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293’VICTORINUS AFER. LE MYSTÈRE RU CHRIST

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toute sa puissance sensible, déjà pourvue d’un voûç pour la diriger. C’est donc qu’il y a en l’homme une autre âme plus divine avec son voûç à elle. » Cette âme supérieure inspirée par Dieu n’est autre, à notre avis, que l’âme intelligente et spirituelle telle qu’elle préexiste dans le Créateur, le Verbe. Comment se fait l’union entre l’âme spirituelle et l’âme forme du corps ? Victorin ne le dit pas, mais la compare à l’emprise de l’élément mâle sur l’élément femelle. Col. 1177 A. En résumé, l’homme se compose de cinq parties : « un esprit divin (par son origine) est dans l’âme divine ; cette âme divine est tombée en un esprit matériel, celui-ci dans une âme matérielle, et celle-ci enfin dans un corps charnel ». Loc. cit., col. 1087 B. L’appui que Victorin cherche en l’Évangile, Matth., xxiv, 40-11 ; Luc, xvii, 34, garde à sa construction métaphysique son caractère illusoire ; mais les considérations morales qu’il en tire, à savoir « qu’il faut purifier le corps terrestre avec ses trois » (éléments directeurs : l’âme animale, le sens charnel, et l’âme raisonnable) peuvent s’autoriser de la terminologie de saint Paul. Col. 1087 C. Si l’homme se laisse diriger par son âme raisonnable, il est déjà à l’image de la Trinité supérieure, col. 1087 D ; car « l’âme n’est pas le Aôyoç, Ratio, le Verbe, image du Père ; mais elle est rationa lis : c’est l’âme telle que nous la voyons maintenant et dans le monde. Se laisse-t-elle conduire par son esprit, elle deviendra juxta simililiidinern, telle qu’elle aurait dû être si Adam n’avait pas péché », c’est-à-dire telle qu’elle était avant de tomber en ce monde, donc spirituelle dans le Christ. Adv. Arium, t. I, c. xx, col. 1054 C. L’âme humaine, déjà supérieure « par sa substance, au monde matériel qu’elle habite, est susceptible de le dominer par une qualité surajoutée : elle obtiendra cette perfection de son être raisonnable par la foi en Dieu et en Jésus-Christ ». Loc. cit. Et même « plusieurs enseignent — ce sont les platoniciens — que les âmes ainsi sauvées sont d’une étoffe éternelle, pour pouvoir être délivrées de leur qualité d’âme ». Col. 1252 P.

C’est là le fondement d’un ordre surnaturel : l’âme humaine avec son esprit et son corps, « réplique de la Trinité divine, a mis son image sur le monde insensible : car c’est bien notre âme, qui se souvient de son origine supérieure et qui soulève les âmes du monde », qui oriente vers Dieu la vie de l’univers. Col. 1088 B. L’âme faite par le triple Esprit » — par les trois personnes divines — « n’est pas une voix isolée, moins encore le Verbe de Dieu ; c’est un écho, l’image de la de Dieu. L’âme, en ce monde, crie qu’elle connaît Dieu comme son Seigneur, el elle veut être puri-Qée pour jouir de Lui : elle a été envoyée dans le inonde comme témoin du témoin qui est le Christ ». Adv. Arium, l. 1, c i.vi, col. 1083 A. Cf. Tertullien, De testimonio anima, P. L., t. i, col. 612.

Car le dessein de Dieu, en envoyant les âmes dans le monde, et même en créant le monde pour elles, Ad Ephes., l, 4, col. 1212 A. n’a pas été purement négatif. Il a voulu, sans doute, que « l’âme enlisée par la matière, connût ce que sont les sens et leur peu de valeur. col. 12 1(1 A ; - il faut qu’elle trouve à se perfectionner et a revenir à son intégrité (originelle) en ee monde même qui aurait pu la retenir, i Col. 1241 B. Captivité toute à notre avantage, puisque connaissant tous les maux de la servitude, col. 121.’. C. nous sommes acculés à un choix réitéré au cours de la vie : Cette déchéance de l’âme, qui lui fait expérimenter tout ee qu’elle peut devenir, lui fait connaître aussi ce qu’elle doit poursuivre et choisir. Col. 1239 C. I.a science plénieic qu’elle acquiert de l’univers . la juste notion du peu de valeur ctes choses du monde, lui vaut, avec la lundi re de Dieu, de devenir des ici bas spirituelle. LOC, (il. la vie des ainemonde est une épreuve : In adversis probatur justus, in tenebris lumen, in falso veritas. Col. 1242 C. En termes platoniciens, la vertu est une science ; en termes chrétiens, le salut, le triomphe du monde est une grâce.

Car, « si les âmes peuvent ainsi devenir spirituelles, c’est qu’elles sont promues par la puissance de Dieu à un état meilleur ». Loc. cit., col. 1244 B. « Cette âme meilleure, pure, intègre, cet esprit plus fort », col. 1270 A, « c’est Dieu qui en a développé les possibilités par l’abondance de sa grâce, alors qu’il laisse tous les’autres êtres à leur place. » Col. 1244 B. « C’est par le bienfait de Dieu et par sa grâce que nous sommes libérés de ce siècle mauvais, par Dieu le Père et la passion du Christ. » Col. 1248 D. Voir d’autres textes dans H. de Leusse, art. cit., p. 211-214. L’appel à la vie divine répond certes à une disposition « native » de l’âme créée dans le Verbe, mais que Dieu doit réveiller dans les âmes « nées » dans le monde : Cum enim natura sint aliud (quam spiritus), in sensum… labi possint, et rursus excitala virtute nttlurali, et Deum noverint, et Deo vicinæ sint, et Deo veluti filii exsislanl. Devenir ainsi des fils adoptifs est un bienfait qui est presque au-delà de nos désirs. Col. 1242 À et D. Aussi bien, « puisqu’il s’agit d’adoption pleine, assurée, au sens propre du mot, et qu’il n’y a qu’un vrai Fils, nos âmes étant bien différentes de Celui qui est l’image de Dieu, c’est par le Dieu-Christ qu’elles devront être prises pour avoir le droit d’être dites fils de Dieu ». Loc. cit., col. 1243 A.


VII. Le mystère du Christ.

C’est de tous les enseignements de Victorin l’un des plus décevants. Accusons-en l’état rudimentaire de la doctrine christologique au milieu du ive siècle ; peut-être aussi une catéchèse particulièrement nuageuse : Quomodo istud audivi et dico, col. 1081, et qui autorisait d’avance toutes les spéculations du converti. On notera toutefois que, grâce aux rites traditionnels de la catéchèse, l’essentiel est tout de même sauvegardé des mystères de l’incarnation et de la rédemption.

Les hérésies.

Il note deux erreurs opposées : l’une, celle des patripassiens, qui confond le Père et le Fils, alors que « nous enseignons un Père et un Fils, ce dernier seul passible - par son incarnation dans la matière ; et celle de Marcel d’Ancyre et de Photin, qui relègue le Christ hors de la Trinité, quartum mitem Filium, en disant que le Verbe est une réalité, el l’homme une autre, en quoi réside le Christ : le Verbe le régit comme un serviteur et lui aurait préparé le siège (de Fils)… Adv. Arium, t. I, c. xlv, col. l()7. r > B. Sur les patripassiens, cf. col. 1074 ; sur Photin, col. 1055 1 ! -1 ().">() A. Les symmachiens disent que i Jésus est Adam, et l’âme universelle, et autres blasphèmes de ce genre », col. 1155 B ; l’ancien docétisme y voyait « un fantôme en figure d’homme i, Ad Phil., il", 7. col. 1208 C.

L’élément divin.

C’est le Verbe, le Fils, et aussi le Christ éternel. Il s’est trouvé « un hérétique pour dire que Paul n’appelle presque jamais le Christ, Dieu. (.’est pourtant ce que nous avons prouvé en de nom breux passages ». Ad (ial., i, 2, col. L148 A. Voir les exégèses curieuses de (ial., II, 10, col. 1019 C ; de Phil., iv, 20, col. 1231. Aussi faut-il bien comprendre cpie le Christ, avant de s’incarner, existait », col. 1046 A. i qu’il était l’Esprit de Dieu et Dieu lui-même i, col. 1050 I). Quand existait-il ? Avant devenir en son corps. Quel était il ? Le Verbe de Dieu. Col. 1055 C.

De même, le Fils est bien le nom au-dessus de loul nom cpie le Christ a reçu du Père à son retour au ciel ; mais, s’il a alors reçu ce nom. il avait auparavant la vertu, la réalité, il était le /VoYOÇ. Qui pourrait dire qu’il n’était pas des lors appelé- I ils’… I’enseignement