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VICTORINUS AFER. LA SAINTE TRINITE


Mais, si la Vie et l’Intelligence ressortissent toutes deux au Mouvement, comment les distinguer l’une de l’autre ? En ce qu’elles sont un même mouvement à directions contraires : Descensio enim Vila, ascensio Sapientia, col. 1079 D-1080 : ainsi se boucle la procession divine, qui n’est d’ailleurs ni dans le temps, ni dans l’espace, « un regard, une lumière », dit-il dans le langage imagé de Plotin, col. 1034 A, 1100 sq. C’est d’ailleurs là le fond du mystère de ce qu’on appelle improprement la génération. Col. 1128 A, 1030 C, 1035 A.

d) Fusion en Dieu. — La distinction des « existences » se tourne tout de suite en identité de substance. Pour cela, il faut considérer d’abord chaque i existence » en particulier et se dire que « l’Être est comme le fondement des autres attributs : la Vie et l’Intelligence, en effet, sont compris comme seconds et postérieurs, de sorte que, par une sorte de naissance, elles semblent être dans, inesse », à la manière des accidents, dans la substance, « en ce qui est l’Etre », donc unité de substance, « et pourtant sortir d’une certaine façon, exsliterint, de cet Être, tout en conservant, en ce qui est leur être propre, cet Être premier et fontanier », donc distinction des existences. (On a reconnu les deux définitions victoriennes de la substance : subjccium cum iis omnibus quæ sunt accidentia, in ipsa subslantia cxsistentia, et de l’existence : prseexsislenlem subsistentiam sine accidenlibus…, col. 1063 A.) Dès lors, « comme chacune de ces existences est existante, vivante et intelligente », il faut dire que dans telle, telle ou telle hypostase, « in hoc Esse, hoc Vivere, hoc Intelligere, tous les attributs se trouvent finalement comme totalité substantielle, omnia substantialiter, el unum subsislenlia », quoiqu’un seul d’entre eux fasse fonction de BUbsistence en chaque hypostase. Col. 1101 B.

Mais considérons en second lieu toutes ces hypostases ensemble, et remarquons qu’en Dieu tous ces attributs sont une même réalité, col. 1101 C, mais « avec des sens différents, et ut dicuntur et sunt ». Col. 1101 D. Alors on dira qu’ « elles sont une seule chose par la substance, subslantia unum, subsistenlia tria sunt isla, bien qu’elles soient trois au titre de leur gubsistence particulière : quod singulum est, quod tria, c’est l’hypostase des Grecs, l’existence de Victorin ; quod omne. quod unum, c’est l’ousie des Grecs, ou la substance de Victorin. Col. 1101 D. Il y avait là pour un platonicien un mélange d’altérité, èTEpôr/jç et d’identité, aù-rÔT/jç, qui était mystérieux déjà dans le monde intelligible. Toute la fin du I. I, col. 10771085, est une analyse philosophique de cette « analogie » au sein même de l’Être suprême : les trois Noms divins sont analogues dans la substance divine.

Aussi Victorin tombe en adoration devant ces sublimes universaux, qui sont pour lui désormais tout autre chose que des Idées, des hypostases divines. « Ainsi ôvt6ttjç, Çû>6t7)ç, v6y)OIÇ, qui sont les prototypes de toutes les substances existantes, ainsi que l’identité et l’altérité. qui régissent toutes les relations entre les êtres, chez Dieu même par conséquent, seul, pour noire néoplatonicien » des personnes, types suprêmes de toutes les personnalités créées. Donc l’Existence, la Vie première, source de tous les vivants, l’Intelligence enfin qui est virtus, potentla, » el subttantia, vel naiura : ces trois (termes) onl leur individualité, accipienda ut singula, sed ila ut qua sua plurimn sunt. hoc nominentur et esse dicantur, par ce qui constit ue le caractère dominant de leur et rc ; c’est aussi ce qui leur vaut leur nom et ce qui est leur cal ai notionnel. Mais en eux, il n’y a rien absolument qui ne soit le partage de trois (termes) : l’Etre, en effet, « -et. tre, i l tre. en personne, puisqu’il vit, il est aussi la le, ei.-…. Adv. Arium, I. IV, c. v, col. 1116 D.

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Nous n’irons pas prétendre que Victorin ait découvert toutes faites ces subtiles distinctions en aucun système néoplatonicien de son temps, bien que les dernières recherches sur Plotin laissent voir que l’enseignement oral de celui-ci, qui a trouvé son expression en des livres comme la Théologie du pseudo-Aristote et les commentaires d’Amélius, était bien plus développé et de ton beaucoup plus religieux que les Ennéades. L’Un et le Noûç y apparaissent comme conscients et quasi-personnels. Cf. Henry, Vers une reconstitution de l’enseignement oral de Plotin, 1937. Et Victorin, à Rome, était aux premières places pour en recueillir les échos. Mais enfin le langage imagé de Plotin se prêtait plus qu’un autre à cette sorte de sublimation ; et puis, dans la traduction qu’il fit des Ennéades, d’aucuns le soupçonnent d’avoir déjà introduit de bonne foi des adaptations dans ce sens, du moins dans l’édition latine qu’utilisera saint Augustin. Cf. Ch. Boyer, Christianisme et néo-platonisme dans la formation de saint Augustin, p. 83. Mais assurément, nous nous étonnerons moins qu’il ait trouvé dans une philosophie ainsi ouverte sur le mystère chrétien un merveilleux acheminement vers la Trinité.

2. Application au donné révélé.

L’Écriture lui donnant le nom des trois personnes divines, Victorin cherche à y vérifier deux thèses apparemment opposées, à savoir que chaque personne réalise l’un des universaux susdits, mais que cependant chacune d’elles possède de quelque façon les trois attributs en elle-même.

a) Attributs divisés. — D’une lecture rapide du Nouveau Testament, il avait retenu que « le Père, personne ne l’a jamais vii, et que le Eils unique l’a révélé » Joa., i, 18. Col. 1041 A. « Il y a donc cette distinction entre le Père et le Eils que l’un opère incognoscibiliter, qu’il est cause première, puissance, substance, précause, béatitude, repos, et que le Eils opère in manilestationem ». Col. 1041 D. Un pas de plus : « le Père c’est l’Être, le Verbe c’est l’Action ». Col. 1042 A.

Entre les deux dernières personnes, il y a aussi un partage d’attributions ; « deux officia Verbi : vie et connaissance ; le Fils incarné nous a rendu la vie, le Saint-Esprit a été donné pour nous enseigner le témoignage du Christ », col. 1104 D ; « l’un opère au grand jour, l’autre dans le secret », col. 1048 B ; « le Eils révèle, le Saint-Esprit inspire », col. 10 Il B, comme magister intelligentiæ. Col. 1103 A. Saint Paul n’a-t-il pas dit que « l’Évangile est force et sagesse de Dieu ? » Rom., i, 16. « Par force de Dieu, il entend le Fils, par Sagesse de Dieu Le Saint-Esprit ». Col. 1083 B ; cf. col.ll26A ; 1085 H. l’ourle Fils, Vie ; cf. col. 10421044 ; pour l’Esprit, Sagesse ; cf. col. 1105-1106.

Ainsi, par les opérations ad extra des personnes divines se vérifie en Dieu même le trinôme métaphysique : esse, vivere, intelligere. L’exégète concède que ce sont là des « attributs opératifs, des principesjactifs qui ont pour objet de leurs soins les choses de l’extérieur », col. 1071 Cj mais le théologien se donne le droit d’en induire que la Force de Dieu, et sa Sagesse existent en Dieu même, ab irlrrno. Col. 1071 li. Le Père invisible, le Eils action visible, le Saint-Esprit influence morale du l’ère : il y avait là un partage d’attributs qui devait choquer saint Augustin, car ce sont des attributs absolus de toute la divinité,

De Triait., I. II. c xvii, n. 32, P. L., t. xlvii, col. 866,

mais qui choquait sans doute beaucoup moins les contemporains, ceux qui avaient lu saint Irénéc et saint Ilippolyte, ou ceux qui prenaient ut sonal les formules du Credo romain. Cf. De Régnon, op. cit.. t. t, p. 349 sq.

b) Attributs réunis. Cependant à l’époque du concile de Nicée, il fallait réviser ou compléter cette

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