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VI NT RAS (MICHEL) — VIOL


les abbés Maréchal, Héry et Breton, d’abord arrêtés, furent laissés libres de retourner dans leurs diocèses, à condition de s’engager à renoncer aux pratiques de la secte. Le premier seul y consentit et reçut un passeport pour Versailles, les deux autres partirent pour l’Angleterre, où Vintras ne tarda pas à les rejoindre quillet 1852). C’est dans un faubourg de Londres que se reconstitua l’état-major de l’Église vintrasienne ; autour du prophète installé dans son « Carmel » refluèrent les plus compromis de ses adhérents, entre autres le fameux abbé Léopold Baillard, de Sion, qui, de son exil, encourageait le petit groupe de ses fidèles lorrains.

Ce serait d’ailleurs une erreur de croire que les brutales dispersions de 1852 — Sion avait connu des événements aussi tragiques que Tilly — mirent fin à la secte. Il semblerait, au contraire, que l’année funeste ait été le point de départ d’un développement plus intense des Septaines, qui se multiplièrent non seulement en France, mais en Italie et en Espagne. L’Angleterre, bien entendu, avait une situation privilégiée. En octobre 1859, une université « éliaque » y était fondée, à laquelle s’adjoignait une chapelle « éliaque », avec l’autorisation du gouvernement. C’était l’époque aussi où Vintras publiait L’Évangile éternel, dans lequel ses rêveries prenaient corps sinon consistance. Le titre et l’inspiration en étaient évidemment empruntés, au moins par voie indirecte, au fameux Introductorius in Evangelium œternum du xiiie siècle. Cf. ici, t. viii, col. 1443 sq. Il ne négligeait pas pour autant le soin de ses fidèles dispersés. En 1863, il commençait en France une grande tournée durant laquelle il sacrait plusieurs pontifes ; en 1865, il est à Lyon, où il consacre le « sanctuaire intérieur du Carmel d’Élie ». qui allait devenir le grand centre de la nouvelle religion. L’Espagne et l’Italie reçurent aussi sa visite ; Florence spécialement où se fondait, en 1867, le « Carmel blanc », particulièrement riche en phénomènes surnaturels, hosties miraculeuses, vins mystérieusement apparus, etc. Mais Lyon restait le centre de son activité, le lieu de repos où il aimait à se retrouver après ses tournées pastorales. C’est à Lyon qu’il mourut, le 7 décembre 1875 ; il fut enterré au cimetière de la Guillotière. Four successeur, il avait choisi l’abbé Boullan qui devait, lui aussi, faire beaucoup parler de lui et serait condamné en 1887 par l’Eglise vintrasienne comme sorcier et fauteur d’une secte immonde. Mais l’Église vintrasienne évoluait déjà dans un sens assez différent de l’orientation primitive. Depuis que le spiritisme se formait en un corps de doctrines et de pratiques, cf. ici, t. xiv, col. 2514-2515, plusieurs des adeptes de Vintras — et de ceux de la première heure, — donnaient dans ces nouvelles extravagances ; les abbés Charvoz et Héry en devenaient les apôtres convaincus. L’histoire de l’Œuvre de la Miséricorde se confond désormais avec celle de l’occultisme, que nous n’avons pas à retracer ici.

Hcste à se poser la question : que fut Vintras ? un illuminé de bonne foi qui prit pour des réalités 1rs rêves d’une imagination délirante, un para-QOlaque qui crut à ses folies ? ou, au contraire, un charlatan, qui, une fois entré dans la voie de la mystification, se trouva pris lui-même à son jeu et lui obligé de développer dans un sens un peu inattendu srs premières inventions ? En faveur de cette seconde interprétation plaident surtout les faux mirai les, se ressemblant d’ailleurs singulièrement du premier jour an dernier. Ces apports Indéfiniment répétés d’hosties sanglantes, de parfums, de vins précieux et le reste ressemblent singulièrement aux tours d’un prestidigitateur assez moyen ; ils ne sont d’ailleurs même

pas de l’invention de Vintras. C’est d’Agen qu’ils viennent, où ils avaient fait illusion à bien des personnes qui pouvaient être de bonne foi. À eux seuls ces phénomènes suffiraient à écarter pour Vintras et pour ses premiers comparses l’hypothèse d’une vraie conviction à laquelle on cherche à convertir les autres. Et pourtant, avant de conclure ferme que le prophète de Tilly ne fut qu’un charlatan et un mystificateur, on se sent arrêté par l’accent de conviction que rendent certaines lignes écrites par lui. Ne faudrait-il pas admettre chez lui un fond réel de psychose, qui lui a permis de se croire inspiré d’en haut et qui l’a amené, plus ou moins consciemment, à mettre en œuvre, pour se concilier la foi des simples, des moyens, jugés par lui anodins. Il va sans dire que nous écartons toute idée d’une origine surnaturelle des révélations du prophète ; rien, dans l’œuvre de Vintras, ne porte la marque d’une action de Dieu. Il suffît de comparer aux révélations d’une Marguerite-Marie Alacoque ou d’une Bernadette Soubirous les pauvres élucubrations de l’Organe, pour voir la différence foncière qui les sépare. Dès l’origine, les manifestations de Paray-le-Monial, de Lourdes, disons encore de Fatima, ont incliné à la croyance les esprits équilibrés et les autorités ecclésiastiques ; celles de Tilly ont excité immédiatement la défiance des personnes de sang-froid : le doigt de Dieu n’était pas là. Et s’il fallait à toutes forces chercher dans les phénomènes de Tilly quelque chose qui dépassât les activités de la nature, ne faudrait-il pas, en définitive, se demander s’il n’est pas intervenu ici un pouvoir qui n’est ni celui de Dieu, ni celui des bons anges ? Nous voici sur la route de l’occultisme et du satanisme. Mieux vaut s’arrêter sur cette pente.

L’étude la plus sérieuse et la plus documentée est celle de Maurice Garçon, Vintras, hérésiarque et prophète, Paris, l’.)28 ; pour ce qui est de Boullan, successeur de Vintras, voir J. Bricaud, L’abbé Boullan. Sa nie, sa iloctrine et ses pratiques magiques, Chacornac, U)27 ; tout ce monde a laissé de nombreuses traces dans l’œuvre de Huysmans antérieure à sa conversion (18’.)2) ; dans La colline inspirée (Sion), Paris, 1913, M. Barrés a donné une idée assez exacte de l’action de Vintras, encore que bien des détails ne soient pas rigoureusement vrais. E. Mangenot, La colline inspirée. Un peu d’histoire à propos d’un roman, Paris, 1913, a relevé avec un peu d’àpreté ces inexactitudes ; ses recherches ultérieures sur les Baillard et leur inspirateur Vintras sont rassemblées dans un volumineux manuscrit conservé à la bibliothèque du séminaire de Nancy.

É. Amann.


VIOL.
I. Notion.
II. Le péché (col. 3065).
III. Le délit et les peines (col. 3068).
IV. La réparation des dommages (col. 3070).

I. Notion.

En l’absence de définition légale, le mot viol, ainsi que son synonyme français stupre (qui traduit le latin sluprum), n’a pas toujours été entendu dans un sens univoque. Dans la Vulgate, stuprum désigne tout commerce charnel illicite, qu’il s’agisse d’un rapt (enlèvement de Dina par Sichem, Gen., xxxiv, 13), d’une sollicitation à l’adultère (par la femme de Putiphar, Gen., xxxix, 10), de la prostitution (d’une lille de sacrificateur, l.ev., xxi, 9) ou d’un adultère (Nniii., v, 13). De là une signification très large qu’obtint le mot dans les siècles passés : omnis concubilus illicitus. Ce sens était encore commun », au xiiie siècle, d’après le témoignage de saint Thomas, Sum, theol., IL-IF. q. cliv, a. ti, ad 2um, Cf.

Aerlnys, Theol. moralis, I. i. n. 210.

En essayant de définir la chose, théologiens et moralistes, obéissant à des préoccupations différentes,

ne se sont pas placés exactement au même point de vue ; de là vient que les notions qu’ils nous ont laissées ne sont pas toujours tics concordante*.