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VIE ETERNELLE. L’ECRITURE

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mystérieux qu’entrevoit déjà Isaïe, xxvi, 19. Le péché conduit l’homme aux lieux infernaux, Prov., n, 16-18, 22, tandis que « le sage suit un sentier de vie qui mène en haut pour se détourner du séjour des morts qui est en bas ». xvi, 24. Pareillement Job, malgré l’ignorance et, pourrait-on dire, la non-espérance en laquelle il se débat, sent en lui une aspiration profonde vers une éternelle destinée de son âme. Voir ici t. viii, col. 1472-1474. Certains psaumes complètent ces lueurs de vérité : une discrimination doit s’établir entre justes et impies au jour du jugement divin, ps. i, 5 ; ix, 8-11, 16-19, 35-39 (heb. 14-18), xvi, 13-15 ; xlix ; lxxxi. Il semble que, par suite de ce jugement, l’âme juste doive être libérée du Se’ôl, xv, 9-11 ; xvi, 15. Cette dernière affirmation — progrès intéressant — se trouve plus explicitement marquée au ps. xlviii, 15-16 : jamais les impies ne pourront racheter leur âme du Se’ôl, « mais Dieu, dit le psalmiste, rachètera mon âme de la puissance du Se’ôl, car il me prendra avec lui ». « L’opposition bien marquée avec le sort des impies qui précède et le sens technique du mot prendre (laqah) employé déjà à propos de la translation d’Hénoch et d’Élie (Gen., v, 24 ; IV Reg., ii, 10) montrent à l’évidence que dans les derniers mots il s’agit d’une vie de bonheur après la mort, vraie vie menée auprès de Dieu, loin de cette région désolée qu’est le se’ôl… La formule est encore vague, imprécise ; mais le principe est posé, la justice souveraine de Dieu est brillamment revendiquée, les destinées de l’homme s’éclairent d’un jour splendide. » Vaccari, art. cit., col. 485. Voir aussi le ps. lxxii, 23-24 et ici t. xiii, col. 1140-1143.

3. La vie éternelle des justes. —

De nouvelles révélations ajoutent encore à ces demi-précisions. Laissons de côté Eccli., xxiv, 21, où l’affirmation d’une vie éternelle promise à ceux qui mettent en lumière la sagesse ne se lit que dans la Vulgate, et Tob., xii, 9, où la vie éternelle promis : a ceux qui tout l’aumône e « t simplement, d’après les Septante, une longue vie.

Daniel, le premier, jette une lumière plus nette sur les conditions de la vie future. C’est dans la perspective du jugement dernier, précédé de la résurrection : « Seront sauvés parmi ton peuple tous ceux qui seront trouvés inscrits dans le livre. Et beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière se réveilleront les uns pour une vie éternelle, les autres pour un opprobre, une infamie éternelle. » xii, 1-2.

La même foi en une résurrection suivie d’une vie éternelle de félicité pour ceux qui auront été fidèles à la loi de Dieu fait la consolation des frères martyrs du second livre des Machabées, vii, 9, sic oùcoviov àva6îwaiv Çcorjç àværrrçaEi. Cf. ꝟ. 23, 36. La résurrection de l’impie, par contre, ne semble pas enseignée au v. 14. Le séjour des morts ne sera que transitoire pour les justes. Judas Machabée fait prier pour les soldats coupables, morts à Jamnia : « S’il n’avait pas cru que les soldats tués dans la bataille dussent ressusciter, c’eût été chose difficile et vaine de prier pour les morts. Il considérait en outre qu’une très belle récompense est réservée à ceux qui s’endorment dans la piété. » Ibid., xii, 43-45. Une controverse existe entre exégètes concernant les rapports de la résurrection et de la vie éternelle dans ces textes de l’Ancien Testament. Cf. M.-J. Lagrange, Le judaïsme avant Jésus-Christ, p. 343 sq. Voici la conclusion de cet auteur : « Ce n’est pas par la foi en la résurrection qu’on est venu à la foi en la vie éternelle. La vie éternelle de la personne humaine est l’essentiel, la résurrection est une conséquence de la vraie nature de l’homme que Dieu daignera reconstituer tout entière », p. 351. Voir ici t. ix, col. 1490.

Le livre de la Sagesse atteste également ce progrès doctrinal. Dieu avait créé l’homme, âme et corps pour l’immortalité, ètt’àçôocpaîqc, ii, 23. Mais, après le péché, « le corps, sujet à la corruption, appesantit l’âme », ix, 15. La sagesse toutefois rappelle à l’homme sa destinée immortelle, dont elle porte en elle-même la raison, la promesse, le gage, vi, 18-20 ; viii, 13, 17 ; xv, 3. Les justes, après de légères souffrances, peines pour leurs péchés ou simples épreuves, seront dans la paix ; leur espérance est pleine d’immortalité ; ils brilleront comme la flamme, jugeront les nations et domineront sur les peuples, et le Seigneur régnera sur eux à jamais, iii, 3-8. Les impies, au contraire, rejetant la sagesse et la discipline, sont voués au malheur : leur espérance est vaine. Si leur vie est longue, ils seront comptés pour rien ; s’ils meurent promptement, ils n’auront pas d’espérance, iii, 10-1718. Le juste qui meurt jeune a fourni en peu de temps une longue carrière et, parce que son âme était agréable à Dieu, le Seigneur s’est hâté de le retirer de l’iniquité. Dieu a ses desseins sur lui et il l’a mis en sûreté, iv, 13-17. Les impies ne comprendront pas et se moqueront, mais le Seigneur les brisera et ils seront parmi les morts dans l’opprobre pour toujours, iv, 18-19. Suit le contraste entre bons et méchants après leur mort : gémissements et regrets des impies, témoins stupéfiés de cette révélation inattendue du salut des justes, v, 1-14 ; vie éternelle des justes dans le Seigneur, v, 15 sq. Tous ces textes montrent clairement qu’une vie éternelle de bonheur sera la récompense des justes. Si le sort des impies est décrit avec moins de netteté, il n’en apparaît pas moins comme une déchéance et une souffrance éternelle : le séjour dans le se’ôl est désormais réservé exclusivement aux impies, iii, 10-11 ; iv, 18 ; xvii, 14, 20. Voir Sagesse, t. xiv, col. 742.

4. Reflet de cette évolution dans la théologie juive. —

Cet aspect du problème n’est pas négligeable et manifeste l’influence de la révélation et des conceptions alexandrines sur le judaïsme palestinien. Cf. J. Bonsirven, Le judaïsme palestinien au temps de Jésus-Christ, t. i, Paris, 1935. De l’homme qui meurt, il est dit fréquemment que son âme sort ou se sépare du corps, qu’elle monte vers Dieu, que Dieu la « reprend ». Voir plus haut la remarque sur la valeur technique de ce mot. Que deviennnent les âmes ? « Suivant les doctrines juives, elles sont mises en réserve jusqu’au moment de la résurrection, moment où elles seront de nouveau réunies au corps pour être récompensées ou punies avec lui. En attendant, ou bien justes et impies partagent également l’existence amoindrie en commun et comme sans vie des ombres ; ou bien les unes et les autres ont déjà reçu, sous des formes diverses, un mode d’être correspondant à leurs œuvres bonnes ou mauvaises. » Bonsirven, op. cit., p. 323-324.

Tel est le thème général, dont s’écarte assez résolument la conception des esséniens Pour eux, l’âme, détachée des liens du corps, débarrassée de son long esclavage, prend son vol joyeux vers les hauteurs. L’influence grecque domine ici, ainsi que, mais avec moins de cohérence, chez Josèphe. Voir les références dans Bonsirven, p. 324.

Les apocryphes serrent de plus près le thème fondamental. L’Hénoch éthiopien (voir F. Martin, Le livre d’Hénoch, traduit sur le texte éthiopien, Paris, 1906) enseigne que toutes les âmes, après la mort, séjournent au même lieu de tristesse, le Se’ôl. Mais elles sont reçues dans des réceptacles différents : les justes martyrs avec Abel, les autres justes, les pécheurs non encore jugés et condamnés sur terre, les autres pécheurs. La destinée de ces âmes reçoit déjà par là une différenciation : les justes ont tout au moins l’espérance des récompenses futures. Mais