en les traitant bien, et en les considérant comme des mineurs qui ont besoin d’un tuteur. C’est ici la doctrine des protectorats et des pays sous mandat. Elle est postulée par l’existence de la société universelle, qui doit procurer le bien de tous, en faisant que tous rentrent bien exactement dans la catégorie de personnes qui leur correspond dans le concert juridique de l’univers. C’est la doctrine qui a toujours guidé l’Espagne dans son œuvre civilisatrice.

Seul peut déclarer la guerre le chef d’un État parfait, à qui revient de piano la souveraineté. Ceux qui manquent de la pleine souveraineté ne peuvent faire la guerre, à moins d’y être autorisés par privilège ou coutume. C’est ce qui arrivait encore au temps de Vitoria pour certains grands seigneurs féodaux.

Avant de déclarer la guerre, le prince doit étudier scrupuleusement les causes de celle-ci et prendre conseil, non seulement des politiques ou des militaires, mais des juristes et des moralistes, qui sont davantage compétents et plus impartiaux pour connaître de la justice. Même quand il est reconnu qu’il y a une juste cause de guerre, on ne doit pas procéder immédiatement à la déclaration, s’il y a des espoirs de résoudre le conflit par des moyens pacifiques et si l’État délinquant doit fournir satisfaction. Ceci supposé, le prince offensé peut se considérer comme investi du pouvoir du monde entier pour procéder comme juge et châtier l’injustice par le moyen de la guerre, attendu qu’il n’y a pas seulement injustice contre lui mais contre toute l’humanité, victime du droit lésé.

Pendant la guerre, est licite, à l’égard des militaires, tout ce qui est nécessaire pour obtenir la victoire et obliger l’ennemi à complète satisfaction, comme de frapper, de tuer, de faire prisonnier : mais on ne peut dépasser cette mesure, ainsi on ne peut mettre à mort les prisonniers ou les blessés, qui sont déjà hors de combat, à moins que ce ne soient les responsables de la guerre. Ce qui peut se faire, selon le droit en vigueur à l’époque de Vitoria, c’est de les réduire en esclavage, mais il ne peut s’agir de chrétiens (puisque l’Évangile nous a libérés) et, en tout état de cause, l’esclavage ne doit pas être tel qu’il dépouille l’homme des droits essentiels à la personne humaine.

Pour ce qui est de la population civile ou non belligérante, il n’est pas directement licite de lui causer quelque dommage dans sa personne, ("est seulement de manière indirecte, pour autant qu’il s’agit de combattre l’élément militaire ; mais si le dommage causé aux innocents (élément civil) doit être plus grand que celui causé aux militaires, il n’est pas licite de tuer ceux-là pour combattre ceux-ci. De même on ne peut raser une ville si la population civile y prédomine, bien qu’il s’y trouve cependant quelques éléments militaires : pas davantage ne peut-on la détruire même si les militaires y sont en majorité, si cette destruction n’est pas nécessaire pour la conquérir. Si l’on fait application de cette doctrine aux bombardements aériens de la guerre contemporaine, on verra combien nous avons perdu en sentiment humanitaire,

En ce qui concerne les biens, on peut prendre ou détruire directement tous ceux qui sont d’utilisation immédiate pour la guerre. I)e même peut-on prendre

les biens qui Boni abandonnés sur le champ « le bataille

et qui passent à celui qui les ramasse. Mais on ne peut directement détruire les autres biens ds parti CUliers, ni s’en emparer, si ce n’est en des cas c< sep tionnels, quand ainsi l’exigent les nécessités fie la guerre.

La victoire remportée, on peut exiger du vaincu la réparation de l’injustice initiale, une indemnité pour

les préjudices et aussi diverses autres choses qui sont nécessaires pour le maintien de la paix future. Ainsi l’on peut en arriver jusqu’à déposer les princes coupables, empiéter sur leur souveraineté, retirer l’indépendance s’il n’y a pas d’autre moyen d’assurer la paix et la réalisation du droit qui est en définitive le but même de la guerre. Mais le vainqueur est alors tenu de procéder non comme un ennemi, mais comme un juge impartial et humanitaire, toujours incliné à la clémence.

Le pouvoir du pape.

Vitoria fut le premier

à fixer avec toute la précision nécessaire le pouvoir du pape dans les choses temporelles, bien qu’il ait eu sur ce point quelques prédécesseurs, comme Torquemada, qui déjà avaient orienté la question dans la véritable direction.

Partant de la doctrine thomiste de la distinction fondamentale entre les deux ordres naturel et surnaturel, Vitoria étend cette même distinction aux deux pouvoirs, dont l’un ne peut ni absorber, ni diminuer l’autre. Il repousse avec décision l’opinion, si commune au Moyen Age, selon laquelle le pape aurait le dominium du monde entier, même au temporel. Dès lors le pape ne peut par exemple dépouiller les Indiens de leurs terres — qui étaient un bien légitime doué d’un dominium politique et privé — pour les concéder au roi d’Espagne ou à quelque autre souverain.

Le pape jouit d’une souveraineté parfaite, mais sa souveraineté n’est pas comme celle de l’État qui affecte seulement l’ordre temporel. La souveraineté du pape est purement spirituelle et surnaturelle et, en dehors de cela, n’a aucun autre domaine, aucun autre pouvoir. De là vient que le pape ne peut s’immiscer dans des affaires proprement temporelles, déposer ou supprimer des rois, déroger à des lois qui émanent de ceux-ci en leurs matières propres, ni se mêler à des litiges sur des choses terrestres. Les rois donc et l’empereur jouissent de leur pleine souveraineté temporelle, ils ne la reçoivent ni médiatement ni immédiatement du pape, mais elle leur vient, par la loi naturelle, de la République même et de Dieu comme le principe suprême.

II existe néanmoins deux souverainetés, non point juxtaposées comme celles de deux États voisins, ni non plus superposées dans le sens quc la souveraineté spirituelle se subordonnerait la temporelle, l’absorberait ou la limiterait. Mais ce sont deux souverainetés d’espèce distincte, qui jouent sur des plans différents sur lesquels toutes deux peuvent se mouvoir librement dans leur sphère propre.

Mais, comme le spirituel est fréquemment uni au temporel, dans les personnes comme dans les choses, comme, par ailleurs, le pouvoir du pape est universel et absolu sur tout le spirituel, il est nécessaire qu’il s’étende à toutes les choses qui se rattachent de quelque manière au spirituel. Si le pape manquait de ce pouvoir, l’Église ne serait pas une société parfaite dans l’ordre spirituel. Néanmoins ce pouvoir n’affecte pas les choses sous leur aspect purement temporel, mais seulement en ce quc le temporel est ordonné au spirituel et en raison du spirituel. C’est ce que postérieurement on a appelé (d’un terme assez impropre) le » ow>oir indirect, quand est devenue commune la doctrine de Vitoria sur ce point demeuré jusqu’alors si obscur,

Ce pouvoir est tel qu’en vertu de celui-ci le pape peut déroger aux lois qui émanent des rois ou des princes, quand elles sont contraires à la religion chrétienne, soustraire au domaine de ceux-ci les personnes ou les choses sacrées, en tant qu’elles sont nécessaires au spirituel, défendre aux princes (lire liens de faire la guerre si cela doit être au dét liment de la chrétienté ; il peut aller jusqu’A déposer les