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VICTORINUS AFER. LA SAINTE TRINITE


1. Pour le Père, s’il est ainsi potentiel quiescens et silens, col. 1030 À et passim, il n’est pas lui-même Créateur : Creator non convenil Deo… Ad Ephes., iii, 9, col. 1266 A ; « mais, ajoute-t-il, la création convient au Christ, comme Verbe et action, et par le Christ, à Dieu. Il est Providence et rien qui n’ait été ordonné par lui », col. 1247 BC ; mais sa volonté c’est le Christ, col. 1246 A ; 1236 B.

2. Pour le Fils, s’il est vis-à-vis du Père comme le vivant est identiquement l’être même qui vit, c’est à peine si l’on devrait dire qu’il est engendré, puisque ce mot semble indiquer un certain devenir : Victorin fait dériver genitus de Y<.yv r j[iaii et non de yévvaw : « Quontam est patrica quædam activa potestas, et quæ in motu sil, et quæ seipsam constituât. In principio (Joa., i, 1) ne signifie pas que le Verbe ait été engendré : au vrai, le Verbe n’est pas engendré, puisque Dieu lui-même était Verbe. Il faut bien se rendre compte de cette nécessité de concevoir que le Verbe n’est pas genitus, moins encore laclus ex eis quæ non sunt. » De gêner., c. xvii, col. 1029 C. Intransigeance excessive, mais explicable, d’un défenseur du consubstantiel intégral.

.Mais il faut se garder de lui faire le grief opposé, quand, pour se faire saisir des lecteurs ordinaires, il (lit que « Dieu a créé le Logos, et est devenu ainsi son propre Verbe ». Hijmn., iii, col. 114 C ; « mais sa pensée n’est pas douteuse : le Verbe est éternel et ces deux ne forment qu’unum et simplex ».’fixeront, op. cit., p. 266. De même, il faut bien l’entendre quand il se permet, fort rarement, d’enseigner « un Père antiquior, et un Fils junior » ; pourquoi ? « parce que ce qui est, est plus primitif que ce qui agit », Adv. Arium, t. I, c. xx, col. 1053 D. Simple postériorité de raison qu’il faut bien se garder de transférer dans le temps. De gêner., c. xxi-xxii, col. 1031 AB.

Enfin, il ose affirmer — après le Christ lui-même — que « le Père est plus grand que lui, que le Verbe est donc égal et inférieur au l’ère, quia Pater actio inactuosa, beutior enim quod sine molestia et impassibilis, et causa est ipsi Filio ut sit, ut isto modo sil, in eo quod est agere ». Adv. Arium, t. I, c. xiii, col. 1047 CD. « Le subordinatianisme de Victorin, on le voit, se rapporte, non à la nature mais à la personne du Verbe : « C’est une conséquence de la condition de Fils, qu’il reçoive tout de son Père : omnia accepit ut esset, omnia substanlia, potestas, dignitcis œqualis Patri ». Loc.

il. fixeront, p. 269. On pourrait tout au plus le trouver bien audacieux d’appliquer à la divinité du Fils certains textes de saint Paul, comme Phil., ii, 5 et iii, 21, col. 1208 À et 1227 A, que, par précaution, les Pères du ve siècle entendront de l’humanité du Christ.

3. Pour le Saint-Esprit.

Encore une proposition insolite : > l.e Fils est unique en Lant que Fils ; mais en tant que Verbe, il se dédouble ; car il est lui-même Vie et lui-même Connaissance, per Spirilum sanctum ». Adv. À ri mu. I. III, c. viii, col. 110 1 I). Au fond, notre auteur n’admet qu’une procession, celle du Verbe, tout comme Plotin avait enseigné que l’Un engendre le Noûç et rien de plus. Cependant, comme la fui chrétienne parle de deux personnes procédant

lu l’ère, le chrétien doit dire que « Celui qui est substance (le Père) est doué d’une puissance géminée. geminaru potentia valet : ri vitalitatis (le Fils), et intelligentiæ de Saint-Esprit) ». Adv. Arium, I. III, e. ix. col. I 105 (.. Pourtant, c’est une seule et même nuit ion qui engendre le Verbe et l’Fspril : le Verbe en tant que ie, l’Esprit en tant qu’Intelligence ». I.. I c lviii, e.’l. 1084 H. Dans le même passage, il semble admettre même que la procession du Salntl. spnt précède cille du Verbe, et sujira et dcorsum,

la vie de Dieu tout comme dans l’Incarnation de

JéSUS ( lu ne se trompera pas en sous entendant que

le Saint-Esprit est mère de Jésus, supra, hoc est virilité patria, générante intelligentia, natus est Filius. » Col. 1084 C. C’est uniquement d’après ce diagramme que « le Saint-Esprit est le lien du Père et du Fils ». Hymn., i, col. 1139 D ; iii, col. 1146 B. Il tient si fermement à l’unité de procession, qu’il ose dire » : « Le Christ et l’Esprit-Saint existent in uno motu, qui Filius est. Non enim Filius dédit ei, sed de meo habet ». Col. 1105 A. Bien plus, « comme de Dieu vient le Fils, conralionaliter pour la même raison ( ?), le Saint-Esprit vient du Père ». Col. 1048 AB. Le Saint-Esprit ne procéderait donc pas du Fils ? mais bien le Fils du Saint-Esprit, et per Cognoscentiam Vita ? Col. 1104 D. Ces hésitations proviennent d’une distinction entre le Verbe et le Fils, comme on le verra plus loin.

Sans doute Victorin, dans les mêmes passages, essaie-t-il de se mettre en règle avec le dogme ; mais le modalisme, dont il avait su se défier en parlant du Père et du Fils, se cache ici à l’état larvé à propos des relations du Fils et de l’Esprit-Saint. Il éclatera dans sa théorie christologique qui « montrera que Jésus est d’une certaine façon le même que l’Esprit-Saint, actu scilicet agendi diversi, le second enseignant l’intelligence, et le premier donnant la vie… » Adv. Arium, t. IV, c. xviii, col. 1126 A. Il parle, nous dit-il, du Christ éternel, c’est-à-dire encore du Verbe ; mais pourquoi aller jusqu’à enseigner que « le Fils de Dieu a été et qu’il s’est fait l’Esprit incarné ? Comme je l’ai entendu, je le répète ». L. I, c. lui, col. 1081 D ; cf. col. 1105 A. Il faut croire que son catéchiste était un sabellien qui s’ignorait, ou mieux un platonicien qui tirait à lui certains textes de saint Paul. Cf. Prat, Saint Paul, t. ii, p. 161, 165.

4. Pour le Fils de Dieu.

« On peut certes penser que le Verbe, possédant la vertu de Dieu et Dieu lui-même, aurait reçu le nom de Fils seulement après son entrée dans le monde, après sa passion et son triomphe sur la mort. » Col 1210 A Encore une vue systématique qui, comme plusieurs de celles qui précèdent, semble côtoyer les théories de Marcel d’Ancyre, cet autre platonicien nicéen pour qui Borne (338) et Sardique (343) avaient été si indulgentes, en considération d’Athanase. Victorin cependant croit sauvegarder « le dogme catholique de la coéternité du Fils et du Père » en professant que ce nom incomparable convient surtout au Verbe incarné, encore que « toute la nouveauté soit dans le nom et le rôle de Sauveur, et ante hoc non fuisse nomen, ut fuerit Virtus Dei », col. 1210 BC, et qu’il exprime parfaitement « son égalité avec le Père, bien que la virtus Putris soit au-dessus de la sienne ». Col. 12Il A. En sens contraire, col. 1067 D ; 1089 A. Sa doctrine christologique a une teinte monophysite incontestable, t. I, c. xxii, col. 1056, comme nous le dirons.

5. Pour la Trinité.

D’une façon générale, on peut dire que la théorie ontologique de Victorin excelle à montrer en la Trinité l’unité de nature, mais qu’elle est moins commode pour enseigner la distinction des personnes : le danger du modalisme est toujours à craindre, puisque, en Dieu surtout, les notions d’être de vie et d’intelligence n’ont entre elles qu’une distinction de raison, et ne présentent pas d’opposition réelle. Aussi l’auteur parle-t-il parfois de « distinction ad phantasiam entre premier et seconds, entre le Père qui est F.tre. d’où provient la Vie et l’Intelligente. Ado. Arium, I. III, c. vii-xvii. col. 1103-1113. C’est là qu’on trouvera l’exposé délinitif de l’auteur avec tous ses défauts, dans un parallèle très étudié entre le Fils et son Esprit, qui aboutit à des subtilités comme celle-ci : i Les deux premières personnes sont deux ut duo unum, et les deux dernières snnl deux comme m uno duo », comme deux aspects du même Verbe. Loc. cit., col. 1113 C.