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    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. LA THÉOLOGIE CAPPADOCIE NN E

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Bilan de la théologie cappadocienne. —

Est-ce à dire que le mystère divin est expliqué d’une manière complète et définitive par les affirmations des Cappadociens ? On ne saurait le croire ; car il s’agit des réalités les plus impénétrables à l’intelligence humaine, les plus difficiles aussi à exprimer. Cependant, les grands docteurs de la Cappadoce ont apporté une contribution de première importance à l’énoncé du dogme trinitaire et nous devons maintenant essayer d’en préciser le sens.

L’arianisme, après la grande crise du début, après les longues controverses qui avaient troublé la fin du règne de Constantin et tout le règne de Constance, avait fini par s’orienter dans deux directions différentes. D’une part, les extrémistes avec Aèce et Eunome en étaient venus à nier toute ressemblance entre le Père et le Fils ; d’où le nom d’anoméens sous lequel on désigne leurs partisans. Cette position était des plus logiques : du moment où l’on refuse d’admettre la parfaite divinité du Fils, il n’est pas possible de dire qu’il est semblable au Père sans tomber dans de grossières équivoques. Dieu est unique ; il dépasse infiniment l’ordre des choses créées, et celles-ci sont tout à fait différentes de lui ; elles sont d’une autre espèce, d’une autre nature, d’une autre substance. Les tentatives faites par les homéens, à plus forte raison par les homéousiens, pour rapprocher le Fils du Père sont vouées à l’insuccès. Il faut, pour lutter contre l’anoméisme, affirmer le consubstantiel et reconnaître que le Fils est D’eu comme le Père. D’autre part, les homéousiens, contraints d’accepter en effet la pleine divinité du Fils, mais incapables d’aller jusqu’au bout de leur effort, n’acceptaient pas de confesser la divinité du Saint-Esprit ; et c’est sur ce dernier point qu’ils s’opposaient désormais aux orthodoxes.

Les Cappadociens ont eu à faire face en même temps aux pneumatomaques et aux anoméens. Nous n’avions pas ici à rappeler en détail les luttes qu’ils ont dû soutenir pour défendre la consubstantialité du Saint-Esprit au Père et au Fils : d’autres articles ont développé ce sujet. N’oublions pas cependant l’importance de leur enseignement. Chacun d’eux l’a donné en tenant compte des circonstances particulières de son action. Saint Basile ne s’exprime peut-être pas en termes aussi précis que saint Grégoire de Nazianze et saint Grégoire de Nysse : c’est qu’il doit avant tout se conduire en ouvrier de paix et mettre en relief les éléments d’accord plutôt que les points de friction qui peuvent subsister entre lui et les évêques voisins. Saint Grégoire de Nysse s’efforce de préciser ce qu’est au juste la procession du Saint-Esprit : il explique que le Fils est immédiatement causé par le Père, tandis que l’Esprit Saint n’est causé par le Père que par l’intermédiaire du Fils. Ainsi, conclut-il, il n’est pas douteux que le Fils reste Fils unique et il n’est pas douteux non plus que l’Esprit vienne du Père, le Fils intermédiaire gardant sa qualité de Fils unique et n’empêchant pas l’Esprit d’avoir avec le Père sa relation naturelle. Quod non sint 1res dii, P. G., t. xlv, col. 133. Orateur, saint Grégoire de Nazianze s’en tient aux points définis. Il rappelle que le Saint-Esprit procède du Père : parce qu’il procède du Père, il n’est pas le Père ; et parce qu’il procède, il n’est pas engendré ; donc il n’est pas le Fils. Nous ignorons en quoi consiste exactement cette procession : après tout, elle n’est pas plus mystérieuse que ràYevvTjota du Père ou la y^vtjctiç du Fils. Oral., xxxi, 7-8, P. G., t. xxxvi, col. 140-141.

La lutte contre les anoméens est peut-être plus facile, parce qu’il s’agit d’un problème examiné depuis plus longtemps. Les Cappadociens insistent cependant sur la distinction des personnes divines, plus que ne l’avaient fait les premiers défenseurs du concile de Nicée : c’est que le point de vue des hérétiques s’est déplacé ; contre eux, il faut désormais montrer que le Fils peut être Dieu tout en étant personnellement distinct du Père et que cependant le monothéisme ne court aucun danger. On a parfois accusé les Cappadociens d’avoir trahi sur ce point précis l’orthodoxie de Nicée et l’on a prononcé à leur sujet le nom de néonicéens. L’accusation est fausse et ne résiste pas à un examen attentif du problème. Tout autant que les Pères de Nicée, les docteurs cappadociens tiennent au monothéisme. Ils ne cessent pas de l’affirmer de la manière la plus nette, la plus catégorique. Seulement ils se trouvent obligés, pour tenir compte de toutes les données de la révélation, de dire qu’il y a en Dieu trois choses, trois dénominations, trois personnes. Encore le terme dénomination est-il insuffisant, car le Père et le Fils et le Saint-Esprit sont bien autre chose que des noms que nous attribuons à Dieu : le Père n’est pas le Fils ; le Saint-Esprit n’est ni le Père ni le Fils. Le sabellianisme est une erreur qu’il faut rejeter avec autant d’énergie que le polythéisme des païens et l’erreur judaïque. D’ailleurs, le Père ne serait pas Père s’il n’avait pas de Fils ; le Fils ne serait pas Fils s’il n’avait pas de Père ; et l’Esprit Saint ne serait pas l’Esprit du Père ou celui du Fils s’il ne procédait pas du Père, par l’intermédiaire du Fils.

Aussi longtemps qu’ils s’en tiennent à ces affirmations, les Cappadociens méritent d’être loués sans réserve. Il faut les critiquer seulement quand ils s’efforcent de donner une définition de la personne qui soit applicable d’une manière univoque aux personnes divines. Nous savons mieux aujourd’hui qu’un tel problème est insoluble et que nous devons nous contenter de faire appel à l’analogie. Le réalisme, professé surtout par saint Grégoire de Nysse, ne laisse pas de nous déconcerter et nous n’avons pas de peine à comprendre que l’Occident ait longtemps refusé de faire siennes les formules orientales.

Une histoire détaillée demanderait que l’on insistât ici sur les efforts poursuivis sans trêve par saint Basile entre 370 et 379 pour se rapprocher du siège romain et des évêques d’Occident. L’évêque de Césarée se proposait d’une part de faire reconnaître du pape saint Damase l’autorité de Mélèce sur le siège d’Antioche, d’autre part d’obtenir la confirmation des expressions qu’il employait lui-même et qu’employaient ses amis au sujet de la Trinité. Il échoua lui-même dans cette double tâche. Le pape Damase ne cessa pas de rester en communion avec Paulin d’Antioche et les réponses qu’il envoya en Orient au sujet de la Trinité évitèrent soigneusement de canoniser les formules cappadociennes. « Il faut croire que le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont d’une seule divinité, d’une seule figure, d’une seule substance », déclare un premier texte. Un second est déjà plus précis : Damase se réjouit de l’accord de l’Orient et de l’Occident, quia omnes uno ore unius virtutis, unius majestatis, unius usiæ dicimus divinilatem : iia ut inseparabilem potestatem, très lamen asseramus esse personas, nec redire in se aut minui, ut plerique blasphémant, sed semper manere ; et un peu plus loin : Spiritum quoque sanctum increatum, atque unius majestatis, unius usiæ, unius Dirtulis cum Deo Pâtre et Domino nostro Jesu Christo fateamur. P. L., t. xiii, col. 351. Rien de plus habile que cette rédaction. Le pape emploie, sans le traduire, le mot « ousie », qu’il sait accepté par les grecs, tout autant que par les latins, mais il évite de se prononcer sur le terme litigieux d’Û7ïé(TTaoiç et se contente de parler de trois personnes : le latin persona est seulement dégagé de toute signification sabellienne.

Au lendemain de la mort de saint Basile, la paix que n’avait pas vue le vaillant évêque de Césarée fut conclue par un concile d’Antioche que présida saint Mélèce. Ce concile accepta les formules romaines, et saint