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    1. VICTORIN US AFER##


VICTORIN US AFER. I, KS ŒUVRES DE DIEU

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forme de dieux des éléments, col. 1180 B ; sur la révélation qui leur fut faite de l’incarnation, col. 1266 B. Mais Victorin ne laisse même pas la possibilité d’une chute des anges.

D’où viennent donc les démons ? Ce sont « les esprits de la matière », tirés par Dieu, tout comme les anges, par voie de séparation, col. 1254 A, mais à partir de la matière en désordre, col. 1116 A, et plus précisément de l’air, le principal des quatre éléments. La notion a bien elle-même quelque chose de chaotique : « Satan est esprit, mais le diable ici bas tire sa substance de la matière, il exerce son pouvoir par la matière, et sur ceux-là qui y ont placé leur affection ». Il ne faut pas oublier que, d’après Plotin, celle-ci est « principe de ténèbres, d’erreur et de malice ; mais le démon n’est pas un rival de Dieu : il n’est pas permis de rien comparer à Dieu, fût-ce par voie d’opposition. » Ad Ephes., ii, 2, col. 1253 C ; cf. col. 1285 A. Aussi « l’ennemi a beau nous revendiquer au titre de la matière » qui est en nous, col. 1254 D, et qui « envoie ses séides pour corrompre l’homme », col. 1060 B, il est possible, avec la bonne volonté, et même facile, avec la foi, de résister aux terribles tentations du diable ». Col. 1281 À et 1290 B. « Le malin échauffe notre sang, comme le feu, il s’insinue par la chair, mais il n’est pas la lumière, » col. 1291 D ; de même, il présente à notre imagination des vertus factices, col. 1179 C, mais « le Christ triomphera en nous du diable », Hymn., ii, col. 1143 B. Ainsi finalement la foi chrétienne de Victorin le tient à mi-chemin entre l’optimisme raisonné de Plotin, qu’il répudie, col. 1177 A, et le pessimisme religieux de Jamblique, Proclus, //) Tim., lxiv, 6. Même équilibre à propos du pouvoir du démon sur les éléments du monde extérieur et sur la liberté du chrétien, régi par l’Esprit du Christ. Col. 1175-1176. Le démon n’est pas le prince du mal rêvé par les gnostiques, cf. Enn., II, ix, 16.

On ne peut donc pas dire que « les anges ne sont pas entrés dans le cadre de la théologie de Victorin ». J. Tixeront, p. 274 ; mais ses développements sont plus métaphysiques que chez les autres docteurs de l’époque.

6. La création matérielle.

La matière s’entend en deux sens : « au sens large, c’est la matière vivante, tout ce qui existe sans âme intelligente », tout le monde des corps, « avec ses qualités changeantes, et à ce titre (i.7) ovtoc ; au sens propre, c’est GXy), la matière première qui leur sert de sujet, absolument indéterminée, sans qualité. Les quatre éléments sont déjà des qualités, sans mélange, et ils existent per se, cf. col. 1071 D.

La matière première est non seulement sans intelligence ni sens aucun, mais sans force et sans forme, effeta et densa fada. De gêner. Verbi, c. x, col. 1025. « La matière, en fait, a une forme ». Col. 1064 D. Ainsi, en marge de ses traités de théologie, le professeur transcrit toute une cosmologie néoplatonicienne, fort teintée d’hylémorphisme dans les derniers livres Adversus Arium. Sur la nécessité d’une matière permanente sous les transformations des êtres vivants, voir t. IV, c. xxv, col. 1131 D. Sur la nécessité des formes substantielles, loc. cit., col. 1121 A.

Sur la question théologique de la création de la matière, sa philosophie le gêne : ce néant de vie n’est-il pas l’épuisement du divin, comme le disait son maître, Enn., i, viii, 16 ? « La matière n’a pas été. créée : elle est résultée de l’éloignement de Dieu. » Adv. Arium, t. IV, c. xxxii, col. 1136 A. Mais la foi nous dit que la Trinité, « generatrix et effeclrix subslanlia, est le principe premier de toute substance intelligible, intellectuelle, animée ou matérielle », col. 1085 D, col. 1084 C, et que le Verbe fit la matière morte de la nature ». Col. 1060 A. Il y eut d’abord « le

chaos des poètes, les ténèbres de la Genèse, maleria tenebrarum, où tous les éléments se trouvaient confondus ; leur séparation a constitué la disposition du cosmos, comme le dit Moïse, Gen., i, 7°. Ad Ephes., il, 2, col. 1254 A.

L’existence étant « les éléments essentiels qui font qu’un être est tel être », il dira que c’en est la forme substantielle : « Pour enfanter les existences, le Verbe définit, enclôt chaque être en lui donnant une forme, étant lui-même l’être existant et certa forma. » Col. 1127 D. Mais ces éléments spécifiques et distinctifs des êtres particuliers préexistent et subsistent par eux-mêmes avant d’être mêlés aux accidents dans les substances concrètes. Col. 1063 A. Avec un réalisme qui nous désarme, il enseigne que ce sont là des entités préexistantes, en Dieu d’abord, à l’état indistinct et vraiment universel : « Ab Eo enim quod est esse universale et supra universale, omne universale : l’être de genres, l’être d’espèces, et les réalités individuelles : Dieu a de l’être pour tout cela », t. I, c. xxxiv, col. 1066 D ; puis, à l’état séparé, distinctes désormais de Dieu, mais aussi distinctes entre elles, à l’instant où ces entités sortent, exsistunt, de leur Cause universelle.

Comment sont apparus les êtres vivants ? Ici encore la philosophie de Victorin le poussait vers un certain évolutionnisme : « Toute matière est animée, les quatre éléments ont déjà de la vie, et tout ce qui sort de la terre, comme notre corps. Cette animation universelle avait pour but la naissance du monde, et, de la matière animée sont sortis, sur l’ordre de Dieu, les animaux. » Col. 1100 C ; cf. col. 1121 B. Il n’en faut pas plus pour être en règle avec la Genèse ad litteram : « Dieu a créé la matière première du néant, illud ex quo primum, ex iis quæ non suni ; et les espèces animales sont sortis des quatre éléments, ou plutôt de la terre, qui fournira le corps de l’homme et des quadrupèdes, et de l’eau qui donnera les poissons et les oiseaux, ex alio in aliud, par une transformation due au passage d’un élément à un autre. » Col. 1033 A. Et désormais toute cette création matérielle reste en place, sans évolution possible : « Toutes choses, avec leurs diversités, leurs oppositions, leurs luttes, viennent de Dieu. Et telles qu’elles sont constituées elles demeurent, avec leur mode d’être, leur substance, leur qualité… Comme les anges et les démons, la matière, les éléments et les âmes (sensibles) ont leur nature propre et une force de propagation commune (à leur espèce) ; et tout cela reste attaché à sa condition native. Mais les âmes (intellectuelles : animæ ex animis), qui pourtant ont bien leur place dans le concert universel, ne persévèrent point dans leur substance primitive ; heureusement, la puissance de Dieu les élève à une meilleure substance : comme ce sont des âmes sorties de l’âme universelle, elles deviennent des esprits. » Ad Ephes., i, 8, col. 1244 AB. Cette condition spéciale, essentiellement instable, des âmes humaines, a, chez Victorin, une grande importance.

La destinée humaine.

Tous les avatars de

l’âme humaine, depuis sa chute jusqu’à son salut par le Christ, tiennent à la nature de l’homme, créature privilégiée qui se souvient des cieux.

1. La nature de l’homme est double.

Non seulement, comme tous les platoniciens, Victorin ne peut échapper à cette constatation que l’union de l’âme et du corps soit tout accidentelle : « Beaucoup disent que le corps est dans l’âme ; mais disons, avec le commun des mortels, que l’âme est dans le corps, et que ce sont là deux substances. Comme la matière a une forme, qui est son espèce, pour constituer tel corps, … l’âme, substance incarnée, a ses contours et son image dans la puissance vitale et dans la puissance intelligente. Double puissance, double lumière,