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VIGILK (PAPE)


aux injonctions de la basilissa une ferme et digne réponse : « A Dieu ne plaise, lui répondit-il ; la première fois j’ai agi sans réflexion ; mais à présent je ne consentirai pas à rappeler un hérétique. Tout indigne que je sois, je suis le vicaire de l’apôtre Pierre, comme le furent mes prédécesseurs, Agapet et Silvère, qui l’ont condamné. » La suite de la notice est de la même encre : elle parle des griefs considérables que les Romains avaient contre Vigile : ses machinations contre Silvère, ses violences contre diverses personnes ; elle note qu’au moment de son enlèvement, des manifestations contradictoires se produisent, et pourtant elle signale la fermeté avec laquelle, transporté à Constantinople, il sait, au moins à diverses reprises, résister à Justinien. Elle lui prête ce mot : « C’est à Dioclétien et à Éleuthérie que j’ai affaire. Faites de moi ce que vous voulez. C’est la juste punition de ce que j’ai fait : digna enim factis recipio. » Et l’un des asistants soufflette Vigile, en disant : « Rappelle-toi que tu as mis à mort le pape Silvère. » Ibid., p. 296-298.

En définitive, le Liber pontificalis rejoint Libératus et Victor ; pour être moins précise, sa déposition ne laisse pas d’accuser Vigile. Il serait donc imprudent de rejeter ces divers témoignages, qui paraissent indépendants. Celui des Africains peut être vicié par la passion ; celui du biographe romain ne semble pas inspiré de sentiments analogues. Il faut conclure qu’au dire d’écrivains contemporains, Vigile est arrivé à la chaire apostolique au prix de collusions regrettables. Quant à dire que ces tractations aient laissé des traces écrites et que Vigile ait remis aux mains de la basilissa une promesse en forme, c’est une autre affaire. Il est des attitudes, des paroles, des silences même, qui engagent autant qu’un écrit. Théodora a dû faire comprendre à Vigile ce qu’elle attendait de lui, s’il devenait pape ; Vigile a laissé entendre qu’il n’était pas impossible de donner satisfaction à la basilissa. À cela, et c’est déjà trop, ont pu se ramener les tractations de Constantinople qui ont fini par mettre l’ambitieux archidiacre sur la chaire de saint Pierre où, depuis si longtemps, il désirait s’asseoir.

II. Le pontificat de Vigile.

1° Affaires occidentales. — Avant d’examiner les conséquences qu’eut pour le pape, dans les affaires d’Orient, la fausse situation qu’il s’était créée, indiquons sommairement ses interventions en Occident.

A l’endroit du siège d’Arles, il continue la même politique qu’avaient suivie ses prédécesseurs : faire de l’évêque de cette ancienne capitale de la Gaule romaine son représentant au delà des Alpes. C’est d’abord avec saint Césaire qu’il est en rapports. Le 6 mars 538, il lui signale le mauvais cas où s’est mis le roi des Francs, Théodebert (fils de Thierry et petit-fils de Clovis), en épousant la femme de son frère (après le décès de celui-ci). Le roi a fait demander à Rome quelle pénitence il devait faire pour cela. On lui a répondu que c’était là une faute très grave, mais que l’injonction de la pénitence était de la compétence des évêques locaux, qui seraient plus aptes à fixer la grandeur de la composition à fournir. Césaire reçoit du pape mandat de régler la durée de la pénitence. Mais il devra insister auprès du souverain pour que celui-ci se sépare, en dépit de cette pénitence, de la femme à laquelle il s’est uni contre la loi divine. Jaffé, Regesta, n. 906. Césaire étant mort le 27 août 543, c’est avec son successeur Auxanius que les relations continuent. Le 18 octobre 543, Vigile félicite celui-ci de son élection ; il lui propose en exemple la conduite de son prédécesseur Césaire et le dévouement que celui-ci a toujours montré à l’endroit du Siège apostolique. Il lui enverra ulté rieurement le pallium et les divers privilèges y afférents, mais il faut d’abord qu’il se mette d’accord sur le tout avec l’empereur. Jaffé, n. 912. L’année suivante, en mai, il précise à Auxanius qu’à la demande du roi Childebert (roi de Paris de 511 à 558), il accorde au titulaire d’Arles le droit de représenter le Siège apostolique. Dans le territoire que délimite l’acte pontifical, Auxanius présidera les assemblées épiscopales chargées de discuter les questions contentieuses. Ces affaires seront réglées sur place à moins qu’il ne s’agisse de questions relatives à la foi, de reliyione fidei, ou de quelque point de trop d’importance. De même l’évêque d’Arles donnera-t-il aux évêques du ressort à lui confié les litterse formatée dont ils ont besoin pour sortir de leurs diocèses. Des règles lui sont également fournies pour l’usage du pallium. Jaffé, n. 913. À la même date, une lettre pontificale annonce aux évêques des Gaules du royaume de Childebert et à tous ceux que l’ancienne coutume rattache au siège d’Arles, les pouvoirs donnés à Auxanius. Celui-ci est le vicaire du pape, noster vicarius ; ils devront donc répondre à son appel quand il les convoquera en synode. Semblablement une lettre de la même date confle-t-elle à Auxanius le soin de ventiler l’affaire de la nomination de Prétextât à l’évêché de Chalon : il ne faudrait pas que des laïques fussent élevés trop rapidement à l’épiscopat. Jaffé, n. 915. Auxanius ne fit guère que passer sur le siège d’Arles, où il fut remplacé par Aurélien. À la demande de Childebert, Vigile lui renouvelle les concessions faites à son prédécesseur. Jaffé, n. 918. Une lettre adressée aux évêques du royaume de Childebert leur expliquait comment le premier devoir du pape était de maintenir la paix entre les Églises : l’un des meilleurs moyens pour cela était qu’il y eût, dans la région gauloise, quelqu’un qui représentât la personne du pape, selon que l’avaient déjà réglé les prédécesseurs de Vigile. Jaffé, n. 919. Toutes ces pièces sont d’importance pour montrer la signification que le Siège apostolique attachait à la création du vicariat d’Arles. Cinquante ans plus tard, le pape saint Grégoire essaiera à son tour de donner corps à cette institution.

Représentant du pape au delà des Alpes, Aurélien n’a pas seulement à exercer une juridiction ; il doit rendre au titulaire du Siège apostolique des services personnels. À partir du départ de Vigile pour Constantinople, des bruits fâcheux commencent à circuler dans les Gaules sur l’orthodoxie du pape. Dès avril 550, Vigile, qui a reçu d’Aurélien une lettre où celui-ci se fait plus ou moins l’écho de ces rumeurs, répond à l’évêque d’Arles une longue missive : « Ayez confiance, lui écrit-il, que nous n’avons absolument rien accepté qui aille contre les constitutions de nos prédécesseurs ou la foi proclamée par les quatre conciles. Faites savoir à vos évêques qu’il ne faut pas tenir compte des écrits mensongers mis en circulation ou des dires de certains personnages. Nous espérons qu’au roi Childebert, dont nous savons la vénération pour le Siège apostolique, vous persuaderez qu’il rende à l’Église les services sur lesquels nous sommes en droit de compter : le roi des Goths vient de réoccuper Rome ; que Childebert veuille bien lui demander par écrit de ne pas se mêler, lui qui est d’une autre confession, aux affaires de notre Église et de ne rien faire qui puisse la troubler. En un mot, montrez-vous un véritable vicaire de notre siège. » Jaffé, n. 925.

Au fait, les rois francs ne laissaient pas de s’inquiéter, évidemment à la suggestion de leur entourage ecclésiastique, des attitudes contradictoires prises par Vigile dans l’affaire des Trois-Chapitres. Nous en avons la preuve dans un curieux mémoire envoyé