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VICTOR II — VICTOR III


l’Italie, emmenant Béatrice et Mathilde. Très peu après, une courte maladie emportait l’empereur ; il expirait à Botfeld, le 5 octobre, entre les bras de Victor II. Ce fut le pape qui présida les funérailles à Spire, le 28 octobre, lui qui, en novembre, à Aix-la-Chapelle, fit reconnaître comme roi le jeune fils de l’empereur, Henri IV, lui qui assura la régence à l’impératrice Agnès et amena la réconciliation définitive entre celle-ci et les deux puissants vassaux qu’étaient Baudoin, comte de Flandre, et Godefroy, duc de Lorraine. Une partie de l’hiver se passa en ces tractations, où Victor II nous apparaît plutôt comme le chancelier de l’empire que comme le chef de l’itglise. C’est seulement à la mi-février 1057 qu’il reprenait le chemin de l’Italie ; il était à Rome pour Pâques (30 mars) et tenait au Latran, à partir du 18 avril, un synode qui s’occupa exclusivement d’affaires administratives. Les questions politiques et tout spécialement la lutte contre les Normands l’accaparèrent davantage encore après sa rentrée en Italie. De plus en plus, Godefroy le Barbu, réconcilié avec la régente, solidement assis en Toscane, devenait le seul soutien possible de la papauté. Pour se le concilier plus pleinement. Victor songea à donner au frère du duc, Frédéric de Lorraine, une situation prépondérante dans l’Église romaine. Chancelier du Siège apostolique, Frédéric avait fait partie de la mission envoyée à Constantinople en 1054 et dont le cardinal Humbert était le chef. Voir Michel Cérulaire, t. x, surtout col. 1089 sq. Rentré à la fin de 1054 et craignant que l’empereur Henri III ne le rendît responsable des faits et gestes de son frère Godefroy, Frédéric était allé se cacher au Mont-Cassin, où finalement il avait fait profession monastique. Voir Chronicon monasterii Casinensis, t. II, c. lxxxvi, lxxxviiixciv. A la fin de cette année 1055, mourait l’abbé Richer ; dès ce moment, le pape avait l’intention de faire remplacer le défunt par Frédéric. Aussi fut-il très irritf d’apprendre qu’en janvier les moines s’étaient donnés un chef en la personne d’un certain Pierre. Cf. Jaffé, n. 4354. À la Pentecôte de 1057, le cardinal Humbert parut enfin au monastère et par son attitude presque violente obligea Pierre à céder sa place i I ri ; 1 ; i n Sur quoi relui ; i alla ite rejoindre en Toscane le pape et Godefroy. C’est à Florence qu’il recevait, le 23 juin, le titre de cardinal de Saint-Chrysogone, en attendant qu’à la Saint.Jean-Baptiste il fût consacré abbé par Victor II. Jaffé, n. 4368. In mois plus tard, le 27 juillet, Frédéric prenait, à Home, possession de son titre cardinalice ; il se préparait quelques jours plus tard à regagner le Mont-Cassin, quand se répandit la nouvelle de la mort inopinée de Victor II à Arezzo (28 juillet 1057). Le 2 août, Frédéric élu pape, en dépit des conventions de Sutri. devenait Etienne IX et mettait ainsi un terme à la série des papes allemands. Pendant ce temps, les gens d’Eichstâdt se mettaient en devoir de remporter en Allemagne le corps de Victor II. lue attaque brusquée des Ravennates les obligea d’abandonner leur dessein ; le corps du pape fut enseveli aux portes de Ravenne dans le monument du roi Théodoric alors transformé en église de monastère. I.e geste lui-même était symptomal iipie ; l’Italie signifiait qu’elle en tend ail mettre fin à la perpétuelle main-mise de la Germanie dans la gestion du Siège apostolique.

De Victoi II, nous avons vu surtout les actions qui le montrent à la remorque de l’Empire. Une pièce

de 10Il registre si elle est vraiment de lui nous

li-f ; ut voir dans une autre attitude. Mabillon a publié dans les Annales o. S. / ;.. t. v, p. 647 (cf. P. /…

I. CXLIX, COl. 961), une lettre adressée par un pape a une impératrice de Constant inople. Le pape » ’j

plaint assez vivement des exactions dont sont victimes, lors de leur passage dans la capitale byzantine, les pèlerins qui se rendent au tombeau du Christ ; il exhorte la basilissa à se souvenir toujours de l’Église romaine, sa première, sa vraie mère et à lui garder toujours sa vénération. Jaffé, n. 4342. On a beaucoup discuté sur la provenance de cette pièce ; le comte Riant, Archives de l’Orient latin, t. i, p. 50, semble bien avoir démontré qu’elle émane de Victor II et non, comme on l’a dit, de Victor III. La destinataire serait, en ce cas, l’impératrice Théodora, belle-sœur de Constantin Monomaque, qui, à la mort de celui-ci (janvier 1055) prit le pouvoir et le conserva jusqu’à son propre décès (30 août 1056). Si la chose était tout à fait assurée, il serait intéressant de constater que, en dépit des événements qui s’étaient déroulés à Constantinople en juillet 1054, on entendait à Rome garder des relations paci tiques, sinon avec le patriarche, du moins avec le Sacré-Palais.

A un autre point de vue, Victor 1 1 a bien mérité de la cause de la réforme ecclésiastique, par la protection qu’il accorda à saint Jean Gualbert. Après avoir séjourné quelque temps auprès de saint Romuald, au désert de Camaldoli, Jean fonda à Vallombreuse une nouvelle congrégation bénédictine qui devait être dans le pays un facteur très actif de renaissance religieuse.

.Jaffé, Regesta pontificum Romanorum, t. i, p. 549-553 ; Duchesne, Liber pontificalis, t. ii, p. 277 ; 333-334 ;  : i.">(> ; Wattericli, Vitse pontificum Romanorum ai) iri/uulibus conscriptæ, t. i, p. 177-188 et p. 738 ; Watterich donne en particulier une vie de Victor II d’après le Liber anonymus episcopis Eichstetentibus ; se reporter aussi à la bibliographie citée pour chacun des papes allemands, Clément II, Damase II, Léon IX ; cf. É. Amann, dans l’Iiche-Martin, Histoire de l’Église, t. nu, p. 1U7-11U, et, pour le cadre politique, voir A. Fliclie, L’Europe occidentale de 888à 1125, dans Glotz, Histoire du Moyen Age, t. II.

É. Amann.


VICTOR III, pape, élu en mai 1086, sacré le 9 mai 1087, mort le 10 septembre suivant. Ce

pontife éphémère ne présente d’intérêt que pour les conditions de son élévation au siège apostolique. Né à Bénévent, vers 1027, d’une famille noble, Didier, c’était son nom, renonça de bonne heure au monde. entra, après un essai de vie érémitique, au monastère de Sainte-Sophie de sa ville natale, puis, en 1055, obtint du pape Victor II l’autorisation de passer au Mont-Cassin. Lois de l’élection au trône pontifical de l’abbé Frédéric de Lorraine, qui devint Etienne IX, Didier remplaça celui-ci sur le siège abbatial (19 avril 1058). Le (i mars 1050, Nicolas II le faisait cardinal de Sainte-Marie du Transtévère. Mais cette nomination qui aurait permis à Didier de jouer un rôle de premier plan à Rome ne le détourna guère de ses fonctions d’abbé. Rendre au vieux monastère son indépendance temporelle, regrouper ses domaines, assurer son rayonnement intellectuel et artistique, réédifier sur des plans grandioses son antique basilique — elle sera consacrée le P’r octobre 1071 par le pape Alexandre II telle est surtout son ambition.

Lettré lui-même. Didier rédige trois livres de Dialogues, qui rappellent un peu les Dialogues (lu pape saint Grégoire le Grand, texte dans P. /, .. |. cxlix, col. 963-1018, et exposent les miracles dont l’abbaye a été le théâtre. Rien dans loute cette activité qui rappelle l’agitation un peu Fébrile avec laquelle la curie romaine, depuis Nicolas II. travaillait à la réforme de l’Église. Au sein du collège cardinalice. qui d’ailleurs est rarement consulté au temps deGri goire VII, Didier du Mont Cassin représenterait plutôt l’élément modéré qui s’effraie un peu des audaces du pape. Très désireux de vivre en bons termes avec