divin, litt., c. v : Câssiodore l’a confondu presque sûrement avec Victorin de Pettau. On ne sait au juste quand il mourut : la lettre xlviii de saint Jérôme nomme certainement Yictorinus comme une autorité en matière de langage, texte restitué dans P. L., t. viii, col. 994 ; mais vivait-il encore en cette année 382 ? En 387, Jérôme en parlait comme d’un disparu, In episl. ad Galat., præf.
II. Œuvres. — « Victorin était un esprit encyclopédique, assez complexe. Rhéteur de son métier, il ne s’était pas enfermé dans le domaine de la rhétorique. C’était aussi un érudit, comme beaucoup de lettrés du temps ; il s’intéressait notamment aux questions de grammaire et de métrique. D’après les témoignages concordants d’Augustin, de Jérôme, de Boèce, Victorin fut le grand orateur de sa génération. » F. Monceaux, op. cit., p. 380. C’est tout ce que nous savons de son éloquence.
I. OUVRAGES PROFANES. —
1° Vue d’ensemble et chronologie.
Tout en professant l’éloquence, Victorin avait composé une foule d’ouvrages : traités originaux, traductions ou commentaires d’œuvres grecques ou latines. Étant donnée l’évolution intellectuelle de l’homme, on serait déjà amené à soupçonner trois périodes dans l’activité littéraire du rhéteur : ouvrages de grammaire ; ouvrages de rhétorique et de logique ; ouvrages de métaphysique. C’est aussi cette succession que suggèrent les allusions, fréquentes chez Victorin, à ses travaux antérieurs. Mais, pour aucun, l’on ne saurait donner une date précise.
1. Ars grammatica, le plus connu de ses ouvrages profanes, est une compilation des manuels romains, avec une attention spéciale donnée à la métrique, tout cela enseigné par mode de mémento, si bien qu’on se demande si l’ouvrage primitif de Victorin n’a pas été mis en manuel par un certain Aphtonius.
2. Logique. — Sont perdus presque tous les livres de logique, et d’abord le Commentaire des Topica de Cicéron, analysé par Câssiodore, Insl. divin, lilter., il, et Boèce, In Topica Ciccronis, Orelli, p. 290 ; la traduction avec commentaires du Perihermeneias d’Aristote, qui servit de base à Boèce pour sa propre étude sur cet ouvrage, cf. Câssiodore, loc. cit. ; une traduction latine de V Isagogé de Porphyre, qui devait être commentée par Boèce, In Porphgrium, P. L., t. lxiv, col. 9-7(1 ; un livre De si/llogismis hgpolheticis, dont on peut se faire une idée par les passages analogues des Explanation.es, éd. Halm, p. 184, 243 ; une traduction avec commentaires des (Allégories d’Aristote, dont on serait curieux de connaître la doctrine, probablement assez personnelle, car il s’agit d’un système que Victorin ne professait pas personnellement.
3. Le Liber de definitionibus. De toutes ses auvres profanes, c’est la plus personnelle. Son authenticité a été démontrée par Mai, Classici auct., t. iii, p..il"). Il a été longtemps populaire dans les écoles. Sur sou contenu et celui des suivants, voir P. Monceaux, op. cit., t. iii, p. 383-387.
4. Explanationes in Ciceronis Rhetoricam. — Copieux commentaire, qui donne peu de lumières sur le De Invenllone de Cicéron, mais, par contre, en ses nombreuses digressions, permet de reconstituer une bonne pari de la doctrine de Victorin à quelques années de s ; i conversion : digressions métaphysiques sur le temps et la substance, éd. Halm, dans Rhetoret lui, , m minores, p. 183, 211, 223, 228, 232, etc., attaque inopinée contre le christianisme, dont nous dirons un mot plus loin : les Explanationes sont doue antérieures, mais de peu, a la conversion du rhéteur devenu philosophe.
5. Traduction des néoplatoniciens. — On vient de montrer sans réplique que notre auteur a traduit une œuvre de Porphyre, De regressu animæ, dont la signification religieuse fut grande à cette époque. Cf. Courcelle, Les lettres grecques en Occident, t. i, table. La traduction est malheureusement perdue et l’original aussi. On savait qu’il avait traduit libros platonicorum et que « Simplicianus avait félicité Augustin d’avoir lu ces traductions » ; et, puisque ce n’est pas à la lecture du « Retour de l’âme » de Porphyre qu’on peut attribuer cette heureuse influence, et qu’Augustin lisait quelques traités de Plotin dans une traduction latine récente, on a la preuve indirecte’que celle-ci était l’œuvre de Victorin. La preuve directe est à chercher dans la comparaison avec sa traduction de Porphyre, qui présente les mêmes qualités d’exactitude philosophique plutôt que verbale, et en de courtes citations de Plotin, comme Enn., v, 2, 1 et Adv. Arium, iv, 22 ; Enn., vi, 3 et Adv. Arium, i, 30 ; comme Enn., iv, 4 et hx Epist. ad Galat., iv, 3, col. 1175 B. Cette attribution est aujourd’hui admise, après la démonstration lumineuse du P. Henry, Plotin et l’Occident, Louvain, 1934, c. ii, iii, iv, p. 49, 94, 224, 228-231. Victorin préparait ainsi, sans le savoir sa propre conversion au catholicisme. Mais son adhésion sincère à la foi chrétienne ne fut pas pour lui un motif d’abandonner son premier maître spirituel : certains chapitres contre Arius ne sont qu’une transposition candide des dialogues de Plotin sur Dieu et sur le Noûç. Rien n’empêche même qu’il ait mis la dernière main à ce travail de traduction longtemps après qu’il eut donné son cœur au Christ.
2° Influence. —
Il fallait signaler cette activité de grammairien et de philosophe, d’abord parce qu’elle fit, plus que le reste, la célébrité de Victorin. Elle se présentait sous des patronages des plus recommandables : ceux d’Augustin, de Boèce, de Câssiodore, d’Isidore, de Bède, d’Alcuin, d’Éginhard, de Loup de Ferrières ; Alcuin cite ces œuvres de Victorin parmi les richesses de la bibliothèque d’York ; au ixe siècle on trouve ses traductions à Saint-Riquier. En 1141, Thierry de Chartres, Eptaleuchon, éd. Clerval, p. 221, cite ses œuvres comme les livres de fond des étudiants du trivium.
Et puis, les Explanationes in Ciceronis rhetoricam eurent un succès de scandale, auquel le converti du ive siècle et ses répondants du haut Moyen Age étaient loin de s’attendre. Mais on était au début du xiie siècle, à l’aurore de la préscolaslique ; et les amateurs de dialectique prenaient leur bien où ils pouvaient, par exemple dans le susdit commentaire de Victorin : ils en trouvaient partout des exemplaires, en Allemagne, à Durham en Angleterre, à Notre-Dame de Paris dès le xie siècle. Cf. J. de Ghellinck, Le mouvement théologique du i. Q siècle, p. 175-177, qui cite plusieurs emprunts manifestes des Explanationes. Or, nous l’avons dit, c’est dans cet ouvrage qui précéda de peu la crise Intellectuelle de sa conversion, que notre sophiste avait inséré des digressions philosophiques qui avaient bien déjà de quoi inquiéter les théologiens du Moyen Age ; bien plus, c’est là qu’il avait jeté, par mode d’exemples irréfutables, ses attaques contre la naissance virginale du Christ et sa résurrection. Citons au moins ce passage : An/urncnlorum porro gênera duo : probabile et nrressarium. Necessarium porro est argumentum …ni sic ficri necesse sit ; si diras : Si nains rsl. morirtur : si peperit, cum viro concubutt… Alioqui, secundum christianorum opinionem, non est necessarium argumentum : s, peperit, cum viro concubuil ; neque hoc rursus : Si natus est, morirtur. Sun, apud eus niunijrslum est esse sine viro natum et non mnrluum. Explanationes in Ciceronis rhetoricam, t. I, c. xxix, édité dans Halm, "/). cit., p. 132. Il est infiniment curieux de voir que, grâce aux livres scolaires qui se repassaient toujours