Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/684

Cette page n’a pas encore été corrigée
2897
1
VICTORINUS AFER. APPRÉCIATION D’ENSEMBLE

>8 ! I8

les mythes des religions antiques et les initiations des cultes orientaux, sur la magie et la divination, où le néoplatonisme avait risqué des hypothèses fort offensives des oreilles pies, etc… Voir pourtant son opinion sur l’astrologie, In Gal., iv, 3, col. 1175 B. Et ce qu’il conserve du néoplatonisme, qui est considérable et parfois hétérodoxe, comme la préexistence des âmes, il le garde parce qu’il le croit autorisé par l’Écriture. Ad Ephes., i, 4, col. 1239 B. « Ce n’est pas un mince mérite, chez ce converti de la dernière heure, de mettre d’accord sa foi nouvelle avec la philosophie du temps. Souvent, semble-t-il, il y est parvenu. Qu’on lui en sache gré, et qu’on lui pardonne ses obscurités, ses incohérences » — il en a très peu — « et ses erreurs ». H. de Leusse, Le problème de la préexist. des âmes chez M. Viclorinus Afer, dans Rech. de se. relig., 1939, p. 205.

2. Le philosophe chrétien.

Il a beau prétendre, comme saint Paul, ne « connaître que Jésus crucifié », col. 1076 C, 1209 C, il ne pose pas cependant en Paul, mais en Apollos. La sagesse qu’il met aux pieds du Christ, il continue à la prêcher, non point pour opposer l’une à l’autre, non pas même pour « trouver en sa nouvelle religion une confirmation de ses idées philosophiques ». Geiger, op. cit., ii, p. 106 ; Tixeront, op. cit., p. 261. Entre les deux sources de vérité, ce qu’il voit, c’est l’harmonie. Après les docteurs d’Alexandrie et certains apologistes, Victorin verrait volontiers dans la philosophie une révélation du Verbe, car « notre âme quoique déchue, peut, avec des moyens diminués, tout expérimenter et connaître, savoir ce qu’il faut suivre et choisir… », col. 1239 C ; l’âme, intelligente, est un souffle de Dieu, une part ex Eo en nous ; nous pouvons donc toucher à ce Dieu d’où nous venons et dépendons ». Col. 1102 D. « Cette tâche difficile, non désespérée, connaître la nature et la personnalité de Dieu, les anciens philosophes l’ont essayée ; et le Verbe leur a répondu : Je suis avec vous depuis longtemps. » Col. 1 103 A.

Splendide plaidoyer pro Plalone, mais non exempt de nuances : « Parler de Dieu, entreprise téméraire. Mais nous avons, inné en notre âme, le voùç yjGixoç ; bien plus, le Spirilus desuper missus est là pour éclairer ces figurations des intelligences (supérieures) inscrites de toute éternité dans notre âme ; quasi mentis elatio unimæ nostrse, col. 1019 C. C’est Porphyre qui avait parlé de ces àcpopp.où 7tpôç rà vo"/]Tà. Si « l’éveil de l’esprit dans l’âme en fait une puissance intellectuelle tout illuminée, c’est que l’âme est comme le substrat de l’esprit, et nv£>j(i.aTi àyico yj u7rapÇi.ç T/jç’^uyTJç », Col. 1023 C. De cette protestation de Plotin pour revendiquer les droits de l’intelligence, son disciple chrétien fait un hymne à l’Esprit-Saint. « Ainsi, conclut-il, c’est le privilège du chrétien de pouvoir discerner tous » ces apports de la raison humaine, « et de faire le départ de l’éternel et du caduc, du pernicieux et du salutaire. » Col. 1240 B.

3. Le théologien.

Mais ces thèses philosophiques, souvent de simples allusions, n’apparaissent qu’en fonction du dogme chrétien : si elles sont la trame de ses œuvres, c’est sa foi nouvelle qui en forme la chaîne. Car ce que Victorin veut établir ce n’est pas une proposition métaphysique telle que » la possibilité d’une génération en Dieu. Son adversaire, l’arien Candidus, avait mis le problème sur ce terrain, Mais lui l’esquive : « Je m’en rapporte ; ï Dieu, qui a dans sa puissance opéré ce mystère. Il<>< non oporlel quarere, sufjlc.it enim credere. » De générât., col. 1030 I 1036 A. Ce qu’il veut prouver, on plutôt défendre, i est |r domine de Nicée : Quelle audace de dire : le Père est ceci, le Fils est cela ! Nous, nous prenons le Père ( omme Père, le Fils comme Mis.. Adv, Arium, 1, l, col. 1040 C. Et nous disons que nous avons un

Dieu Père au maximum. Et pourquoi ? Pour être sur d’avoir un Dieu comme sauveur ». Col. 1020 D.

Par cet exemple, et d’autres semblables, col. 1069 B, 1087 B, on voit que ce qu’il tient à affirmer, c’est la foi chrétienne commune. Comme Philon jadis, il prétend bien que la philosophie est subordonnée à la religion, mais qu’elle lui est fort utile. Seulement, alors que son système philosophique se présentait dès l’abord à lui comme un corpus qu’il avait sous la main dans les Ennéades, et qu’il portait en son esprit, la nouvelle religion ne pouvait lui fournir qu’une documentation dispersée. Aussi bien ne s’intéresse-t-il pas aux Pères, car ce n’est pas un érudit, mais un penseur. Il a lu Tertullien, peut-être saint Hilaire. La preuve est à faire, en ce qui concerne Origène, si voisin de lui par la pensée ; mais ce n’est pas lui, comme l’a cru P. Monceaux, qui a traduit le Periarchon. P. Henry, Plotin et l’Occident, p. 46. Que lui reste-t-il ? Les Ecritures et une catéchèse écourtée. Saint Augustin, sans lui en faire un grief, reconnaît ces déficiences du converti de 355. Confessions, t. VIII, c. ii, n. 4, P. L., t. x.xxii, col. 731.

On verra tout à l’heure à quoi se réduit son enseignement sur les sources de la foi : à une méthode très personnelle d’exégèse biblique. Après quoi, on étudiera Dieu, l’œuvre de Dieu, le mystère du Christ,

I la vie chrétienne et les sacrements, enfin la vie éternelle. Ce schéma logique est celui qu’il avait dans

| l’esprit à la fin de son travail de théologien : il l’a énoncé en guise de préface à son Commentaire sur l’épître aux Éphésiens, col. 1236 15-1243. Si l’on trouve quelque ordre dans cet exposé, qu’on ne l’impute donc pas à Victorin, qui n’a jamais voulu composer un traité de théologie et qui, au lendemain de sa conversion, était incapable tle le faire.

Influence ultérieure.

Elle fut pour ainsi dire

nulle, tuée dans l’œuf par les mots cruels de saint Jérôme, et plus encore par le discrédit rapide du néoplatonisme et de l’origénisme dans la théologie occidentale. Paul Orose signalait déjà à saint Augustin, vers 414, un de ses compatriotes qui avait rapporté de Rome les œuvres de Victorinus ; mais, dans les cercles platonisants. « le sectateur de Victorinus s’effaça devant Origène », et Orose « le connaît peu », tout au plus comme un origénisle timoré. Comnwnit.’ad Auf/uslinum, n. 5, P. L.. t. XLII, col. 667. Ainsi, pour avoir été un initiateur, « il devint un isolé dans la littérature chrétienne. Jusqu’à nos jours, il a été à peu près méconnu des théologiens qui croyaient voir en lui un philosophe, el des philosophes qui le considéraient comme un théologien ». I’..Monceaux. op. cit., p. 421. C’est bien le cas de saint Augustin, qui connaît sa vie païenne et sa conversion, qui a sans doute jeté les yeux sur son Adversus Arium, cf. De Trinit., t. I, c. v-vm et I. VI, c. x, P. /… t. XLII, col. S28, 931, mais ne se donne pas la peine de réfuter sa théorie trinilaire.

Et l’exégète ? L’Ambrosiaster, qui avait des idées théologiques si contraires à celle de Victorin sur les œuvres et sur la Loi mosaïque, le nomme pour rejeter son excellent texte de Rom., v, i l. P. /…t. xvii, col. 96, l’utilise sans le nommer en son prologue <u commentaire des Galates, et combat son exégèse de l’hil., Il, « S.

ibid., col. 409. Voici qui est [dus significatif : l’auteur du prologue général aux Épîtres de saint Paul dans la Vulgate : Otnnis textus vel numerus…, qui n’est pas saint Jérôme, mais peut-être Pelage, range les épftres

dans le même ordre quc iclorin : Gal., Ephes., l’Iiil.. Coloss., el surtout il reprend une idée c hère.i Celui ci. quc les lettres de saint l’aul auraient été rangées par une sorte de gamme ascendante qui va de la réprimande sévère aux éloges les plus yrnnds. Dom De

Bruyne, Km. bibl., l’.M"). p. 375. On pourra comparer