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Dieu, Notre-Seigneur Jésus-Christ. De même ailleurs : l’oslquam ascendil in cœlis dominus noster… emisit Spiritum Sanctum, p. 68, 3. Loofs, op. cit., p. 129, n. 5, se donne beaucoup de peine pour expliquer que le Saint-Esprit n’est pas distingué du Fils autrement que le don ne l’est du donateur et il conclut qu’en définitive ils sont une seule et même réalité. Nous ne prétendons pas que les formules utilisées par Victorin soient de tout point satisfaisantes ; mais il n’est pas le seul à s’être exprimé en des termes d’une insuffisante rigueur pour rendre le dogme trinitaire. En particulier, nombreux sont ceux, à commencer par Tertullien, qui appliquent le nom d’Esprit à l’élément divin du Christ, de manière à laisser croire que Dieu, le Dieu unique des monarchianistes, s’est incarné. Ils n’en traduisent pas moins la croyance traditionnelle qui distingue le Père, le Fils et l’Esprit-Saint et il serait injuste d’apprécier leurs formules d’après les règles que peut nous donner l’exposé précis du dogme auquel nous sommes maintenant accoutumés. Il n’empêche que Victorin est un représentant attardé d’anciennes manières de penser et de parler. L’étude de ce qui nous reste de ses œuvres est donc particulièrement intéressante. Elle l’est d’autant plus que diverses sont les influences qui se sont exercées sur lui. Comme nous l’avons dit, on ne saurait affirmer qu’il a connu la théologie latine. Tertullien, saint Cyprien, Novatien semblent bien lui être demeurés inconnus. Par contre, il a utilisé des ouvrages écrits en grec, en particulier Hippolyte et Origène, mais il les a utilisés librement. Il n’hésite pas à adopter les rêveries du millénarisme en dépit des condamnations portées contre elles par Origène. Il suit, comme ce dernier, la méthode allégorique pour l’interprétation des Ecritures ; pourtant il l’emploie à sa manière et ne se croit pas obligé de reprendre telles quelles les exégèses du maître d’Alexandrie. Il fait en quelque sorte la transition entre deux cultures, comme entre deux âges. Il écrit en latin, bien qu’il manie cette langue avec difficulté et sans grâce. Il se rattache à des courants de pensée et de vocabulaire qui sont déjà dépassés au temps où il écrit. De toute façon, sa personne et son œuvre méritent une étude attentive.

L’édition des œuvres conservées de Victorin dans la P. L., qui reproduit celle de Gallandi, est, désormais, inutilisable. II faut recourir à celle de Haussleiter dans le Corpus de Vienne, t. xlix, 1916, qui distingue aussi clairement que possible le texte authentique du commentaire sur l’Apocalypse et ses recensions postérieures. Nous avons indiqué, en cours d’article, les principaux travaux récents à consulter sur les œuvres de Victorin et sur sa théologie. (In trouvera encore quelques renseignements dans II. Koch, Cyprianische Untersuehungen, Rome, 1926, p. 173 sq. ; F. Loofs, op. cit., p. 232 sq. (Loofs montre que Victorin ne dépend pas de saint Irénée) ; L. Gry, Le millénarisme dans ses origines et son développement, Paris, 1904.

G. Bardy.


VICTORINUS AFER, philosophe et écrivain chrétien du ive siècle. —
I. Vie.
II. Œuvres (col. 2889).
III. Jugement d’ensemble (col. 2894).
IV. Les sources de la foi (col. 2899).
V. La Trinité (col. 2905).
VI. Les œuvres de Dieu (col. 2927).
VII. Le mystère du Christ (col. 2938).
VIII. La vie chrétienne (col. 2942).
IX. Conclusion (col. 2952).

I. Vie.

C. Marius Victorinus, que l’on surnomma l’Africain, pour le distinguer de ses nombreux homonymes, était né en Afrique Proconsulaire, cf. S. Jérôme, De vir. illustr., c. vi, au plus tard vers l’an 300. Après avoir passé en Afrique la première partie de sa vie et s’y être marié, cf. De Rossi, Inscript, christ., t. ii, p. xxxviii, il vint chercher fortune à Rome sous Constance vers 340, déjà pourvu d’une instruction très complète et d’une chaire de rhéteur. Il y conquit la renommée : « maître de tant de nobles sénateurs, il devint « l’orateur le plus savant de son temps ». Or, à cette époque, où la tribune aux harangues était muette, l’orateur à la mode était celui qui pouvait parler d’abondance de rhétorique, de philosophie, voire de métaphysique et de religion. Victorin, ses œuvres le montrent bien, était tout cela, et, en plus, néoplatonicien et païen militant mais loyal, comme son maître Plotin. Il ne fut pas le maître de Jérôme ; mais celui-ci nous dit son succès : « On lui éleva une statue vers 353 sur le Forum de Trajan », Chron. ad ann. 2370, éd. Schœne, t. ii, p. 95 ; In Epist. ad Galal., préf.

Or, pendant qu’il attaquait le christianisme « avec son éloquence formidable », pour donner une base solide à ses polémiques, « il lisait les Écritures et recherchait les livres chrétiens », tant et si bien qu’il en fut ébranlé, puis se convertit publiquement « dans sa vieillesse », donc vers 355. La scène de sa « profession de foi, prononcée avec une assurance merveilleuse » à l’ambon de l’église baptismale, provoqua les acclamations de l’assistance, et saint Augustin y voyait un miracle de la grâce, Confess., t. VIII, c. iv. Ce récit, fait trente ans après par un disciple de Victorin, Simplieianus de Milan, est une des plus belles pages des Confessions ; et l’on sait l’influence décisive que cette conversion eut sur Augustin lui-même.

On a dit que sa conversion fut « le dernier terme d’une évolution intellectuelle ». P. Monceaux, Hist. tilt, de l’Afrique chrétienne, t. iii, p. 377. En fait, elle fut aussi d’ordre religieux et moral. Si son néoplatonisme le mettait dans la situation d’esprit qu’il requiert pour être catéchumène, P. L., t. viii, col. 1184 D (toutes les références à Victorinus seront faites d’après cette édition de P. L.), et si les mystères d’Osiris, auxquels il s’était fait initier, le poussaient au mépris de « la sagesse mondaine », ibid., col. 1244 D, et vers un « Dieu aussi Père qu’on peut l’imaginer », col. 1020, sa formation philosophique le fit longtemps hésiter devant un « Verbe fait chair », (S. Augustin) et devant la nécessité d’un culte extérieur et des sacrements : « Je ne croirai pas que vous êtes chrétien, lui disait Simplieianus, tant que je ne vous aurai pas vu dans l’église. — Ce sont donc les murailles qui font les chrétiens ! » répliqua en riant Victorin. Mais un jour il lui dit : « Allons à l’église, je veux être chrétien », Confessions, loc. cit. Tout cela est d’une âme loyale qui ne veut pas s’engager à la légère. Conversion superficielle, a-t-on dit, parce qu’il « ne parle guère de l’Église, ni du culte, ni de la morale, ni de la mission du Christ ». P. Monceaux, op. cit., p. 378. Du culte, peu de chose en effet, parce que son texte ne l’y engage pas ; mais, sur tout le reste, Victorin a dit tout ce qu’il faut pour se disculper d’une pareille calomnie. On verra par ailleurs les lacunes d’une formation chrétienne trop rapide, et, pourrait-on dire, trop aristocratique.

La production littéraire de Victorin chrétien s’échelonne donc sur une dizaine d’années après son adhésion au christianisme vers 355. Il continua d’enseigner la rhétorique, mais il consacra ses loisirs à la défense du dogme de Nicée ou à l’explication des Livres saints.

En 362, Victorin fit un nouvel acte de foi public : l’édit de Julien interdisant aux chrétiens d’enseigner la littérature et l’éloquence, il abandonna son école. Confess., t. VIII, c. v, n. 10. Il ne quitta pas pour cela ses études personnelles, et tout porte à croire qu’il mit à profit ces loisirs forcés pour achever ses Commentaires sur saint Paul. D’après quelques notes d’accent plus personnel, col. 1193 B, 1222 A, on le voit assez bien menant une vie d’humilité et d’oubli de son ancienne réputation. Par contre on ne l’imagine guère « passant de sa chaire à l’épiscopat ». De instit.