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VICTORINUS AFER. LA VIE CHRETIENNE


façons, aucune gloire à tirer ni de vous, ni de vos œuvres. Je ne sais vraiment pas comment celui qui pense qu’un mérite revient à ses œuvres, peut vouloir que ce mérite soit à lui, et non à Celui qui a fait (en lui ces bonnes œuvres), suum merilum esse vult, non pra’slantis. C’est encore là de la jactance… C’est Dieu qui, par un mystère à part », le mystère de notre incorporation au Christ, a préparé les acteurs et les œuvres : « il nous a façonnés et formés dans le Christ à une vie nouvelle, nous qui croyons in Christo. Et puis, il a préparé, créé pour nous, formé en nous des œuvres bonnes… ». Loc. cit., col. 1256 AB.

Ainsi, avait-il dit, les œuvres des chrétiens doivent être aussi des « œuvres de chrétienté », faites dans et par le Christ, par cette sève divine qui est équivalemment la foi ou la grâce.

a) Par la joi. — « Quiconque a reçu le Christ et pris foi en lui, in eum sumpserit fi.de.rn, devra se conduire en vrai (chrétien), et vivre selon l’Esprit… » Loc. cit., col. 1257 B. Ainsi « rien de corporel, neque circa corpus, neque de corpore, neque propler corpus, ni la circoncision, ni les œuvres, ni rien de semblable, n’a de valeur dans le Christ… Mais la foi assurée » et agissante « opère pour le salut par la charité ». Col. 1189 D.

b) Par la grâce sanctifiante. — Elle envahit tout, en sorte qu’il n’y a plus en nous rien (de nous) ». Col.

1231 A. Il est de notre condition de chrétiens de tout faire, de tout supporter, mais en croyant bien que c’est Dieu qui nous rend forts pour tout cela. » Col.

1232 C. Enfin cet adage tout augustinien : « Notre vie divine, nous la redevons à Dieu’: vita Dei quæ vita est christianis, Deo debetur a nobis. » Col. 1278 A.

4. Dans les actes surnaturels.

On peut compter, non seulement sur la grâce habituelle, mais sur la grâce actuelle de Dieu : » C’est un grand don de Dieu, qu’avec la seule foi nous méritions sa grâce ; car, cum (idem prsestatis, a Deo graliam meremini. » Ad Phil., i, 25 et 30, col. 1201 C, 1203 A. Comme saint Paul et saint Augustin, Victorin insiste sur la pari de Dieu. sur i son opération » : l’Apôtre a dit : Salutem vestram operamini ; mais, pour qu’on ne risque pas de faire trop peu de cas de la grâce de Dieu, si chacun semblait se faire son salut, il ajoute : Deus est enim qui operatur… Opérez donc votre salut, mais l’opération même vient de Dieu : car Dieu opère en nous, et fait que vous voulez ainsi. D’une façon le vouloir est nôtre, et pourtant, puisque le vouloir nous est donné par Dieu, a Deo, c’est donc de Dieu même, ex Deo, que nous vient opération et volonté. lia utrumque mixtum est. Ad Phil., n. 13, col. 1212 A. La consigne est donc double : courage a coopérer à la grâce, ne minus faciendo…, et crainte d’aller contre la volonté fie Dieu ; confiance que Dieu donnera l’efficace et fera bonne notre volonté », col. 1212 B ;

nous sommes d’ailleurs maîtres de notre volonté, et mérita de bonis bona habemus, si nous résistons au démon. Mais, si nous péchons, c’est que nous faisons b-mal dlaboli l’oluntate ». Col. 1281 A.

5, L’/ persévérance dans la vu- <tr foi. - C’est un grand don de Dieu, si par la seule foi en le Christ nous méritons, meremur, une si grande grâce qui a son issue à la palme el à la victoire ». Ad Phil., t, 30, col, 1203. Il y a donc vraiment un mérite de notre part ; mais celui-là vient, comme les autres, d’une grâce spéciale. 1 t pul. lorsque nous aurons participé à cette dernière souffrance du Christ, au fardeau de sa mort, nous serons d’une certaine façon sur le chemin de la

résurrection des morts. Là la récompense, ici le labeur ; Ici la vie, là-haut le mérite et la gloire ». Ad Phil., iii, 11. col. 1220 B. C’est la grâce spéciale de la Évérance finale ; car le doute vient de ce qu’on it encore, el qu’il peut arriver bien des choses, el surtout la morl elle-même, col, 1221 I) et puis, « tant qu’on est en vie, nous sommes en train de nous associer aux souffrances du Christ ; mais c’est jusqu’à la mort qu’il faut s’y associer… », col. 1220 D ; et le fondement du mérite de condigno : « Par nos souffrances, nous courons pour saisir le Christ, en participant à ses souffrances… À son tour, il nous saisit tous par ses souffrances : nous y sommes donc bien, dans la passion du Christ ». Col. 1221 B. C’est elle qui fait le mérite de la souffrance chrétienne.

La gnose.

« Celui qui sait que l’amour est au-dessus

de toute science, accomplit pleinement (déjà le précepte de) la charité du Christ. L’Apôtre, aussi bien, ne prie pas pour qu’on accomplisse (les préceptes), parce que cela va de soi comme une conséquence : il prie pour qu’on ait la science de la charité. C’est là la plénitude de Dieu, que les Grecs appellent le 7TXrjpw(i.a, la perfection à qui rien ne manque, plénitude que le Christ, par son mystère, opère (dans les âmes), qu’il accomplit (dans le monde), qu’il a déjà accompli (en sa rédemption) ». Col. 1270 C. On sentira la transformation profonde que Victorin a fait subir à la doctrine orgueilleuse de Plotin, pour qui la destinée des âmes n’est que la connaissance rationnelle de l’ordre des choses, pour qui le but du voyage est l’union de l’intelligence au principe suprême du monde par ses propres forces.

1. Le but.

Pour Victorin, au contraire, le but à atteindre n’est plus, selon l’expression de Plotin, « l’intelligence mondaine du monde, qui n’est qu’imprudence », ce n’est pas la sagesse du monde, mais celle qui vient de Dieu », et qui consiste à comprendre quæ sit l’oluntas Domini : que veut le Seigneur ? qu’a-t-il voulu (de toute éternité) ? Que nous vivions dans l’intégrité, la justice et la foi, que nous ayons en Lui notre espérance, que nous n’ayons de pensées que pour Dieu. Ad Ephes., v, 16-17, col. 1280 AB.

Il faut donc, conclut notre néoplatonicien, « se connaître soi-même et connaître Dieu », col. 1239 C : c’est tout le programme de saint Augustin au temps de sa conversion. Seulement Victorin lui donne une expression plus philosophique, Ad Ephes., i, 4, col. 1239 C : si et se noverii et Deum sciât. La formule, dont notre philosophe a la primeur, diffère légèrement de celle des Soliloques par l’ordre fies mots et plus encore par les considérations philosophico-religieuses dont il l’étaie. À rencontre du converti d’Hipponc. qui voit dans ces deux réalités suprêmes les deux pôles de la charité, Dieu source de lout amour et de tout bien, l’âme foyer de concupiscence et de faiblesse, le disciple de Plotin essaie d’adapter la vie spirituelle aux données de la philosophie néoplatonicienne de la purification. En deux mots, connaître l’âme, c’est « se rendre compte » de sa dignité première et de sa déchéance antérieure à son union au corps, et donc du danger constant où se trouve l’âme humaine ; connaître Dieu, c’est i savoir » les régimes successifs qu’il imposa aux âmes : le monde créé, la loi ancienne, puis la libération chrétienne. Tels sont les deux stades de la vie morale i Par elles -mêmes, les âmes ne sont pas l’esprit, mais sont telles qu’elles peuvent le rece voir. Puisque telle est sa nature, si elle se comporte purement et avec tous ses moyens, intègre et per/ectis omnibus, et que les choses qui lui sont étrangères, elle les apprenne pour les répudier et les exclure, à bon droit elle devient parfaite. d’une perfection naturelle, dirait-on ; « et, devenue parfaite par un détachement total, la connaissance de Dieu lui apportera la pleine science de l’ordre de l’univers, srienliam plénum cum receperit universitatis, elle sera constituée par le fait même spirituelle i. Ad Ephes., i. 1. col. 1239 C, (m aura reconnu la purification et la contemplation plotiniennes [Ennéades, I. t, 3 ; I. vi, 0 ; VI, vii, 32 et 31). surnaturalisées en une ascèse, active, perfectio,