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VINCENT DE LERINS (SAINT)

VI NT RAS (MICHEL)

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Nancꝟ. 1895 ; du même, Vincenlis Peregrini seu alin nomine Marii Mercaloris Lirinensis C.ommoniloria duo, Nancꝟ. 1898. Cette thèse paradoxale n’a obtenu aucun succès. Elle a été bien réfutée par II. Koch, Vinceiitius von Lerinum und Marins Mercalor, dans Theolotj. Quartalschr. . 1. i.xxxi, 1899, p. 396-434.

On verra encore sur saint Vincent de Lérins : J.-II. Newnian, An essay on the development oj Christian doctrine, Londres, 1843, §§ 8, 9, 13, 15, 19 ; U. I. Reilly, Quod ubique, quod scmper, quod ab omnibus. Étude sur lu règle de foi de saint Vincent île Lérins, Tours, 1903 ;.1. Lortz, lier Kanon des Vincentius von Lerins, dans Der Katholik, 1913, t. ii, p. 245-255 ;.1. Madoz, El concepto de la Tradicion en S. Vincente de Lerins, estudio liistorico-critico del Commonitorio, Rome, 1933 ; A. d’Alès, La fortune du Commonitorium, dans Recherches de science religieuse, t. xxvi, 1936, p. 334-356.

G. Bardv.


VINTRAS Pierre-Eugène-Michel, illuminé et fondateur d’une secte qui eut quelque diffusion au xixe siècle (1807-1875). — Né à Bayeux le 7 avril 1807, dans un milieu très modeste, il eut une jeunesse difficile, pendant laquelle il arriva à garder la foi chrétienne. Après avoir essayé de diverses professions, il accepta, à Tilly-sur-Seule (Calvados), en 1839, la direction d’un moulin où se fabriquait du carton. Il était associé avec Ferdinand Geoffroi, né en 1792, ancien notaire, vivant surtout d’expédients, qui s’était fait à partir de 1833 l’agent du fameux Naundorf (se prétendant Louis XVII). Geoffroi avait fréquenté des cercles mystico-politiques où se transmettaient depuis plus de cinquante ans des révélations célestes, dont il n’est pas malaisé de suivre la filiation.

I. Le Vintrasisme dans l’Église. — C’est à partir d’août 1839 que Pierre-Michel Vintras se prétendit lui-même en communication avec des personnages angéliques, soit à Tilly, soit à Paris où ses affaires l’amenaient quelquefois. Ces anges, puis saint Joseph, en attendant la sainte Vierge et Notre-Seigneur lui-même, entretenaient le prophète et lui donnaient mission de prêcher YŒuvre de la Miséricorde. Les pires calamités allaient fondre sur le monde, seuls les fidèles groupés autour de Vintras, qui s’appelait lui-même l’Organe, et protégés par les talismans qu’il commençait à distribuer, sauraient échapper au désastre. Cette catastrophe serait le prélude du règne du Paraclet, du règne de l’Amour. Autour du prophète, qui souvent paraissait tomber en extase, un petit groupe de fidèles commença de se rassembler, à Tilly d’abord, puis assez vite dans des centres parfois assez éloignés. Une Septaine sacrée se formait à Tilly, qui aurait bientôt des émules en diverses villes de France ; quelques prêtres donnèrent leur adhésion au mouvement ; le premier semble avoir été un abbé Charvoz, curé de Montlouis, dans le diocèse de Tours, qui fut le théologien du mouvement. C’est lui, nous paraît-il, qui donna quelque cohérence aux révélations de Vintras. Pour qui connaît le montanisme, le doctrine prêchée à Tilly s’apparente assez étroitement à celle de Montan et de ses prophétesses. Plus encore reflète-t-elle le joachimisme des xiie et xiiie siècles. Voir ici Joachim de Flore, t. viii, col. 1434 sq. Quoi qu’il en soit, des prodiges plus ou moins surprenants semblèrent venir à l’appui de la véracité de Vintras. Les plus remarqués furent des apports et disparitions d’hosties ensanglantées, d’abord à des messes célébrées par des prêtres ralliés à la secte, puis indépendamment de toute messe dans le petit oratoire établi à Tilly à la fabrique de carton. Ces apparitions d’hosties n’étaient pas, d’ailleurs, sans rapport avec des phénomènes du même genre qui, depuis quelque temps, arrivaient à Agen. Deux des fameuses hosties d’Agen furent, en effet, apportées à Tilly ; bientôt le nombre de ces hosties sanglantes se multiplia extraordinairement au point qu’on put

commencer à en distribuer aux adeptes les plus sûrs. Ainsi visions, prophéties, apports d’hosties se répétaient fréquemment, et tout cela entretenait la ferveur de la primitive communauté. Un autre moyen pour augmenter la cohésion de la secte, ce fut la révélation aux affidés du nom de leur ange gardien, sur lequel le prophète était renseigné par des communications d’en-haut. Il se constitua ainsi une liste de noms plus baroques les uns que les autres, tous terminés en ael. Vintras lui-même était sous l’égide de Strathanæl, l’archange des séraphins.

Cependant, l’abbé Charvoz avait rédigé, en dépit de Vintras, qui prêchait la prudence, un mémoire intitulé : Opuscule sur des communications annonçant l’Œuvre de la Miséricorde, et qui portait pour épigraphe : El renovabis faciem terrse. Répandu à 6 000 exemplaires, ce mémoire fut bientôt aux mains de l’évêque de Bayeux, qui, d’ailleurs, avait déjà eu l’occasion de s’occuper de la première apparition d’hosties. Le 8 novembre 1841, celui-ci rendait son jugement : il déclarait que « l’Opuscule sur les communications annonçant l’Œuvre de la Miséricorde contenait des principes contraires à l’enseignement et à la loi de l’Église catholique, que les révélations et les miracles dont on voulait se prévaloir ne pouvaient venir de Dieu. Il réprouvait donc et condamnait l’association établie pour la propagation de ces révélations et de ces principes ».

Cet acte de l’autorité ecclésiastique fit réfléchir quelques adeptes de la première heure, mais ancra plus fermement dans sa foi en l’Organe la masse des adhérents. Privés pendant quelque temps de la présence de Vintras qui avait été condamné à la prison, ils ne laissèrent pas d’envoyer à l’évêché de Bayeux une profession de foi où ils exposaient leur attitude (4 janvier 1843) : Ils croyaient à tous les articles de foi contenus dans les symboles officiels de l’Église, aux dogmes et aux mystères révélés, à l’unité, la sainteté, l’infaillibilité de l’Église, et à tout ce que celle-ci proposait, avait proposé ou proposerait à notre foi, comme maîtresse infaillible de la doctrine. Mais, continuaient-ils, « si notre foi à l’Église infaillible est aveugle, elle est raisonnable a l’égard des pasteurs isolés, qui peuvent se tromper ; nous professons donc obéissance à notre premier pasteur, en tant qu’il est l’expression de la volonté de l’Église catholique ». C’était dire assez clairement que l’on en appelait du jugement de l’évêque à celui du pape : « Quant aux lumières actuelles, nous les publions, continuait le manifeste, par ordre de Dieu, pour convier à notre conviction les hommes droits de cœur et de bonne volonté, qui seront heureux de la possession de ces richesses spirituelles et pourront contribuer eux-mêmes, par leurs prières et leurs pénitences, à mitiger et à abréger les temps de deuil et d’affliction qui doivent précéder le beau règne de la Miséricorde. Mais nous proclamons qu’à la sainte et infaillible Église romaine, seule, il appartient de déclarer articles de foi les vérités dues, selon nous, à une Révélation divine : vérités que l’Église enseigne implicitement et nécessairement depuis les apôtres. Sans prétendre imposer notre croyance à personne, nous attendons avec confiance le moment désiré, où, après la persécution et la terrible tempête prédites, la sainte Épouse de Jésus-Christ prononcera sur la Révélation que nous lui faisons connaître, adhérant d’avance à tout ce qu’elle décidera. »

On voit si l’auteur de cette profession de foi mettait son soin à se donner’toutes les apparences de l’orthodoxie, à éviter les moindres expressions compromettantes. Cette déclaration toutefois ne devait pas empêcher la catastrophe. Le 8 novembre 1843, le pape Grégoire XVI adressait à l’évêque de Bayeux