Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/781

Cette page n’a pas encore été corrigée
3091
3092
VIOLENCE


celle qui rend toute résistance inutile. Si, au contraire, eu égard aux circonstances, on eût pu, par une résistance extérieure, empêcher les efïets de la violence, les actes ainsi posés doivent être tenus pour valides, à moins qu’il ne s’agisse de ces actes, que la violence extrinsèque, même non absolue, suffit à invalider : admission au noviciat, profession religieuse, mariage, dont nous parlerons à part.

Cependant, comme dans la pratique la plupart des actes entachés de violence le sont aussi de crainte, il y aura lieu d’appliquer la règle établie au can. 103, § 2, quant aux actes accomplis « sous le coup d’une crainte grave et injuste ». Ces actes restent valides, aux termes du droit, à moins que la crainte ne trouble totalement l’esprit et que la loi n’ait pas statué le contraire dans des cas spéciaux. Mais ces sortes d’affaires peuvent donner lieu à une action en rescission (can. 1684-1689) soit d’office, soit à la demande de la partie lésée.

Quant aux actes entachés de violence irrésistible et que le can. 103 déclare nuls de plein droit, la déclaration de cette nullité pourra faire l’objet d’une action ob nullitatem aclorum, de la part des intéressés, devant le juge compétent. Can. 1679-1683.

1° Contrais, conventions et autres actes juridiques.

— On notera qu’en matière de violence, la plupart des dispositions du droit positif (soit civil, soit canonique ) reproduisent simplement les dispositions du droit naturel. Cependant, lorsque ces dispositions seront plus favorables à la liberté, on pourra en profiter en conscience, chaque fois qu’elles s’accorderont avec l’équité. Cf. Vittrant, Theol. mor., n. 272.

Il importe de souligner les nuances qui différencient le droit canonique et le droit civil français. Aux termes du can. 103, les actes, contrats et autres affaires juridiques entachés de violence absolue sont considérés comme nuls de plein droit ; ils peuvent conserver cependant une apparence extérieure de validité, c’est pourquoi une intervention « déclaratoire » du juge, dit le can. 1679, est nécessaire. Aux yeux de l’Église, il importe peu que la violence soit juste ou injuste ; mais il est requis en revanche qu’elle soit exercée sur le sujet lui-même ou patient, et non sur des tiers. Cf. M. Conte a Coronata, Instit. juris can., t. i, n. 149. Le droit français, art. 1111-1115, dit simplement que la violence exercée à propos des contrats ou obligations est « une cause de nullité », non seulement quand elle atteint la partie contractante, mais encore si elle touche « son époux ou son épouse, ses descendants ou ses ascendants ». Il n’est pas dit que la convention soit nulle de plein droit, mais seulement qu’elle « donne lieu à une action en nullité », art. 1117, à moins que, la violence ayant cessé, « le contrat n’ait été approuvé », art. 1115. L’art. 1304 fixe le temps utile pour intenter l’action en nullité à dix années, au maximum, à moins qu’un temps plus court n’ait été fixé par une loi particulière. Ce délai ne court que du jour où la violence a cessé. Le droit canonique n’ayant rien statué de spécial quant à l’extinction de l’action pour violence, on s’en tiendra aux dispositions générales des can. 1701-1705.

Noviciat et profession religieuse.

Le can. 542,

1°, statue que ne sont pas admis validement au noviciat les candidats qui entrent en religion sous l’empire d’une violence exercée sur eux-mêmes ou sur la personne du supérieur qui les reçoit. De même, la profession religieuse, pour être valide, doit être exempte de violence. Can. 572, § 1, 4°.

Mariage.

Le mariage étant un contrat qui

requiert spécialement une grande liberté des contractants, en raison de sa gravité et des intérêts en jeu, rien d’étonnant que le Code ait statué l’invalidité du contrat matrimonial entaché de violence.

Can. 1087. Ce n’est pas un « empêchement » dirimant proprement dit, mais plutôt une condition de la validité du consentement. Dans la pratique, il est rare que la violence seule intervienne pour vicier le consentement. Aussi la jurisprudence aussi bien que la doctrine ont réuni sous un même chef de nullité la violence et la crainte (vis et metus), car effectivement la violence produit la crainte, et celle-ci est appelée très justement violence ou contrainte « morale ». On notera toutefois que la contrainte physique, quelle qu’elle soit, juste ou injuste, annule le mariage, pourvu qu’elle soit irrésistible. La crainte au contraire doit être grave (au moins relativement), venir de l’extérieur (ab extrinseco), injuste et mettre le patient dans une situation telle qu’il ne puisse y échapper qu’en choisissant le mariage. La crainte dite « révérentielle *, inspirée par ceux qui ont une autorité sur le patient (parents, tuteurs, supérieurs), est, de sa nature, considérée comme légère. Elle ne devient grave que si elle est « qualifiée », c’est-à-dire accompagnée de prières instantes et prolongées, menaces ou violences, et même injonctions impératives. Cf. Ciprotti, dans Apollinaris, t. xiv (1941), Rome, p. 85. Voir aussi S. R. Rotse decisiones, 2 juin 1911, 5 mai 1925, 30 juin 1928.

L’absence de crainte grave et de violence est encore requise ad validitalem matrimonii chez le curé ou témoin qualifié qui assiste au mariage et reçoit le consentement des contractants : Dummodo neque vi neque metu gravi constricti requirant et excipiant contrahentium consensum, can. 1095.

Matière pénale.

1. Dans le droit de l’Église,

comme dans la plupart des codes civils (cf. Code pénal français, art. 64 ; Code pénal italien (1930), " art. 46) la violence physique absolue est considérée comme une des causes qui excusent totalement du délit, donc aussi de la peine. Can. 2205. Cette dispo-, sition législative se passe de commentaire, car elle n’est que l’expression du droit naturel, qu’avaient déjà sanctionné le droit romain et l’ancien droit canonique. Cf. Grat., I a pars, dist. IV, c. 32, § 2 ; II a pars, caus. I, q. i, c. 111 ; caus. XV, q. i, c. 6, 10 ; caus. XXII, q. v, c. 1 ; Décrétâtes, t. III, tit. xlii, c. 3 ; t. V, tit. xxxix, c. 38.

Il s’agit évidemment d’une violence irrésistible, absolue, car si, en raison des circonstances, toute faculté d’agir ou de résister n’était pas enlevée, l’imputabilité ne serait pas supprimée, mais seulement diminuée ; le degré de culpabilité serait proportionné à l’omission de la résistance possible. De plus, il y aura lieu de considérer si l’acte de violence même absolue ne serait pas de quelque manière volontaire in causa, par suite de l’imprudence coupable du patient à s’exposer au danger ou de la négligence apportée à le fuir. Dans ce cas encore, toute imputabilité ne serait pas supprimée. Mais pour qu’une peine puisse être infligée, il faut que cette imputabilité reste grave. Can. 2218.

2. Le can. 2238 traite de la violence (ou de la crainte grave) infligée à un supérieur pour lui extorquer la remise de peines canoniques. Une absolution ou dispense ainsi obtenue ne peut qu’être nulle de plein droit, irrita est.

3. Enfin une excommunication (non réservée) est prévue, qui frappe ipso facto tous ceux, de quelque dignité qu’ils soient revêtus, qui useraient de contrainte pour amener un sujet à embrasser l’état clérical, à entrer dans un institut d’hommes ou de femmes, ou à émettre la profession religieuse, solennelle ou simple, perpétuelle ou temporaire. Can. 2252.

On pourra se référer à tous les grands ouvrages récents soit de morale (Vermeersch, Génicot-Salsmans, Marc, d’Annibale, Noldin, Merkelbach, Vittrant, etc.), soit de