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VIOLENCE


nation. Mais en regard de ces facultés elles-mêmes, ils ne peuvent être qualifiés de violents qu’en tant qu’ils procèdent d’un principe qui ne leur est pas connaturel, mais non pas en ce sens qu’ils sont produits contre l’inclination de ces mêmes facultés : c’est ainsi que les yeux ayant été ouverts de force, la vision perçue à ce moment n’est pas en elle-même et immédiatement violente, mais simplement naturelle. Cf. Bouquillon, Theol. mor., p. 643.

On peut donc conclure que la violence n’enlève pas la liberté intérieure, attendu qu’elle ne peut atteindre les actes élicites de la volonté ; mais elle peut ôter, dans une proportion variable, la liberté extérieure puisqu’elle a la possibilité de s’étendre aux actes impérés. Maroto Instit. jur. can. t. i, n. 395.

Violence et moralité.

La violence par elle-même,

n’a aucune influence sur la moralité des actes qu’elle affecte, puisque, à son degré suprême (vis absoluta) elle leur enlève tout caractère volontaire, involuntarium causât, dit saint Thomas. I a -n æ, q. vi, a. 1.

La violence secundum quid diminue le volontaire, dans la mesure de son degré d’intensité, et aussi selon le degré d’acquiescement de la volonté. C’est qu’en effet la volonté peut se comporter diversement à l’égard de la violence qui lui est faite, résister à divers degrés et de diverses manières. Aussi, pour juger de la moralité des actes du violenté, il faut considérer les degrés et les modes de résistance de celui-ci.

1. S’il résiste de toutes ses forces (c’est-à-dire autant qu’il peut moralement) à la fois intérieurement et extérieurement, l’acte posé sous l’empire de la violence est tout à fait involontaire, et n’est, par conséquent, aucunement imputable. On peut donc conclure que la violence absolue excuse de tout péché. Génicot-Salsmans, Inst. theol. mor., t. i, n. 26.

, Il pourrait se faire cependant que la liberté intérieure et donc l’imputabilité (si l’acte est mauvais) ou le mérite (s’il est bon) soient plus ou moins diminuées, dans le cas où l’acte violent provoquerait des mouvements de passion qui inclineraient la volonté au consentement ; et cela d’autant plus fortement que serait plus vivement ressenti le plaisir qui accompagne nécessairement l’acte extérieur. C’est le cas de la jeune fille qui, tout en résistant pleinement et de toutes ses forces à l’acte violateur, est cependant inclinée, tentée de consentir au plaisir.

2. Si le patient résiste extérieurement autant qu’il le peut, mais consent intérieurement, par complaisance pour l’acte violent (cas de la jeune fille cité), l’acte externe ne lui est pas imputable ; mais le consentement interne est voulu, donc coupable si l’acte est mauvais. Cependant la culpabilité pourra être diminuée en raison de la passion excitée par l’acte violent, sans que le patient l’ait provoquée.

3. Si le sujet violenté ne résiste pas extérieurement tout en donnant intérieurement son consentement, l’acte violent n’est plus involontaire, mais voulu ; on pourrait même l’appeler indirectement volontaire », dans le cas où le patient avait l’obligation de résister.

4. Même solution dans l’hypothèse où le sujet violent é résiste intérieurement, mais ne s’oppose pas exti rieurcment avec toute l’efficacité requise, surtout quand la résistance est un devoir strict.

5. Enfin, si le patient a une attitude extérieure purement passive, sans consentir ni s’opposer, mais intérieurement nettement résistant, l’acte extérieur qu’il permet ainsi librement sera appelé volontaire m causa, donc peccamineux toutes les fois que la résistance extérieure s’impose.

Résistance et imputabiliti.

C’est selon les

principes du volontaire In causa et de la coopération matérielle au péché d’autrui que devront être résolus

les cas de violence ayant un objet mauvais, et ce sont les circonstancs qui indiqueront si le patient a péché ou non.

Pratiquement la question morale se ramène à celle-ci : Quand y a t-il obligation de résister à la violence lorsque celui qui l’inflige propose des choses déshonnêtes ou gravement défendues ?

1. Dans tous les cas et en toute hypothèse, la résistance intérieure s’impose, absolue, totale, sinon il y aurait coopération formelle et coupable à un acte mauvais.

2. La résistance extérieure elle-même sera normalement requise. Elle le sera, et de façon positive, active, si par cette attitude le patient peut de façon utile et sans inconvénient proportionné pour lui, empêcher le mal ou écarter une action néfaste d’autrui. On notera cependant que cette solution imposée par la justice, la charité ou toute autre vertu, est avant tout une solution « pratique », qu’aucun principe général ne peut préciser à priori. Cf. Vittrant, Théol. mor., n. 22.

3. Même si la résistance apparaît inutile pour écarter la faute extérieure, il peut y avoir obligation stricte de résister, soit pour écarter tout danger sérieux de consentement, soit pour écarter un scandale (par ex. en matière de foi). C’est pourquoi les moralistes s’accordent à enseigner qu’en matière de chasteté la résistance extérieure s’impose, à cause du danger de consentement. Cf. Vermeersch, Theol. mor., t. i, n. 77 ; Marc-Gestermann, Instit. morales, t. i, n. 283. Cependant, dit Noldin, Theol. mor., n. 58, « si cette résistance positive devenait inutile ou trop difficile, le patient serait excusé d’y recourir, pourvu qu’il soit assuré de ne pas consentir ».

De même en matière de foi, une résistance extérieure, même inefficace, doit parfois être tentée, au moins à titre de « protestation », lorsqu’une protestation silencieuse serait jugée insuffisante pour sauvegarder les droits et l’honneur de la religion, ou pour écarter le scandale.

Vermeersch fait même remarquer très justement que, quand la violence est uniquement le fait de celui qui y a recours, sans coopération aucune du patient (par ex. le voleur, l’homicide, les meurtriers du Christ), l’obligation de résister, de fuir, etc., est très variable selon les cas, et elle peut même ne pas exister. Et l’auteur cite comme exemple Socrate, qui, au dire de Platon, refusa de fuir, afin de ne pas paraître mépriser les lois. Les martyrs, pour la plupart, ne crurent pas devoir fuir ni résister. Theol. mor., t. i, n. 77.

III. Effets juridkjues.

Lorsque du domaine moral (qui est aussi celui du for interne), nous passons dans l’ordre juridique (qui concerne plus spécialement le for externe), deux remarques préliminaires s’imposent : 1. C’est surtout de la violence physique que nous aurons à parler. La violence morale en effet se ramène pratiquement à la crainte ; et, bien que le droit fasse à cette dernière une grande place, nous n’en parlerons ici que pour autant que, dans certaines affaires, elle ne se sépare pas pratiquement de la violence (vis et metus) ; c’est qu’en effet souvent la crainte est causée par la violence, ou du moins s’accompagne de violences ou de menaces. — 2. En morale les auteurs définissent la « violence absolue » : celle a laquelle le patient résiste effectivement, autant du moins qu’il peut le faire moralement et qu’il y est tenu. En regard du for externe et pour tout ce qui concerne les effets juridiques, la violence absolue (au sens du can. Kt3) n’est pas nécessairement celle à laquelle on résiste en fait extérieurement (la résistance intérieure étant toujours supposée), mais celle à laquelle il n’est pas possible de résister », en d’autres ternies.