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VIE ÉTERNELLE. L’ECRITURE

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a une signification plus déterminée et se rapporte à cette vie future qui ne doit pas finir et sera le partage de tous les hommes sans exception après leur mort. « Éternel » est donc pris ici, non au sens absolu du mot, ni en un sens indéterminé, mais au sens relatif d’une vie participant de l’éternité, parce que n’ayant pas de fin. Voir Éternité, t. v, col. 919.

Ancien Testament.


Cette croyance en une survie était admise plus ou moins confusément dans les anciennes religions, Voir Ame, t. i, col. 977 ; mais elle est devenue particulièrement précise grâce à la révélation divine. Toutefois, cette révélation fut progressive : « La loi de Moïse, dit à ce sujet Bossuet, ne donnait à l’homme qu’une première notion de l’âme et de sa félicité… Mais les suites de cette doctrine et les merveilles de la vie future ne furent pas alors universellement développées, et c’était aux jours du Messie que cette grande lumière devait paraître à découvert… Encore donc que les Juifs eussent dans leurs Écritures quelques promesses des félicités éternelles et que, vers le temps du Messie où elles doivent être déclarées, elles en parlassent beaucoup davantage, comme il paraît par les livres de la Sagesse et des Machabées, toutefois cette vérité faisait si peu un dogme formel et universel de l’ancien peuple, que les sadducéens, sans le reconnaître, non seulement étaient admis dans la synagogue, mais encore étaient élevés au sacerdoce. C’est un des caractères du peuple nouveau de poser pour fondement de la religion la foi de la vie future, et ce devait être le fruit de la venue du Messie. » Discours sur l’hist. univ., IIe Part., c. xix.

1. Période de croyance confuse. —

Les plus anciens livres de la Bible attestent la croyance des patriarches et du peuple hébreu en une vie future, croyance encore bien vague et s’apparentant à une tradition commune aux peuples anciens plutôt qu’à une révélation proprement dite. Après leur mort, les hommes iraient dans le Se’ôl. Ce Se’ôl n’est pas l’anéantissement, ni une expression générique pour désigner le tombeau ; c’est le séjour des âmes et non des corps. Cf. Gen. xxxvii, 35 ; xlii, 38 ; xliv, 29, 31 ; Num., xvi, 30, 33 ; Deut., xxxii, 22. Ainsi les âmes se réunissent en ce séjour : « descendre au séjour des morts », c’est « être réuni à son peuple » ou encore « retourner à ses pères » ; ce qui implique une survivance dans l’au-delà de ce peuple et de ces pères. Gen., xv, 15 ; xxv, 8, 17 ; xxxv, 29 ; xliv, 29, 32 ; Num., xx, 24, 26 ; xxvii, 13 ; xxxi, 2 ; Deut., xxxi, 16 ; xxxii, 50. Car il ne s’agit pas seulement de partager le lieu de sépulture des pères : témoin Jacob, réuni à son peuple et à ses pères longtemps avant de recevoir la sépulture. Gen., xlix, 29, 33 ; l, 2, 7.

La croyance à la survie trouve deux autres preuves dans la pratique d’évoquer les morts, Deut., xviii, 11 ; cf. Is., xiv, 9 et surtout I Reg., xxviii, 8 (évocation de l’ombre de Samuel) ; et dans le récit des trois résurrections opérées par Élie et Elisée, III Reg., xvii, 17-24 ; IV Reg., iv, 17-37 ; xiii, 20-21. L’enlèvement d’Élie sur un char de feu manifeste aussi l’existence d’une autre vie.

Une notion aussi vague de la vie future ne pouvait comporter qu’une idée très imprécise sur l’état des .unes dans le Se’ôl. Ces âmes, les re/û’im, sont décrites, dans les livres postérieurs au Pentatcuque, comme des ("très inertes, sans force, ps. lxxxvii (Vulg.), 5-6, 9 iq. ; l’rov., ix, 18 ; xxi, 16, des ombres, Job, xxvi, Is., xiv, 9, des êtres déchus, Is., xiv, 10, couchés flans le repos d’un sommeil que certains textes disent I. Ez., xxxi, 18 ;, cf. xxxii, 21 ;.1er.. LI, 39-57 ; Nahum, iii, 18 ; cf. Eccli., xxii, 9-11 ; xxx, 17 ; xli, 4. de délices dans le séjour des morts. F.rcli., xiv, 16-17. Sur cet état des âmes, voir également Job, m, 13, 17-18 ; Is., v, 14-15 ; xiv, 11 ; xxvi, 24 ; xxxviii, 18 ; Bar., ii, 17. Êtres insaisissables, les refâ’im ne peuvent plus célébrer les louanges de Dieu, ps. vi, 6 ; xxix, 10 ; lxxxvii, Il sq. ; exiv, 17 sq., et Dieu, dit-on, ne se soucie plus d’eux, ps. lxxxvii, 6. Cette dernière assertion s’explique en ce sens que les habitants du Se’ôl ne sont plus sujets aux vicissitudes d’ici-bas, dirigées par la Providence. Cf. Vaccari, art. Psaumes, dans le Dict. apol. de la foi calh., t. iv, col. 484.

2. Premières lueurs. —

Il n’est donc pas question de bonheur éternel, récompense de la vertu, ni de malheur éternel, châtiment du crime. Récompenses et châtiments appartiennent à la vie présente. C’est du moins l’affirmation qui semble ressortir des textes cités jusqu’ici. Et pourtant Dieu est souverainement juste ; cf. ps. x, 12 ; xxxiv, 24 ; cxviii, 137 ; Jer., xxin, 6 ; xxxiii, 16 ; et il saura venger le bon affligé et confondre le méchant, ps. xxxiv, 8 ; xxxv, 4 ; lxi, 2 ; lxiii, 4-7, etc. Il rendra à chacun selon ses œuvres, ps. lxi, 13 ; Lam., iii, 64. Comment accorder cette justice avec le fait de la prospérité du méchant et du malheur du juste, fait maintes fois constaté ? cf. ps. ix, 1-2 ; lxxii ; Eccl., ii, 14-15 ; iii, 16-22 ; iv, 1 ; vu, 15-16 ; viii, 10, 14 ; ix, 11 ; x, 5-7. C’est là un grave problème, agité tout au long du livre de Job et bien posé en xxi, 7-16.

De nombreux textes semblent résoudre la difficulté dans le plan de la restauration messianique. Les bons triompheront avec le nouveau royaume d’Israël. C’est dans ce triomphe que la justice de Dieu s’affirmera avec éclat. Mais ce point de vue, fréquemment mis en relief par les prophètes, ne saurait apporter le moindre élément de solution au problème de la destinée des âmes individuelles dans l’au-delà.

Cet aspect individuel du problème a reçu de la révélation, même avant Jésus-Christ, quelques lumières encore confuses, mais qui, se complétant peu à peu, ont permis à la pensée juive de s’orienter vers des solutions définitives.

Une première solution veut demeurer cohérente avec la donnée archaïque du problème : le se’ôl réceptacle commun des âmes justes et impies, condamnées toutes à un sommeil éternel. La justice de Dieu s’est faite sur la terre : le bonheur des méchants dure très peu et bien vite la mort ou quelque autre accident y vient mettre un terme, tandis que les justes, après une très courte épreuve, jouiront d’une longue paix, ps. xxxvi, 10-11. C’est la solution préconisée par les amis de Job, viii, 11-22 ; xv. — Malheureusement si une telle expérience se vérifie parfois, elle est loin d’être universelle : Job innocent n’a-t-il pas eu à supporter une longue épreuve ? Aussi Job se contente de se taire pour ne pas offenser Dieu et scandaliser le prochain. Cf. Job, vi-vii ; xvi, 4 sq. ; xxi, 16 sq.

On répond aussi que, si le juste souffre, c’est qu’il n’est pas sans péché, ps. xxxvii, 5 ; xxxix, 13 ; cxlii, 1-2 ; Job, vii, 20-21 ; ix, 17-21 ; x, 14 ; xiii, 26 ; xix, 4-6, et que le méchant qui jouit présentement est réservé à de grands châtiments, ps. ix, 18-35. L’EccIésiaste enseigne que le juste a son vrai bonheur en lui-même et que le méchant n’est pas heureux, vin, 12-13. Voir ici t. iv, col. 2023. Pour une étude plus approfondie de la doctrine de PEcclésiaste, voir E. Podechard, L’EccIésiaste, Paris, 1912, Introd., p. 186-189 ; cf. p. 72 sq. ; 81 sq. ; 95-97 et les notes sur iii, 21, p. 312-316 ; iii, 22, p. 317-319 etxii, 7, p. 170-472.

En face des faits, cette réponse est, de toute évidence, insuffisante. Le livre des Proverbes encourage le juste, dont l’espérance ne saurait être confondue, xiv, 33 ; xv, 9-11 ; xxiii, 18 ; xxiv, 14. Et cette espérance s’oriente vers un autre monde, vers un au-delà