Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/68

Cette page n’a pas encore été corrigée

1665

    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. SAINT ATHANASE

1666

dans la vie chrétienne, par la foi à la Trinité envisagée dans son ensemble. Toute la Tradition enseigne la Trinité, il faut donc que tout soit divin en elle : « La sainte et bienheureuse Trinité est indivisible et unie en elle-même : quand on parle du Père, le Verbe est présent et l’Esprit qui est dans le Fils. Si l’on nomme le Fils, le Père est dans le Fils et l’Esprit, et l’Esprit n’est pas hors du Verbe. Il n’y a qu’une seule grâce, venant du Père par le Fils, complète dans le Saint-Esprit : une seule divinité, un seul Dieu, au-dessus de tout, partout et en tout… Si l’Esprit-Saint était créature, il n’aurait point rang dans la Trinité. Tout entière elle est Dieu. Il suffît de savoir que l’Esprit n’est pas créature et n’est point au nombre des œuvres, car rien d’étranger ne se mêle à la Trinité ; elle est indivisible et semblable à elle-même. Cela suffit aux fidèles ; c’est à cela que s’étend la connaissance humaine ; jusque là seulement que les chérubins se voilent la face de leurs ailes. Qui cherche au delà et veut scruter, méconnaît l’avertissement : « Ne sois pas trop sage, si tu ne veux pas être stupide. » Ce qui nous est transmis par la foi, ce n’est pas dans l’humaine sagesse, mais dans l’entendement de la foi qu’il convient de l’examiner. » Epist. ad Serap., i, 14, 17, col. 565, 569.

La Trinité entière est indivisible : « Puisque telle est l’union et l’unité qui existe dans la sainte Trinité, qui séparerait le Fils du Père ou l’Esprit du Fils et du Père ? Qui aurait assez d’audace pour déclarer que la Trinité est en elle-même dissemblable et de nature diverse, que le Fils est d’une autre substance que le Père ou que l’Esprit est étranger au Fils ? Si l’on demande encore comment cela est-il ?comment, l’Esprit Saint étant en nous, peut-on dire que le Fils est en nous et, quand le Fils est en nous, le Père y est aussi ? ou enfin comment, puisqu’il y a Trinité, est-elle tout entière indiquée dans un seul ? ou encore, quand un seul est en nous, comment la Trinité y est-elle ? que l’on sépare d’abord l’éclat de la lumière, ou la sagesse du sage et l’on pourra dire comment cela est. Si c’est impossible, à plus forte raison est-ce folie d’oser faire de pareilles recherches sur Dieu : la divinité n’est pas transmise dans la démonstration raisonneuse, mais dans la foi de l’intelligence pieuse et circonspecte. Si ce qui concerne la croix salutaire n’est point prêché par saint Paul dans la sagesse des discours, mais dans la démonstration de l’esprit et de la puissance, s’il a entendu au ciel des paroles qu’il n’est point permis à l’homme de prononcer, que pourrait-on dire sur la Sainte Trinité ? » Epist. ad Serap., i, 20, col. 576 sq.

Le concile d’Alexandrie de 362. La formule des trois hypostases. —

Ce dernier passage est caractéristique de la méthode de saint Athanase ; et nous pouvons maintenant mesurer le progrès que l’évêque d’Alexandrie a fait faire à la théologie de la Trinité. Ce progrès n’est pas dans l’élaboration des formules ou dans la recherche systématique des explications rationnelles. Il faut même dire que, sur certains points, la terminologie de saint Athanase reste déficiente. Le concile de Nicée, nous l’avons vii, admettait la parfaite synonymie des termes ouata et ÛTroaTaaiç : cette position était logique, étant donné le sens originaire du vocable ÛTroaraaiç et peut-être aussi le rôle des théologiens occidentaux dans l’élaboration du symbole : pour eux, le latin subslanlia était exactement traduit par Û7roaTaaiç, tandis que ouata répondait à essentia. Mais il manquait un mot pour désigner les personnes divines, et le terme 7rp6a « 7tov, qui avait été employé naguère par Origène, pouvait à bon droit sembler insuffisant. Aussi, conçoit-on que d’assez bonne heure on ait, en Orient, choisi le mot &KO0TOHHC pour parler des personnes divines en réservant le terme ouata pour exprimer l’unique substance. D’où la formule : trois hypostases, une ousie unique. Cette formule faisait déjà partie du vocabulaire d’Origène ; elle fut adoptée, au ive siècle, par des théologiens de formation origéniste, c’est-à-dire en définitive par des hommes peu disposés à accepter « ins explicitions le vocabulaire de Nicée. Les partisan* de Basile d’Anevre furent de ceux qui l’employèrent, et lorsque le vent souffla à la réconciliation, saint Athanase consentit à s’en servir également.

Le concile d’Alexandrie, tenu en 362, sanctionna cette manière de faire, et le Tome aux Anliochiens enregistra l’accord intervenu : « Quelques-uns étaient accusés d’employer l’expression frois hypostases, suspecte parce que non scripturaire… A cause de la contention qui s’était produite, nous avons demandé si l’on entendait par là, avec les ariens, des hypostases complètement différentes, étrangères et de substance diverse, chacune étant séparée en elle-même, comme le sont les autres créatures et les enfants qu’engendrent les hommes ; s’il s’agissait de substances différentes comme l’or, l’argent, le cuivre ; ou si, avec d’autres hérétiques, on entendait parler de trois principes ou de trois dieux quand on parlait de trois hypostases. Ils affirmèrent énergiquement qu’ils n’avaient jamais dit ni pensé rien de semblable. Nous les avons alors questionnés. Pourquoi donc parlez-vous ainsi et employez-vous de pareilles expressions ? » Ils ont répondu : « Parce que nous croyons à la sainte Trinité ; Trinité pas de nom seulement, mais réelle et subsistante : le Père, véritablement existant et subsistant ; le Fils substantiel et subsistant ; l’Esprit-Saint, subsistant et réellement existant. Nous ne parlons ni de trois dieux ni de trois principes et nous ne supportons pas ceux qui parlent ou pensent ainsi. Nous reconnaissons la sainte Trinité, l’unique divinité, l’unique principe, le Fils consubstantiel au Père, comme l’ont dit les Pères ; l’Esprit-Saint pas créature, pas étranger, mais propre et indivisible de la substance du Fils et du Père… « Nous avons ensuite examiné ceux auxquels on reprochait de dire une seule hypostase, pour voir si c’était dans le sens de Sabellius, pour supprimer le Fils et l’Esprit-Saint ou nier que le Fils fut substantiel et le Saint-Esprit réellement subsistant. Eux aussi affirmèrent énergiquement qu’ils n’avaient jamais rien dit, ou pensé rien de semblable. « Nous parlons d’hypostase, dirent-ils, parce que nous identifions l’hypostase et la substance ; nous disons une hypostase parce que le Fils est de la substance du Père et à cause de l’identité de nature. Nous croyons à l’unique divinité et à son unique nature et nous n’admettons pas une substance différente pour le Père, à qui serait étrangère celle du Fils et celle de l’Esprit Saint. » Tom. ad Antioch., 5-6, P. G., t. xxvi, col. 800, 801.

Les décisions prises au concile d’Alexandrie sont de la plus haute importance, parce qu’elles sanctionnent la valeur de la nouvelle formule : « une ousie, trois hypostases « .Cette formule.il fautlesouligner.exprime la foi de Nicée et ses partisans le déclarent expressément. Elle ne marque pas une séparation entre les trois personnes divines ; elle respecte l’unité de substance qui est la condition même du dogme monothéiste ; elle se contente de fournir une expression appropriée au dogme trinitaire. On croyait, dès les origines de l’Église qu’il y avait un seul Dieu et trois… ici le terme propre faisait défaut pour traduire ce qui en Dieu était triple, et il fallait à la fois éviter les écucils du trithéisme et du sabcllianisme. On convint à Alexandrie de désigner par le mot hypostase chacune de ces réalités inséparables. Le progrès dans le vocabulaire est manifeste.

Il faut cependant remarquer que saint Athanase personnellement, tout en acceptant les explications formulées au concile de 362, resta, jusqu’au bout de sa vie, favorable au vocabulaire ancien, qui identifie hypostase et ousie. Dans sa lettre aux Africains écrite vers 369, il va jusqu’à déclarer : l’hypostase est l’ousie, et elle ne signifie pas autre chose que l’être même. Epist. ad Afros, 4, t. xxvi, col. 1036 B. Une telle déclaration, qui fait bon marché des explications acceptées sept ans plus tôt ne put que soulever de nouvelles et persistantes difficultés.

Les Occidentaux, en effet, eurent beaucoup de peine à accepter la nouvelle terminologie. Depuis Tertullieii, ils avaient pris l’habitude de désigner p : ir le mot perxona, le propium quid des personnes divines. Lttté ralement ce mot correspondait à p mttpon ; mais, par