Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/772

Cette page n’a pas encore été corrigée
3073
3074
VIOL — VIOLATION


Theol. mor., t. III, n. 648. Si le séducteur est, dans l’impossibilité de la doter, le mariage s’imposera comme la seule réparation efficace, à moins qu’il n’apparaisse comme devant être cause de plus grands maux ; en ce cas, loin de réparer, il ne ferait qu’accroître le dommage. Certains théologiens ou canonistes anciens donnaient, comme cause excusant le coupable de l’obligation d’épouser sa victime, l’existence entre eux d’un empêchement dirimant. Si cet empêchement est de ceux dont on peut obtenir dispense, ce n’est pas une excuse.

Il faut dire que le coupable ne devra pas se tenir pour quitte, en conscience, à l’égard de sa victime, s’il lui a offert une fois pour toutes de l’épouser. Celle-ci ayant le droit de refuser, c’est le choix entre le mariage et la réparation des dommages qui devra lui être offert. À l’opposé, si la victime refuse une compensation pécuniaire et exige le mariage, le coupable n’est pas tenu d’obtempérer dans tous les cas : par exemple s’il y avait une très grosse différence de condition, et surtout s’il y avait à craindre qu’une telle union fût malheureuse ; mais il devrait alors fournir à la victime les moyens de se marier aussi convenablement qu’avant le crime. Dans le cas où un enfant serait né, le séducteur comme la victime seront tenus, non pas ex justifia, mais ex pielale erga prolem, à choisir « de préférence » le mariage (s’il est possible), autant pour légitimer l’enfant que pour lui assurer plus sûrement une éducation convenable au point de vue humain et chrétien. Cf. Génicot-Salsmans, Theol. mor., t. ii, n. 569.

Les casuistes se sont demandés si l’obligation du mariage subsiste pour le séducteur qui serait tenu par un vœu de chasteté ? À rencontre d’un petit nombre (Layman, les Salmanticenses) qui répondent par la négative, l’ensemble des moralistes (Lugo, Sanchez, Vasquez, Tamburini, Lacroix) tient pour la persistance de l’obligation, attendu que l’on peut obtenir dispense du vœu ; d’autre part, pour maintenir la loyauté dans les contrats, il vaut mieux, selon ces moralistes, conserver la valeur obligatoire même d’une promesse fictive, si l’autre partie a exécuté la convention. Cf. Ferraris, Prompln bibliolh., au mot Stuprum, t. vii, col. 661 sq.

En ce qui concerne l’enfant, le devoir du séducteur est clair : il doit prendre à sa charge tous les frais d’entretien et d’éducation ou en verser le montant à la mère ; cela, en justice et en vertu du droit naturel, donc avant toute sentence du juge, et même si le droit civil n’offrait aucune possibilité d’intenter une action. Certaines législations séculières déterminent la quotité des frais à supporter, fixent l’âge limite jusqu’auquel doivent être versées les prestations. Ces dispositions obligent en conscience, au moins après sentence du juge, même si elles dépassent les obligations du droit naturel. Si elles restent en deçà, les devoirs qui découlent de celui-ci ne sont pas pour autant éteints.

Il va de soi qu’aucune compensation ne sera duc par le séducteur dans le cas où aucun dommage n’aurait été produit. Le cas est rare ; il pourra cependant eist< r : s’il n’y a pas eu d’enfant et que le crime soit resté secret ; — si la victime s’est mariée suivant sa condition ; — si elle est entrée en religion ; si elle meurt prématurément. On notera cependant que, si la femme dont la honte est restée secrète était, après son mariage, méprisée ou maltraitée par son mari en raison de sa défloration, il y aurait lieu à réparation des dommages. S. Alphonse, I. III. n. 643. Dans le cas où, à la suite d’une promesse, convention ou transaction, le séducteur aurait déjà versé une somme d’argent pour les dommages, il ne sciait pas admis à la réclamer et la vicl une pourrait la conserver.

l’nnr la sauvegarde de la justice et même de l’équité,

il sera bon pour les deux parties, et afin d’éviter la négligence d’une part et le chantage de l’autre, de déterminer avec précision la quotité des versements pécuniaires à effectuer, non moins que la date des échéances. Cf. Merkelbach, t. ii, n. 385.

D’autre part, Vermeersch donne aux confesseurs cet avis fort judicieux : « Avant de conclure à l’existence de l’obligation de restituer et de se prononcer sur les moyens de la procurer, le confesseur ou conseiller devra préalablement bien peser toutes choses ; et, en ce qui concerne l’exécution au for externe, se munir de l’avis d’un homme compétent, à moins qu’il ne préfère renvoyer le pénitent consulter cet homme. » Cela, afin de ne pas favoriser les entreprises de certaines femmes astucieuses, qui accusent parfois de séduction certains jeunes gens inexpérimentés, qu’elles ont fait tomber elles-mêmes dans leurs filets ; elles exploitent ensuite leur naïveté, en faisant valoir à leurs yeux une paternité, parfois inexistante ou incertaine, sous le couvert de laquelle elles les « tiennent dans une longue et dure servitude ». Cf. Theol. mor., t. ii, n. 633.

A. Bride.


VIOLATION
I. Le mot et la chose.
II. Les divers cas de violation.

I. Le mot et la chose.

Entendu au sens le plus général, le mot violation (en latin violatio ou lœsio) s’entend de tout acte qui va à rencontre d’un droit, d’une règle, d’une loi : c’est ainsi qu’on parle vulgairement de violation de domicile, du droit d’asile ; le Code canonique a défini le délit : violatio legis… cui annexa sif sanctio canonica…, can. 2195. Mais parce que le droit ou la loi sont considérés comme ayant un caractère sacré, l’appellation évolua rapidement vers le sens de souillure, profanation d’un objet religieux ou sacré (on disait aussi pollutio, profanatio, exsecratio. ..) ; c’est ainsi qu’on parle de violation d’une église, d’un tombeau, d’un secret.

Le langage juridique, tant ecclésiastique que civil, est plus précis. Dans le droit romain cependant, le terme violation n’avait pas de signification spéciale en dehors de celle de transgression d’une loi. Ce que nous appelons en français « violation de dépôt » (cf. Code pénal, art. 408, 253-255), n’était en droit romain qu’une variété du furtum, le furtum mus. Cf. Dig., 1. XVL tit. m ; Cod, JusL, t. IV, tit. xxiv. L’ancien droit canonique ne parlait guère de violation qu’à propos d’églises souillées par des actes honteux ou criminels. Cf. Grat., III a pars, dist. I, c. 19. Mais on disait plus communément pollutio, lbid., c. 20 ; Décrétâtes, t. III, tit. xl, c. 10. Cf. Wemz, Jus Decretalium, t. iii, n. 442 ; Many. De loris et lemp. sacris, n. 30. Cependant, Boniface YIII employait les deux expressions comme synonymes, I. III, tit. xxi, in VI". Dans la constitution Apostolinr Srrfis (1800). n. 19, 20. il est question de violation de clôture » des religieux et des moniales.

Le Code pénal français prévoit la répression de la « violation de domicile ». art. 114. 184, et de la violation de sépulture ». art. 360. S’il s’agit des divers « secrets » (d’État, de fabrique ou professionnel), il emploie le mot i révélation ». art. 80. 378, )I8.

Le Code canonique parle de violatio ou lirsio pour marquer la transgression de la loi. eau. 2195. 2196, 2198. Les termes violart’, violatio (cf. Index analyticoalphabétlque ) sont réservés pour désigner soit les délits de profanation des enlises, can. 1 172-1 177, 2329, des cimetières, can. 1207. ou des cadavres, can. 2328, soit l’entrée dans la clôture des religieux ou des moniales, eau. 2312. soit la divulgation du secret sacramentel, can. 230’. ».

Dans le langage courant, les moralistes et les canonistes parlent encore de violation des » libelles.