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    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. SAINT HILAIRE

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la force des choses, il avait pris une signification plus précise et indiquait tout autre chose qu’un aspect pas sager et transitoire, un rôle, un masque de théâtre. Appliqué aux personnes divines, il exprimait des réalités subsistantes, bien qu’inséparables et non indépendantes les unes des autres. Par contre, ils voyaient dans le mot Û7r60Taaiç le correspondant exact de substantia, et ils ne pouvaient accepter de parler de trois substances en Dieu. La formule trois hypostases leur semblait une profession de trithéisme et nous n’avons pas trop de peine à comprendre l’émotion de saint Jérôme, lorsque, au cours de son premier séjour en Orient, il entendit les moines parler de trois hypostases. Les lettres qu’il écrivit alors au pape Damase témoignent de son inquiétude : « Après la foi de Nicée, après le décret d’Alexandrie auquel s’unit l’Occident, la progéniture des ariens, les campagnards, exigent de moi, Romain, le nom nouveau de trois hypostases. Quels apôtres, je vous prie, ont écrit cela ? De quel nouveau maître des nations, de quel nouveau Paul est cet enseignement ? Nous demandons ce qu’ils peuvent bien penser qu’on entende par trois hypostases. Trois personnes subsistantes, affirment-ils ; nous répondons que nous croyons ainsi. Il ne suffit pas du sens ; ils réclament le mot même, car je ne sais quel venin se cache dans les syllabes. .. Quiconque dit qu’il y a trois choses, c’est-à-dire trois hypostases, sous le couvert de la piété s’efforce d’affirmer trois natures. S’il en est ainsi, pourquoi des murs nous séparent-ils d’Arius, puisqu’une même perfidie nous unit… La foi romaine en soit préservée ! Que les cœurs religieux des peuples n’acceptent point un tel sacrilège. Qu’il nous suffise de dire une seule substance, trois personnes subsistantes, parfaitement égales, coétemelles. Qu’on taise trois hypostases et qu’une seule soit gardée. » Episl., x, 4, P. L., t. xxii, col. 356.

La lettre de saint Jérôme est caractéristique ; mais elle est écrite d’un point de vue trop spécial et ne tient aucun compte des difficultés propres aux Orientaux. Elle se meut dans la ligne du vocabulaire occidental, de celui auquel saint Athanase était resté attaché. On se rend compte, en la lisant, des difficultés qu’il a fallu vaincre pour faire prévaloir des formules plus compréhensives et plus exactes.

Ajoutons que saint Athanase n’a pas eu seulement un vocabulaire déficient. Il n’a jamais cherché à définir ce qui constitue le propre des personnes divines, ni comment elles se distinguent et s’opposent entre elles, ni comment nous pouvons, par de lointaines analogies, nous représenter les opérations mystérieuses qui les font être. Homme de tradition, il n’a pas cru pouvoir s’intéresser à ces questions de théologie proprement dite. Nous avons marqué assez l’importance de son rôle pour avoir le droit de souligner les progrès qui. après lui, devront encore être accomplis dans l’explication de la foi.

V. SAINT HILAIRE DE POITIERS.

La théologie de saint Hilaire peut être rapprochée de celle de saint Athanase. C’est en Orient que l’évêque de Poitiers a achevé sa formation théologique et qu’il a appris les dangers que l’arianisme avait fait réellement courir à la foi traditionnelle. Avant son exil, il n’avait jamais entendu parler de la foi de Nicée. Pendant les quatre années de son séjour au milieu des Orientaux, i) put se rendre compte des nuances doctrinales qui séparaient les différentes sectes ariennes et de la nécessité où l’on était de préciser le vocabulaire technique, si l’on voulait réellement éclairer les problèmes. Comme saint Athanase, avant lui, semble-t-il, il vit que les homéousiens étaient réellement très proches de l’orthodoxie et qu’il ne serait pas difficile de les amener à professer la foi de Nicée.

Le « De synodis ». —

Il écrivit, pour cela, le De synodis, dans lequel il s’efforce d’expliquer le véritable sens du mot consubstantiel.

Ce terme, déclare l’évêque de Poitiers, ne signifie pas que le Père et le Fils sont identiques, ni que la substance divine est partagée entre eux deux, ni qu’ils participent l’un et l’autre à une substance qui leur serait antérieure ; mais que le Fils, tout en étant distinct du Père, a reçu de lui la substance par laquelle il est tout ce qu’est le Père : Sit una substantia ex naturæ genitse proprietate ; non sit aut ex portione, aut ex unione, aut ex communione. De synod., 71, P. L., t. x, col. 527

Cette explication aboutit-elle à faire de l’unité de substance du Père et du Fils une unité purement spécifique et par suite à mettre en péril l’unité numérique ? On l’a soutenu parfois, mais à tort. Autant que quiconque, saint Hilaire tient fermement au dogme de l’unité divine et il ne veut pas que l’on sépare le Père et le Fils. Ce sont sans doute deux personnes distinctes. Dieu est unique non par la personne, mais par la nature. De synod., 69, ibid., col. 526. Et chacune des personnes est parfaite en soi : bien que le Fils soit vertu, sagesse, gloire, le Père n’en est pas moins puissant, sage et glorieux. De Trinit., II, 8, ibid., col. 57. On peut encore, pour le bien de la paix, accepter rôfiotoiicioç de Basile d’Ancyre et de ses partisans, puisque la parfaite ressemblance en Dieu entraîne l’unité de substance, De synod., 72-77, col. 527 sq. Pourtant, il vaut mieux éviter ce terme qui est ambigu et peut prêter à confusion : la similitude n’est pas, malgré tout, une identité ; et, entre le Père et le Fils, il y a identité de substance, ainsi que le marque clairement le consubstantiel nicéen. De synod., 89. Au consubstantiel, entendu dans son sens le plus strict, vont les préférences de saint Hilaire.

Le « De Trinitate ». —

Le De Trinitate en douze livres est le premier des grands ouvrages théologiques consacrés par l’Occident à la défense du dogme trinitaire. Écrit par saint Hilaire au cours de son exil, il est destiné à éclairer la foi de ses compatriotes d’Occident. Après avoir, dans le 1. I er montré la grandeur et la difficulté du problème, en même temps que le bonheur de la foi au vrai Dieu, l’auteur expose, dans les livres suivants, le mystère de la génération du Fils de Dieu ; l’unité d’essence du Père et du Fils déjà mise en relief par le texte évangélique : » Je suis dans le Père et le Père est en moi » ; puis il réfute longuement les erreurs ariennes et répond aux objections accumulées par les hérétiques contre la divinité du Fils. Le 1. VIII prouve que la croyance à la divinité du Fils n’est pas contraire au monothéisme ; le 1. IX défend la génération divine du Fils contre les arguments des ariens ; le Xe et le XIe montrent comment ni les souffrances supportées par le Sauveur au cours de la passion, ni les affirmations de l’évangile de saint Jean et de la première lettre aux Corinthiens au sujet de sa subordination au Père ne peuvent être objectées contre sa divinité. Enfin, le 1. XII établit la différence essentielle qu’il y a entre la naissance éternelle du Fils de Dieu et les générations humaines, autant du moins que la raison humaine est capable de pénétrer le mystère. Ce plan, annoncé dès la fin du 1. I er, est suivi aussi rigoureusement que possible.

Pas plus que saint Athanase, saint Hilaire ne cherche à sonder anxieusement les profondeurs du mystère. L’affirmation de la foi lui suffit. Il n’y a qu’un seul Dieu. Cependant le Père engendre éternellement son Fils, qui n’est ni fait ni créé. Le Père et le Fils sont strictement égaux ; ils possèdent l’un et l’autre la plénitude de la divinité : Plenitudo divinitatis in ulroque perfecta est. Non enim diminutio Patris est Filius, nec Filius imperfectus a Pâtre est. De Trinit., III, 23, col. 92. Bien mieux, le Père et le Fils ont la même substance : Absolule Pater Deus et Filius Deus unum sunt, non unione personæ sed substantiæ unitate. De