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les diverses affirmations du tome de Léon admises par Chalcédoine, mais en prenant ces affirmations dans un sens suspect et en leur opposant des corrections qui rectifient, au fur et à mesure, la doctrine ainsi exposée. Aux énoncés de Léon et du concile de Chalcédoine, on semble prêter ce sens que la confession des deux natures exclut l’unité de personne, et on réagit là-contre en insistant, avec une lourdeur peu commune, sur ladite unité. Garnier (voir sa note, col. 1044 A) voit dans cette rédaction, un artifice pour tromper les hérétiques auxquels les anathématismes étaient adressés : leurs préjugés les amèneraient à tourner à leur sens des propositions qui, en vérité, étaient catholiques. L’hypothèse vaut ce qu’elle vaut et Garnier a bien raison de voir ici un stratagème inexcusable. Peut-être donnerait-elle quelque garantie à l’authenticité de la lettre et de ses appendices ; nous aurions affaire, dans la circonstance, à l’un de ces documents, comme il s’en rencontre plus d’un dans la lamentable affaire des TroisChapitres. C’est pourquoi nous serions moins décidé que Duchesne à nier l’authenticité de cette lettre. L'Église au r/e siècle, p. 176, n. 1. D’ailleurs Pelage, diacre de Vigile et son successeur, paraît bien faire allusion à ce document quand il écrit : Léo papa Urbis Romee quem Vigilius tanlo nomine anathematizando secretius manu propria dogmata ipsius condemnavit. In defens. trium capil. Au début de son pontificat, Vigile aurait été entraîné à faire aux chefs du monophysisme sévérien les avances auxquelles ils s'était plus ou moins explicitement résigné dans ses entretiens avec Théodora.

Tout ceci est de la diplomatie occulte. Pendant que Théodora favorisait le monophysisme, Justinien, fidèle à sa première attitude et aux leçons de son oncle Justin, demeurait le défenseur attitré de l’orthodoxie et de Chalcédoine. Extérieurement Vigile ne pouvait que l’engager à persévérer dans cette voie. C’est ce qu’il fait dans une longue lettre du 17 septembre 540, Jaffé n. 910. Le pape vient de recevoir du basileus, et sans doute aussi de Menas, une missive contenant la profession de foi de ceux-ci et les décisions du concile tenu dans la capitale par le nouveau patriarche. Combien remercie-t-il Dieu d’avoir donné au souverain « une âme vraiment sacerdotale » ! Puisse Justinien montrer toujours le même attachement aux enseignements de Célestin et de Léon, repris par les prédécesseurs immédiats de Vigile, Hormisdas, Jean I effet Agapet. « Ces doctrines ce sont aussi les nôtres et nous demeurons, pour notre part, tout spécialement fidèle aux deux lettres de Léon à Flavien et à l’empereur son homonyme (ce doit être la lettre dogmatique, Jaffé, n. 542), lettres où notre prédécesseur confond la double perfidie de Nestorius et d’Eutychès. Les évêques qui ne se rallient pas à ces décisions du Siège apostolique ne sont pas dignes de demeurer en place. Quiconque les discute, nous le séparons de l’unité de la foi catholique. Nous approuvons en tout la profession de foi (libellum fidei) que jadis, par notre intermédiaire, votre piété a remise au pape Agapet de pieuse mémoire, notre prédécesseur. Nous admettons aussi le texte de Menas (le nouveau patriarche) (il doit s’agir du « concile de Menas », tenu à Constantinople après la mort du pape Agapet), dont vous nous avez donné connaissance ; il est conforme aux promesses faites par celui-ci au pape Agapet ; les condamnations qu’il porte contre Sévère, Pierre d’Apamée, Anthime, Xénéas, Théodose d’Alexandrie, Constantin de Laodicée, Antoine Versentanus et finalement contre Dioscore, nous les confirmons de notre autorité apostolique frappant d’un même anathème les complices des condamnés, tout en laissant place

à la pénitence. Mais nous ne croyons pas qu’il faille, de notre part une nouvelle sentence. Et bien que votre piété ait pu, à l’instigation de quelque perfide conseiller, émettre des soupçons sur nous, à cause de notre silence — on avait peut-être remarqué au Sacré-Palais le peu d’empressement de Vigile à se prononcer — nous espérons bien que vous ne laisserez pas diminuer les privilèges du Siège apostolique. » Une lettre de même signification partait le même jour à l’adresse du patriarche Menas. Jaffé, n. 911.

Mais, sous des influences diverses, la pensée de Justinien allait se détacher peu à peu du chalcédonisme intégral. Le basileus, aussi bien, se transformait de plus en plus en théologien ; il faudrait bon gré mal gré que le pape lui emboîtât le pas. Ayant reconnu en lui « une âme vraiment sacerdotale », comment le pape ne s’inclinerait-il pas devant les indications de ce pontife ? Il s’inclinera dans la question du néoorigénisme ; cf. art. Origénisme, t. xi, col. 1578 au bas ; il s’inclinera dans l’affaire des Trois-Chapitres, ce qui est de bien plus grave conséquence. Nous ne reprendrons pas ici l’exposé de cette affaire compliquée, des conséquences fâcheuses qu’elle eut pour la mémoire de Vigile et pour le prestige du Siège apostolique, qui en a été compromis pour longtemps. Tout au long de cette histoire, Vigile nous apparaîtrait avec le même caractère : il se rend compte de la gravité de la démarche qui lui est demandée ; des voix autorisées ne cessent de lui représenter l’atteinte qu’elle porterait à l’autorité de Chalcédoine ; il comprend quel est son devoir de premier pasteur de l'Église ; par moment, il retrouve du courage et il a des attitudes de confesseur et presque de martyr ; dans le judicatum du 14 mai 553 qudicalum de la I re indiction), il a vraiment grande allure et cette pièce, quoi qu’il en soit de la part qu’y ont eue les conseillers du pape, est un morceau doctrinal qui fait à Vigile le plus grand honneur. A l’endroit de Menas, d’Eutychius, de Théodore Askidas, il agit avec une pleine conscience de ses droits de souverain pontife. Chose étrange, ce pape qui, finalement, s’est montré si faible, revendique, comme peu de ses prédécesseurs l’avaient fait, les droits du Siège apostolique. Mais dans les mêmes moments, il essaie par la pire des diplomaties secrètes de ne pas se brouiller avec le basileus. A Justinien, à Théodora, il envoie des documents dont l’empereur saura faire usage en son temps pour énerver la résistance du pauvre pape. Tout cela reste bien conforme à ce que nous a montré le début du pontificat ; tout cela prépare la grande capitulation de décembre 553 et le judicalum de la IIe indiction du 23 février de l’année suivante. Et, pour que Vigile reste fidèle à lui-même jusqu’au bout de cette lamentable affaire, il ne quittera Constantinople qu’après avoir obtenu du basileus, comme récompense de ses bons et loyaux services, la Pragmatique qui, dans l’Italie reconquise par les Byzantins, fait très grands les droits temporels et honorifiques du Saint-Siège. Cf. Jaffé, post n. 937. Au printemps de 555, il part enfin pour Rome ; à Syracuse, sur le chemin du retour, une attaque plus grave de la maladie de la pierre, dont il souffrait depuis longtemps, devait l’enlever. Son corps fut rapporté à Rome et enseveli à Saint-Marcel sur la voie Salaria. Somme toute, regrettable pontificat, préparé par les louches manigances du diacre de Boniface II, inauguré par l’action violente contre Silvère, aboutissant enfin, après d’extraordinaires péripéties à la grande trahison de 5541 II faut tout le courage de certains apologistes pour en faire une page glorieuse de l’histoire de l'Église romaine !

I. Sources.

Elles ont toutes été énumérées soit au cours de l’article, soit à Trois-Chapitres : Jaffé, Regesta