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YICTOlUXrS AFER. LA SAINTE TIUNFTE


vue de la théologie naissante. Victorin ne retire rien de ses distinctions, qui restent pour lui les « subsistences » de chacune des personnes ; mais il les recouvre, pour ainsi dire, chacune à son tour, des deux attributs des autres personnes.

L’Écriture parle, en effet, du Père comme d’un Dieu vivant, Joa., v, 20 ; vi, 58, elle parle de la sagesse de ce Dieu, Eph., iii, 10, et de sa science, Rom., xi, 23. Col. 1106 AB. Pareillement, le Verbe, qui est personnellement la Vie, est aussi la Sagesse, Rom., i, 16, et la substance première, Heb., i, 1. Col. 1083 A ; cf. col. 1085. Ainsi « le Verbe est surtout la Vie, mais il est aussi la Science qui est le Saint-Esprit, Joa., viii, 19, et le Père est aussi Verbe, .loa., viii, 26°. Col. 1107 B. Il y a là un chassé-croisé de textes et des expressions malheureuses qui se ressentent de la préoccupation de l’auteur d’effacer ce que son système a de paradoxal. « Ainsi est-il clair que le Père qui est l’Etre, le Fils qui est la Vie, l’Esprit qui est la Connaissance, ne sont qu’une substance en trois subsistances. Ita esse probant sacræ lectiones ». Col. 1105 B. La clef du mystère, l’auteur pense vraiment la trouver dans la raison théologique, col. 1113 B, qui définit « le Père aetualis Exsistentia. et le Mis Actus exsistenlialis ». Col. 1113 C.

3. Raison théologique.

Elle consiste en des considérations fort abstraites d’ordre dialectique ou ontologique, et en une utilisation neuve des analogies trinitaires traditionnelles. Bien que ce soit là l’essentiel de la doctrine de Victorin, par quoi il compte se tenir éloigné du modalisme et du subordinatianisme arien, sa subtilité même en rend le résumé tout à fait impossible.

a) Dialectique trinitaire. — C’est ici ce qu’il dénomme, non pas l’imitas, mais l’unalitas dans la Trinité, col. 1060 C, c’est-à-dire sur la tocutôt/jç et Fst£p6tt)ç qui, d’après Platon, régit les relations entre les idées universelles d’Etre, de Vie et d’Intelligence. Col. 1116 C. D’un mot, disons que, chez les êtres finis, ces catégories suprêmes de l’être sont analogues : eadem et altéra : tantôt les différences sont les plus accentuées, et tantôt c’est l’identité, suivant que leur sujet est lui-même différent ou identique. Et entre elles, il y a dépendance et relations réelles. Col. 1077 C-1078 A… Cf. R. Arnou, La séparation par simple altérité dans la « trinité » plotinienne, dans Gregorianum, 1930, fasc. ii, p. 181. « En Dieu, voyons comme ces distinctions s’appliquent bien. Ici les trois noms : esse, vivere et intelligere sont absolument synonymes : l’Être est la Vie, la Vie est l’Intelligence, et ainsi ces notions sont-elles congenerala par leur participation commune à l’Être premier et donc consubstanticlles l’une à l’autre. Cependant quasi apparet alteritas quædam, disons même qu’il y a une distinction dominante, du fait que les susdits universaux sont (ici dans le Père) tenus dans le secret par la personne qui les tient, potentia, alors que, dans les autres, les mêmes attributs se trouvent à l’état découvert. Existent-ils dans la même Personne, simulpotentia et consubstanlialia sunt, identité totale ; mais, comparés aux mêmes attributs tenus par les autres personnes, in identitate (substanliœ) altéra sunt (subsistentia vel forma) et eadem (in seipsis) ». Col. 1082 A. Alteritas nata (motu vel processione) cito in identilatem revenit, … maxime potentificata counitione potentia patria. Col. 1084 A. Idcirco eadem, non ipsa, col. 1082 A, parce que chaque personne, quee, semel générât ipsam se substiluentem a se moventem, col. 1082 C, donne aux trois catégories de l’être un état d’être particulier, un équilibre spécial : le triangle reste équiangle, mais il n’est pas posé sur le même bout. En réalité, « on ne trouve chez Plolin aucune trace de la consubstantia lité ». Arnou, loc. cit., p. 191 ; il a, comme Arius, subordonné les hypostases, ce que combat Victorin.

b) Ontologie trinitaire. - Dans les êtres finis, » on peut considérer l’esse en une telle indétermination qu’il soit impossible de dire ce qu’il est ; s’il devient saisissable, alors on appelle 8v, cet être. L’ôv est une certaine forme venant à notre connaissance, qui nous dit que tel esse est désormais ov et (j7rapv-< ;, cet être et cette existence à part… En partant de ce principe rationnel que Dieu est Primum Esse (disons selon la révélation que) nous attribuons VEsse à Dieu (le Père), la forme au Christ, parce que c’est par le Fils que le Père est connu, Joa., xiv, 9. Il est d’abord dans le Père, l’Esse, puisqu’il y est puissance et antérieur à ce qui est la forme ; il est en second lieu dans le Fils, qui tient cependant son propre Esse du Père à l’état de forma Dei… » Col. 1092 AB. Ainsi l’énigme platonicienne des créatures, où le même être commun subsiste réellement sous mille formes non moins réelles, semblait à Victorin suffire pour expliquer le mystère d’un Dieu en trois personnes, ou plutôt d’un Père existant en deux déterminations intimes : ut Ipsum quod est Esse subsistât tripliciter. Col. 1092 C ; cf. col. 1027-1028.

c) Analogies trinitaires. — Il plie sévèrement les comparaisons traditionnelles à son système philosophique : tantôt c’est un simple remploi d’une analogie déjà courante : celle du flumen vitæ qui est source, fontaine et ruisseau. S. Athanase, De expos, fidei, c. ii, P. G., t. xxv, col. 204 : « Puissance de vie, c’est le Père ; vie c’est le Christ, ruisseau fécondant c’est l’Esprit-Saint ». col. 1077 A ; mais quel changement d’aspect en ce « mouvement » du Verbe ! Col. 1135 D. De même, on peut reprendre la comparaison de Tertullien, Adv. Praxean, c. viii, P. L., t. ii, col. 163 : la racine, ou plutôt la semence, l’arbre et la branche. Col. 1141 A. Disons encore avec le même, loc. cit., et après le concile de Nicée : lumen de lumine, à quoi il préfère lumen in lumine, col. 1097 B, parce que la procession est non scissio, nec protensio, nec geminatio potentiæ, sed apparentia, col. 1098 D ; 1064 D ; cependant « l’éclat révèle la lumière, tout comme l’action fait voir la puissance », col. 1099 A ; cf. col. 1156 B.

C’est à la vision, c’est-à-dire à une de ces opérations de l’être vivant où « le Verbe créateur a déposé une unité mystérieuse, destinée à nous montrer Dieu », col. 1102 D que l’auteur emprunte « l’exemple qui fera comprendre : Posons en principe que l’œil possède naturellement une puissance de vision qui en est comme l’être, un organe visuel, qui est déjà jus videre, enfin la faculté de discerner, ce qui comparativement fait figure d’intelligence. Et dans tout cela, vila in singulis omnia ». Col. 1102 AC. Victorin avait déjà esquissé cette analogie de la vision comme une opération à deux termes : la puissance et son objet, mais avec les réserves nécessaires. Col. 1088 B. Comme le fera un jour Augustin, c’est « dans l’âme, qui est en nous une part du Dieu, d’où nous dépendons », que Victorin trouve la meilleure expression de la Trinité, col. 1102 D : il en tire une comparaison psychologique empruntée à la théorie aristotélicienne : « L’esprit enfante, pour ainsi dire, par la pensée le vouloir qu’il a conçu ». Col. 1236 C. Mais il s’attache plutôt au côté métaphysique, par où il rejoint sa théorie des degrés de l’être : « L’âme, qui est substance, a son image et ses déterminations dans sa double puissance : la vie et l’intelligence, qui est (pour nous) une double lumière… », col. 1064 ; « par le Fils, qui est vie l’âme a été faite image de vie elfait vivre la matière ; et gardant une étincelle de l’Esprit, elle est intelligente ». Col. 1086-1088.

Les déficiences.

Elles portent en fait sur chacune

des trois personnes :