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2955 VICTRICE DE ROUEN. VIE ÉTERNELLE 2956

le rencontra auprès de saint Martin et noua avec lui des relations qui devaient être durables. Sulpice Sévère, nous l’avons déjà indiqué, raconte une nouvelle rencontre de Victrice et de Martin à Chartres, dont l’évêque était alors saint Valentin : Martin consentit, dans cette circonstance, à exaucer les prières d’un père qui lui demandait la guérison de sa fille âgée de douze ans. Au cours de son épiscopat, Victrice se distingua par son zèle pour la conversion des infidèles : il fît en effet annoncer l’Évangile et l’annonça lui-même dans le pays des Nerviens et des Morins, c’est-à-dire la Flandre, le Brabant, le Hainaut et le Cambrésis. Ces missions étaient en plein essor en 399, année où fut écrite la première lettre de saint Paulin par laquelle nous connaissons les événements rapportés jusqu’à présent. Quelques années plus tard, Victrice dut lui-même venir à Rome pour y voir le pape Innocent Ier (404). Nous ne savons pas le motif exact de ce voyage : il semble, si nous comprenons bien les expressions employées par l’évêque de Noie, qu’on faisait alors à Victrice quelques objections au sujet de sa foi et qu’il dut présenter sa justification. Celle-ci fut complète, car Innocent Ier lui écrivit peu après une lettre toute remplie de la joie qu’il a eue à le voir et de l’estime qu’il lui conserve. La lettre d’Innocent à Victrice est entrée dans les collections canoniques : elle contient en effet des règles importantes sur différents sujets, en particulier sur le recrutement du clergé et sur les vertus des clercs. Rentré dans son diocèse sans avoir pris le temps d’aller jusqu’à Noie, au grand regret de Paulin, Victrice reprit le cours de sa vie active et bienfaisante, qu’il termina aux environs de 410, selon les vraisemblances. On ne sait rien de plus sur sa vie et sur sa mort. L’Église de Rouen le regarde comme un saint et fait son anniversaire le 7 août.

Sous le nom de Victrice, nous possédons un opuscule assez curieux, intitulé De laude sanctorum, composé à l’occasion de l’arrivée à Rouen d’un bon nombre de reliques que l’évêque avait reçues d’Italie. P. L., t. xx, col. 443-458. Il avait eu recours, pour constituer ce trésor, aux bons offices des évêques italiens dont il était l’ami ou le correspondant, Ambroise de Milan, Paulin de Noie, Gaudentius de Brescia : un premier envoi comprenait des reliques de saint Jean-Baptiste, de saint André, de saint Thomas, des saints Gervais et Protais, de saint Agricol, de sainte Euphémie, de saint Luc. Il est très curieux de noter que cette liste est, à peu de chose près, celle que, donne Gaudentius de Brescia dans un de ses discours prononcé lors de la dédicace de l’église consacrée aux martyrs ; Gaudentius mentionne en effet saint Jean-Baptiste, saint Thomas, saint André, saint Luc, les saints Gervais, Protais et Nazaire, les saints Sisinnius, Martyrius et Alexandre, et enfin les quarante martyrs de Sébaste. L’absence des saints Sisinnius, Martyrius et Alexandre dans le traité de saint Victrice n’a rien qui doive nous surprendre, car il est possible que ces martyrs aient été encore en vie lorsque Victrice reçut ce premier envoi. Une seconde expédition de reliques dut être faite un peu plus tard ; elle comprenait des restes de beaucoup plus de saints : saint Jean l’Évangéliste, Proculus de Bologne, Saturninus et Trajan (deux saints guérisseurs originaires de la Thrace ou de la Macédoine, H. Delehaye, Les origines du culte des martyrs, Paris 1912, p. 277-278), Nazaire de Milan, Mocius de Byzance, un thaumaturge célèbre, cf. H. Delehaye, op. cit., p. 267-269, Alexandre de Drizipara, Datysus, qu’il faut sans doute lire Dasius de Durostorum, ibid., p. 284-285, Chindeus, qu’il faut peut-être identifier à un autre martyr de Thrace, vénéré à Axiopolis, à moins qu’il ne s’agisse d’un martyr de Pamphylie, ibid., p. 288, Rogatus et Léonida, qu’on ne saurait identifier avec certitude, Anastasia, martyrisée à Sirmium ; Anatolia, honorée dans la Sabine, ibid., p. 357, Antonin, qui paraît être le grand martyr de Plaisance. Ces deux listes sont caractéristiques, car elles mettent en relief l’importance prise par le culte des saints au début du ve siècle et le zèle pieux avec lequel on se disputait leurs reliques. Saint Victrice est pour nous un des témoins les plus importants de ce culte. Il est à peine besoin d’ajouter qu’il lui assigne la place qui convient dans la religion chrétienne, bien qu’il insiste, peut-être plus que nous ne le faisons aujourd’hui, sur la vertu des reliques, émanation de la puissance céleste, résidant tout entière dans la moindre parcelle aussi bien que dans le corps entier du saint : « L’esprit divin, écrit-il, anime les saints dans le ciel et leurs corps sur la terre. Leur sang, même après le martyre, demeure tout imprégné du don de la divinité. Que les reliques des justes ne nous fassent donc pas tomber dans l’erreur du vulgaire. Soyons bien persuadés que ces restes sacrés des apôtres, si menus soient-ils, contiennent la vérité de toute leur passion corporelle… S’il en est ainsi, nos apôtres et nos martyrs sont certainement venus à nous avec toute leur vertu. » De laude sanct., passim. On peut donc invoquer avec une entière confiance les saints dont on possède la moins importante des reliques : « Est-ce que les reliques apportent un soulagement aux malheureux d’une façon en Orient, à Constantinople, à Thessalonique, à Naïssus, et d’une autre à Rome en Italie ? Jean l’Évangélîste guérit à Éphèse et en plusieurs autres lieux et sa même vertu agit aussi parmi nous. Proculus et Agricola guérissent à Bologne et nous contemplons aussi leur majesté à Rouen. Qui guérit vit, et qui guérit est dans les reliques. Or, les apôtres et les martyrs guérissent. Ils sont donc dans leurs reliques. » Ibid., 22. Ces idées sont celles du peuple chrétien, dont Victrice se fait ici l’interprète. Il est intéressant d’en relever l’expression.

Le De laude sanctorum figure dans P. L., t. xx, col. 443458. Une nouvelle édition, qui ne marque d’ailleurs pas un progrès sensible, a été préparée par Sauvage et publiée par A. Tougard, Paris, 1895. Sur la langue de Victrice, cf. C. Paucker, dans Zeitschr. fur die ôsterreich. Gymnasien, t. xxxii, 1881, p. 481 sq. Voir aussi Tillemont, Mémoires, t. x, p. 667-674 ; E. Vacandard, Saint Victrice, évêque de Rouen, Paris, 1903, et Études de critique et d’histoire religieuse, 3° série, Paris, 1912, p. 74-92 ; H. Delehaye, Les origines du culte des martyrs, Paris 1912, p. 404-405.

G. Bahdy.



VIE ÉTERNELLE.

— Le symbole des apôtres se termine par le petit article : « la vie éternelle ». Ce texte, on le verra, n’est pas primitif ; il est une simple explication de l’article précédent : « la résurrection de la chair ». On se bornera ici à en marquer :

I. Les fondements scripturaires ; II. L’origine historique.

I. Fondements scripturaires.

La vie éternelle pourrait être envisagée du côté de Dieu qui est essentiellement vie et vie éternelle. Cf. Deut., xxxii, 40 ; Num., xiv, 21, 28 ; Jud., viii, 19 ; I Reg., xvii, 26 ; Ruth, iii, 13 ; Dan., vi, 26 ; Apoc, iv, 10 ; x, 6 et surtout Joa., i, 4 ; xiv, 6 ; I Joa., v, 20, etc. Dieu est vie, principe éternel de toute vie. Act., xvii, 25-28. — L’expression « vie éternelle » pourrait désigner aussi cette durée indéfinie que l’Écriture appelle fréquemment « le siècle à venir » et qui se confond plus ou moins avec l’ère messianique laquelle en doit marquer le début ; ou encore répondre à ces formules si fréquemment employées dans les psaumes ou les prophéties, in œternum, in sœcula, in sœcula sœculorum. — Le dernier article du symbole que nous avons à expliquer