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VICTOR III — VICÏOI ! D’ANTIOCIIK


Nous avons tenu à citer presque textuellement cette pièce dont la lecture est extrêmement édifiante. On voit qu’elle n’ajoute rien de substantiel aux renseignements fournis par Pierre du Mont-Cassin, sinon des insinuations perfides et des accusations incontrôlables. Hugues a le grand tort, pour débuter, de considérer comme inexistante et sans force légale l’élection de la Pentecôte de 1086. Son insistance à nommer Victor III « l’abbé », au cours de toute sa narration, en témoigne de reste. Après avoir donné un semblant d’assentiment à cette élection, il s’étend avec une complaisance marquée sur les aveux qu’il aurait arrachés, lors de ses entretiens du Mont-Cassin, à la conscience scrupuleuse du nouvel élu. Il transforme en vantardises coupables des propos de celui-ci qui pouvaient être anodins. Dans la politique suivie par Grégoire VII, tout n’était pas également admirable ; du vivant de ce pape, plusieurs cardinaux ne s’étaient pas fait faute de la critiquer. Au lieu de « tout abîmer », l’abbé du Mont-Cassin avait essayé de conjurer les inévitables catastrophes ; c’était un crime inexpiable aux yeux du grégorien fanatique qu’était Hugues de Lyon, ce n’en est pas un pour l’histoire impartiale. En contestant comme il le faisait la validité d’une élection, sur les détails de laquelle il était mal renseigné, l’ancien légat de Grégoire VII risquait d’entraîner un schisme. La mort prématurée de Victor III a seule empêché un éclat. Il est vrai qu’Hugues de Flavigny, reprenant la parole dans sa Chronique, après avoir cité Hugues de Lyon, voit dans cette mort prématurée un jugement de Dieu. « Alors que Victor, après sa consécration, célébrait la messe à Saint-Pierre, il se sentit frappé durant le canon, infra actionem, par la main de Dieu. Reconnaissant, mais trop tard, sa faute, il se déposa lui-même et, faisant venir de ses moines qui l’accompagnaient, il demanda qu’on le reconduisît d’urgence au Mont-Cassin, où on l’enterrerait dans la salle du chapitre, non comme un pape, mais comme un simple abbé. » Nous sommes ici de toute évidence dans le domaine de la légende !

A tout prendre donc, l’élection de Victor III paraît s’être déroulée régulièrement. Que le prince Jourdan ait exercé quelque pression soit sur les électeurs pour grouper leurs voix en faveur de Didier, soit sur l’abbé pour l’amener à accepter cette désignation, c’est ce que l’on peut accorder. Mais elles ne se comptent pas les élections pontificales où se sont fait sentir des influences extérieures et qui n’en ont pas moins été regardées comme légitimes. Il n’est pas impossible d’ailleurs que les électeurs de Victor III aient considéré comme présentant quelque avantage pour l’Église le choix d’un pape plus porté aux concessions qu’aux mesures extrêmes. À vrai dire, si, dès le principe, ils se sont engagés dans cette voie, ils ont fait un mauvais calcul en portant leur choix sur l’abbé du Mont-Cassin. Didier était un timide, un hésitant, un scrupuleux ; c’était aussi un malade. Il était tout aussi incapable de rompre avec la politique de Grégoire VII que de continuer celle-ci. Les deux années qui suivent la mort de l’exilé de Salerne laissèrent l’Église sans chef responsable ; elles ne pouvaient qu’empirer la situation qu’avaient créée les derniers revers de Grégoire VII. L’élection d’Urbain II sauvera l’Église du danger.

Nous avons cité tout au long les deux sources essentielles pour l’histoire de Didier et de son élection. Les autres sont mentionnées dans Jaffé, Regesta pontificum Romanorum, t. i, p. 655-656 ; Watterich ne transcrit guère que les deux sources en question, dans Pontificum Romanorum vile’, t. i, p. 550-571, quelques additions p. 743.

Il y a encore intérêt à consulter le De gestis Desiderii

abbalis Montis Casini, postmodum Victoris III papæ, compilé par.Mabillon, Annales ord. S. Benedicti, t. ix, reproduit dans P. L., t. cxlix, col. 917-962. On trouvera une énumération des travaux plus récents dans A. Fliche, La réforme grégorienne et la reconguêle chrétienne = Fliche-Martin, Histoire de l’Église, t. viii, 1940 (A. Fliche nous paraît sévère pour Victor III et trop confiant dans les dires d’Hugues de Lyon). Sur la désignation par drégoire VII de son successeur, voir A. Fliche. L’élection d’Urbain II, dans le Moyen Age, 2e série, t. xix, p. 356 sq.

É. Amann.


VICTOR D’ANTIOCHE, exégète du ve siècle. — Le nom de Victor d’Antioche n’est mentionné par aucun des historiens anciens et nous ne le connaissons pas autrement que par sa présence dans un certain nombre de chaînes exégétiques. C’est assez dire que nous ignorons tout de la vie et de l’œuvre de ce personnage et que nous ne pouvons fixer la date de son activité que d’une manière fort approximative.

Le jésuite Th. Peltanus ramena le premier à la lumière le souvenir de Victor, en publiant, sous son nom, un commentaire de l’évangile de saint Marc : Victoris Antiocheni commentarii in Marcum et Titi Bostrorum episcopi in Evangelium Lucee commentarii antehac quidem numquam in lucem editi, nunc vero studio et opéra Theodori Peltani luce simul et latinitate donati, Ingolstadt, 1580. Il est aujourd’hui admis que le manuscrit utilisé par Peltanus en vue de sa traduction est le Monacensis 99. Cette traduction est d’ailleurs aussi défectueuse que possible et son auteur, loin de dissimuler les libertés qu’il a prises avec le texte, les avoue candidement dans sa préface.

Le même manuscrit, avec deux autres, le Parisinus grœcus 194 et le Vaticanus græcus 1692 A, servit également à Poussines, qui donna la première édition grecque du commentaire de Victor sur saint Marc : Catena græcorum Patrum in Evangelium secundum Marcum, collectore aique interprète Petro Possino, s. j. presbytero…, Rome, 1672. C’est lui qui donne, en tête du commentaire de saint Marc, le nom de Victor et qui lui attribue l’affirmation selon laquelle personne avant lui n’a écrit sur le deuxième évangile. Or un manuscrit de Paris, reproduisant cette affirmation, la fait précéder du lemme : ’fipiyévooç TrpôXoyoç sic épjj.7)v£tav toù xocrà Màpxov àyîou sùayYsXîou ; et dans un autre manuscrit, on lit, à la fin de l’ouvrage, cette souscription : èttXtjpcûOy) o-ùv 6sw i] épu, 7]V£[a toù xarà Màpxov àyto’j EÙayYEXfou aTtô cpcovrjç, ëv xicuv e’jpov KuptXXou’AXeÇavSpécoç, èv aXXot.ç 8s BîxTcopoç Trpea6uT£pou.

Une troisième édition porte encore le nom de Victor, celle de Matthsei : Bixrcopoç TrpsaêuTSpou’Avuo-Xstaç xal aXXojv -nvûv àyîcov 7raTsptùv è^qyqoa ; sic to xaTa Màpxov ayiov eùayYÉXiov, ex codicibus Mosquensibus edidit Christ. Fridericus Matthsei, 1775. Ici", le titre nous prévient que nous sommes en présence d’une chaîne : celle-ci est identique substantiellement à la collection publiée sous l’autorité de Pierre de Laodicée, bien que Pierre ait aussi ses sources particulières.

Enfin, en 1840, Cramer publia, à la suite de la chaîne de saint Matthieu, une chaîne sur saint Marc, dont la plupart des citations sont anonymes, mais dont l’ensemble figure ailleurs sous le nom de Victor d’Antioche. On voit d’où vient ce nom : « Les deux éditions qui nous ont donné sous son nom une sorte de commentaire du second évangile, sortent d’une source identique, le Monacensis 99. Ailleurs, on hésitait sur l’auteur de l’ouvrage : Origène ou Cyrille. En réalité, l’ensemble n’appartient à aucun des trois auteurs nommés. Ce qu’on appelle le commentaire de Victor est une chaîne sans lemmes, où chacun des trois auteurs doit pouvoir retrouver un peu de son bien, mais où il y a place également pour d’autres exégètes. C’est donc une collection de scolies qui